Penser la justice dans le monde, une urgence Rawlsienne( Télécharger le fichier original )par Eric Christian BONG NKOT Université de Yaoundé 1 - Mémoire rédigé en vue de l'obtention d'un diplôme d'études approfondies ( DEA ) en philosophie. 2009 |
B. LES LIMITES DU DUALISME PRINCIPIEL DANS LA JUSTICE POLITIQUE INTERETATIQUESDans la théorie de la justice comme équité, l'ordre national et l'ordre international sont régulés par des principes différents. Cette dualité de principe semble être déstabilisée par le phénomène de la globalisation plus favorable à l'effacement de la distinction politique intérieure et politique extérieure. La globalisation ici se rapporte à un cosmopolitisme se réclamant de l'extension internationale d'un principe libéral de justice distributive. Mais entre le dualisme principiel de Rawls et cette interprétation cosmopolitisante, il y a une différence : différence entre un processus objectif établissant la réciprocité requise par la coopération internationale, soutenue par Rawls, et la promotion d'une norme de solidarité internationale soutenue par le cosmopolitisme. Mais est-ce suffisant pour fonder sur un dualisme principiel, la souveraineté étatique, la tolérance des régimes non libéraux, et l'abandon d'une norme de solidarité internationale ? Nous développerons trois considérations qui nous paraissent être des limites au dualisme principiel que Rawls introduit dans le droit des gens. 1. Le problème du paradigme étatique dans le droit des gensDans le droit des gens rawlsien, le paradigme étatiste est le point focal des relations internationales. C'est ce paradigme qui justifie le fait que le schème coopératif dans le système des Etats n'accepte pas d'être régulé, comme le souhaitent Charles Beitz et Brian Barry, par un principe de justice distributive.185(*) Mais en rester à cette sublimation de l'Etat dans les relations internationales dénote pour Rawls, moins d'une quête de réciprocité que d'une profonde nostalgie de la géopolitique bipolaire qui a caractérisée les relations internationales pendant la guerre froide. L'ordre international pendant cette période illustrait l'image de l'irréconciliable division schmittienne entre l'ami et l'ennemi. Dans ce contexte, les Etats (principalement les Etats occidentaux) étaient les seuls maîtres du jeu international, et fonctionnaient sur le principe suivant : Les clés de la réussite appartiennent à ceux qui mettent entre parenthèse les considérations prescriptives comme le droit et la morale et à « fortiori » les émotions et les sentiments.186(*) Mais avec la situation d'uni polarité survenue à l'occasion de l'effondrement du bloc communiste dans les années 1990, l'Etat n'est plus l'unique acteur des relations internationales. A coté du réseau interétatique, se développent d'autres réseaux de relations internationales entièrement constitué d'acteurs non étatiques.187(*) Ces nouveaux acteurs s'intéressent fondamentalement dans certains cas, aux questions de morale, de justice que Rawls semble négliger au profit des questions de paix et de sécurité entre les nations. Avec la reconnaissance de ces nouveaux acteurs comme partie prenante du système international, un espace de dialogue s'organise en termes de procès entre une demande sociale de justice et des institutions appelées à y répondre. Ce procès se loge dans un « espace public » qui prend la forme d'un tribunal sur lequel la demande de justification des comportements présents et passés s'internationalise. En fait, face à ces nouveaux acteurs, les Etats et leurs institutions sont appelés à s'expliquer sur leurs actions. * 185 Charles Beitz, Political Theory and International Relations, op. cit., p. 125-175; Brian Barry, «Humanity and Justice in Global Perspective», in Nomos, n°24, p. 219-252. * 186 Ariel Colomo, « Les années 1990 : quelle rupture morale ? », in Esprit, n°298, Octobre 2003, p. 39. * 187 Ces réseaux peuvent être d'un ordre culturel, économique, éthique. A ce sujet, on peut lire : Daphné Josselin, William Wallace (eds), Non State Actors in World Politics, Palgrave, 2000 ; James Rosenau, Turbulence in World Politics, Princeton university press, 1990. |
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