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Penser la justice dans le monde, une urgence Rawlsienne

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par Eric Christian BONG NKOT
Université de Yaoundé 1 - Mémoire rédigé en vue de l'obtention d'un diplôme d'études approfondies ( DEA ) en philosophie.  2009
  

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PREMIERE PARTIE 

ENJEUX DU CONCEPT D'AUTONOMIE DANS LA  THEORIE DE LA JUSTICE COMME EQUITE

LIMINAIRE

Cette première partie veut élucider le statut de l'autonomie dans la théorie de la justice comme équité. Comment cette dernière s'articule-t-elle vis-à-vis de l'autonomie rationnelle au sein de la philosophie politique ? Cette interrogation vise à comprendre d'abord les rapports entre la théorie de la justice comme équité et la critique sociale. Cette question nous permettra ensuite de voir dans quelle mesure la pensée de Rawls peut être gratifiée de philosophie de l'immanence sociale, ou si elle n'est qu'une critique sociale très utopistique, au sens où l'entend Ernst Bloch lorsqu'il oppose l'utopistique à l'utopie concrète17(*).

Cette première partie se divisera en trois chapitres. Le premier chapitre, intitulé « De l'Etat-nation -nation démocratique... », met en exergue la double exigence qui conditionne la théorie de l'Etat-nation démocratique chez Rawls, à savoir l'autonomie doctrinale d'une conception politique de la justice et l'autonomie complète des citoyens d'une société démocratique.

Le second chapitre intitulé « Au monde » se propose de scruter la question des rapports interétatiques dans la pensée rawlsienne. Il se propose de voir comment la catégorie d'autonomie se conjugue en termes de relations internationales.

Quelle est la pertinence théorique et pratique de l'autonomie, entendue comme faculté humaine à se donner des lois et les respecter sans contraintes extérieure, face à la désespérance totale ? La théorie de la justice comme équité peut-elle être considérée comme pensée de l'autonomie politique ? La réponse à cette question est l'objet du troisième chapitre.

CHAPITRE I : DE L'ETAT-NATION DEMOCRATIQUE...

Une difficulté évidente apparaît lorsqu'on veut retracer l'articulation de l'autonomie par rapport à la question de la justice dans la pensée de Rawls. Comment parler de l'autonomie politique chez un penseur qui n'a pas explicitement traiter de cette catégorie ? Cependant, réfléchir sur cette catégorie implique une analyse des rapports entre théorie et pratique sociale dans la pensée de Rawls.

A. DE L'AUTONOMIE DOCTRINALE D'UNE CONCEPTION DE LA JUSTICE...

La question de l'autonomie doctrinale, c'est-à-dire la possibilité pour une théorie politique d'être acceptée comme moralement valable, se penche sur la place de l'individu dans la construction sociale. Les idées traditionnelles qui assujettissaient l'ordre des valeurs politiques d'une part, à une problématique théologique18(*), et d'autre part à une problématique de la domination19(*) sont rejetées au profit d'une détermination des fins bonnes qui puissent valoir absolument et soient objectivement pratiques. Du point de vue de Rawls, ce qui importe désormais c'est la constitution de l'objectivité dans l'ordre politique fondé sur les principes de la raison pratique, en liaison avec les conceptions politiques appropriées de la personne et de la société.20(*)

Dans cette perspective, l'essentiel dans la réflexion politique est qu'elle puisse concevoir dans le cadre de l'immanence au sujet, des normes non seulement subjectives (c'est le sujet qui les pose), mais aussi intersubjectives. Il s'agit en effet de savoir comment concevoir des normes que je puisse poser et qui pourtant, limitant mon individualité, puissent valoir à la fois pour moi et pour tous. Une réflexion sur les fondements de la législation sociale doit s'arrimer à la question d'une limitation de l'individualité capable de fonder la communication et l'intersubjectivité. Ceci pour deux raisons.

Il est premièrement question de renforcer l'idée moderne selon laquelle une société démocratique n'est envisageable qu'avec l'existence de normes trans-individuelles. En l'absence de ces dernières, l'intersubjectivité est substituée par un culte du moi, de l'individualité. Contre le développement d'un tel culte, il est requis de penser à nouveau la transcendance des normes sociales par rapport à la subjectivité.

Deuxièmement, il convient d'évacuer de la théorie sociale toute problématique théologique. Se proposer de penser la transcendance des principes de justice sociale n'est pas une invitation à briser le cercle de l'immanence, à sortir du cadre de la subjectivité pour opérer un retour à une normativité calquée sur le modèle prémoderne de la loi divine, ou de l'extériorité des traditions. Il n'est pas question de ramener à la vie sociale, les figures de transcendance faisant appel à un cosmopolitisme ouvert et infini. Dans les models de normativité sociale défini par la loi divine, l'extériorité des traditions ou le cosmopolitisme ouvert et infini, le sens des valeurs et des normes politiques n'est pas pour le sujet.

Les sociétés démocratiques actuelles se construisant sur la base d'un Désenchantement du monde21(*), l'immixtion dans la théorie sociale d'une problématique théologique n'est pas souhaitable. Le défi qui se pose aux sociétés contemporaines, et la problématique fondamentale de la théorie sociale, concernent le moyen de savoir comment concilier l'exigence d'indépendance individuelle avec l'existence nécessaire des normes politiques, qui suppose bien la limitation de l'individualité. Alain Renaut l'énonce en ces termes :

Comment à l'intérieur de l'immanence à soi qui définit la subjectivité, penser encore la transcendance d'une normativité et limiter l'individualité ? 22(*) 

On comprend dès lors que l'orientation rawlsienne de la philosophie politique développe l'idée de l'autonomie doctrinale autour du problème de la transcendance dans l'immanence. Voyons à présent les contours de ce développement.

1. L'idée de Raison Publique

La raison publique est le fondement de la légitimité du pouvoir politique. Cette notion s'interprète différemment selon les approches de l'organisation sociale qu'on adopte. Dans la théorie sociale moderne, l'idée au fondement de la raison publique est qu'une décision collective, portant sur les termes de l'association politique et impliquant l'exercice du pouvoir contraignant, n'est légitime que si elle possède une justification publique. Cette forme de légitimation de l'exercice du pouvoir politique s'appuie sur l'idée d'un droit fondée en raison, base normative sur laquelle l'Occident voulait établir les rapports entre les individus et les peuples après la première guerre mondiale.

a. La raison publique dans le décisionnisme politique de Carl Schmitt

En 1932, l'idée d'un droit fondé en raison est désavouée par la régénérescence d'un concept politique de pouvoir souverain. Il ressort de ce concept une conception décisionniste de la politique, développée dans l'ouvrage de Carl Schmitt intitulé La Notion de politique23(*). Ici, la raison publique se fonde essentiellement sur la puissance coercitive de l'Etat vis-à-vis de ses ennemis externes et internes. Car la mission régalienne de l'Etat est de sauver les citoyens des affres de l'autonomie à laquelle ils aspirent continuellement. A cet effet, le souverain décide de l'Etat d'exception24(*). Et dans la mesure où les forces subversives de la société évoquent toujours la question de la justice et de la vérité, le souverain doit également se réserver le droit de définir ce qui publiquement passe pour juste et vrai. Son pouvoir décisionnaire est la source de toute validité.

Pareille analyse du pouvoir souverain de l'Etat se rencontre chez Hobbes. Ici, les croyances publiques relèvent du domaine de l'Etat. Quant aux croyances privées, l'Etat observe une attitude de neutralité. S'appuyant sur la distinction hobbesienne entre les croyances publiques et les croyances privées, Schmitt pense que Hobbes commet une erreur lourde de conséquences. La neutralité de l'Etat devant les croyances privées des citoyens représente à ses yeux, une porte ouverte à la subjectivité de la conscience morale bourgeoise et de l'opinion privée. C'est en cela qu'elle s'affirme comme contre-pouvoir politique pour accéder à la législation parlementaire et chasser le Léviathan du trône. Mais il convient de noter que cette lecture schmittienne de Hobbes esquive un fait : la souveraineté politique chez Hobbes se conçoit en relation avec le droit positif. Ce dernier dans son essence suggère une législation libérée de la transcendance du droit naturel. En ce sens, la souveraineté chez Hobbes contient en gestation l'idée de l'Etat de droit que Schmitt veut banaliser.

En somme, la pensée de Carl Schmitt défend une théorie décisionniste de la raison publique, prenant pour cible l'idée d'un droit fondé en raison, pierre angulaire de la démocratie libérale. L'idée ici est que la concentration du pouvoir politique autour d'un seul individu représente la voie sûre pour la stabilité et le progrès social. A l'inverse, c'est l'association au sein de l'Etat démocratique de la péréquation des intérêts, la domination de la majorité et la formation des élites, qui constituerait la cause principales de la crise de l'Etat de droit25(*). Sur cette position centrale, viennent se greffer diverses idées annexes qui généralement ne font qu'en découler. La plus provocante, peut-être, consiste à affirmer que l'élément le plus important dans la crise de l'Etat de droit est la carence en rigueur et en autorité dont font preuve les bases normatives de la démocratie libérale. Si ce raisonnement se nourrit des idées relatives à la crise de l'Etat de droit26(*), il sert aussi de tremplin au développement des régimes totalitaires et justifie la politique annexionniste hitlérienne qui a provoqué la seconde guerre mondiale. Contre cette orientation de la raison publique, Rawls propose une nouvelle lecture de la justification politique qui montre qu'il est possible de prévoir des désaccords, même au sein de la raison publique, sans pour autant saper l'autorité de l'Etat.

* 17 Voir Ernst Bloch, Le Principe espérance, tome1, trad. F.Wuilmart, Paris, Gallimard, 1976.

* 18 Nous mettons dans cet ordre, les modèles de pensées d'inspiration platonicienne qui exigent de lire la vérité scientifique à l'image des normes mathématiques, c'est-à-dire affirmer la quête d'un bien à l'image de l'éternité selon laquelle Dieu crée le monde. Pour Platon, le Bien est la norme éternelle, le soleil des idées qui nous interpelle et qui nous permet de nous détacher de la vision des passions attachées à un corps mortel. Ainsi, l'éternité du Bien, en correspondance avec les idéalités mathématiques donne à la géométrie une place de choix dans l'éducation et la formation des philosophes gouvernants, chargés d'assurer la thérapeutique sociale dans la visée du Bien.

* 19 Cette approche de la normativité sociale est plus visible chez Marx qui considère le droit public comme manifestation des intérêts de la classe dominante, c'est-à-dire de la bourgeoisie capitaliste.

* 20 Ces conceptions essentiellement liées à la démocratie libérale, présentent les différents membres de la société (personnes) comme libres et égaux et la société elle-même étant un système équitable de coopération, organisé en vue de l'avantage mutuel. Cf. John Rawls, Libéralisme politique, trad. C. Audard, Paris, PUF, 1997, p. 133.

* 21 Voir Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde. Une histoire de la religion, Paris, Gallimard, 1985. Cet auteur remarque que le tournant politique de la modernité se caractérise par l'abandon de la référence à l'au-delà au profit d'une organisation politique dans laquelle les hommes eux-mêmes décident en commun des lois et des institutions qui les gouvernent. Voir aussi Jürgen Habermas pour qui, contrairement aux sociétés traditionnelles, le désenchantement qui caractérise les sociétés modernes fait que les normes politiques ne peuvent désormais y acquérir leur légitimité qu'à travers un consensus obtenu par échange d'arguments, dans le cadre d'une discussion publique. Cf. Théorie de l'agir communicationnel, tome 1, rationalisation de l'agir et rationalisation de la société, Paris, Fayard, 1987, p. 17 ; et Théorie de l'agir communicationnel, tome 2, Pour une critique de la raison fonctionnaliste, Paris, Fayard, 1987, p. 88.

* 22 Alain Renaut, L'ère de l'individu, contribution à une histoire de la subjectivité, paris, Gallimard, 1989, p. 61. Voir aussi Edmund Husserl, Méditations cartésiennes, trad. G. Pfeifer et E. Levinas, 1953, p. 89

* 23 Carl Schmitt, La Notion de politique, trad. et préface de Julien Freund, Paris, Calmann-Levy, 1972.

* 24 Carl Schmitt, Théologie politique, trad. J. L. Schlegel, Paris, Gallimard, 1988, p. 15.

* 25 Ibid., p p. 11-14.

* 26 Carl Schmitt, Parlementarisme et démocratie, trad. J. L. Schlegel, Paris, Gallimard, 1988.

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