I.1.3 Problématique
Le Niger est un pays enclavé d'une superficie de
1.267.000 km2, dont les 3/4 sont en zone désertique.
La population du Niger est estimée pour l'année
2010 à 15 203 822 millions d'habitants (INS, 2010), avec un taux moyen
d'accroissement de 3.3% par an, l'un des plus élevés d'Afrique.
Cette croissance démographique dépasse celle du PIB agricole du
pays (2.2%). Aussi, il est à noter que le secteur agricole participe au
PIB national à hauteur de 40% et emploie environ 90% de la population
active.
Cependant les revenus agricoles demeurent modiques, en raison
surtout de la faiblesse des rendements, ce qui accentue davantage la
pauvreté en milieu rural (Plan d'Action SDR, 2006). Le PIB des
sous-secteurs agriculture, élevage, forêt et pêche,
rapporté au nombre d'habitants des zones rurales, est de 59 000 F.CFA
par habitant, contre 283 000 F.CFA par habitant pour les PIB des secteurs
secondaires et tertiaires, rapportés à la population urbaine
(SDR, 2003). C'est dire que la pauvreté frappe beaucoup plus les
populations rurales qu'urbaines.
Cette situation montre la fragilité de
l'économie du pays où, selon le profil de pauvreté
établit au plan national, 86% des pauvres vivent en milieu rural, dont
66% d'entre eux sont en dessous du seuil de pauvreté. Cette
pauvreté, qui affecte gravement le milieu rural, constitue un frein au
développement de l'économie rurale et un obstacle à la
croissance du PIB agricole (et même national), qui est dépendante
d'une pluviométrie bien répartie sur le plan spatio-temporel. La
faiblesse du pouvoir d'achat des paysans est une des raisons de la faiblesse de
rentabilité de l'agriculture familiale, et est aussi une des causes de
la vente des terres par les populations les plus démunis.
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Compte tenu de l'ampleur de la dégradation de
l'environnement et la faible capacité d'accueil des différentes
unités écologiques, qui accentuent les conflits sur l'utilisation
des ressources naturelles, l'Etat du Niger s'est engagé à mettre
en place une politique foncière avec la mise en place du Code Rural. Ce
dernier a entre autres objectifs l'organisation du monde rural et la
sécurisation des opérateurs ruraux, notamment les producteurs
agricoles à travers la sécurisation des exploitations familiales,
puisque le foncier constitue le principal facteur de production des bases
alimentaires et de génération de revenus des paysans
nigériens. Ceci pour faire face à la pression que subissent les
terres agricoles notamment périurbaines, quant à leur devenir
agricole.
Au Niger l'insécurité alimentaire chronique
touche 80% de la population, essentiellement rurale, où chaque
année environ 10 à 30% de la population est déficitaire en
céréales, source principale de la ration calorifique des
ménages (Plan d'Action SDR, 2006). Ce phénomène est
principalement lié à l'improductivité des sols, à
la croissance démographique, à la pauvreté, à la
croissance urbaine de plus en plus forte, exerçant une forte pression
sur les ressources foncières agricoles périurbaines.
Les analyses des systèmes agraires ont largement
démontré la rationalité des pratiques paysannes et leurs
capacités d'adaptation. De fait, en dehors des périodes de crise,
la production a toujours suivi, parfois avec un peu de retard dans des
environnements économiques bien peu favorables. Donc, l'agriculture
familiale est, en Afrique comme ailleurs, la meilleure façon de
conjuguer l'efficacité économique et la distribution de revenus
pour peu qu'on lui offre un cadre institutionnel incitatif.
Toutes les études convergent pour souligner que les
petites exploitations investissent dans une intensification par le travail, et
obtiennent ainsi une productivité de la terre considérablement
plus élevée que les « grandes » exploitations.
DELEPIERRE Gasana (1985), souligne que « ces dernières affichaient
la plus faible production par hectare, à tel point qu'un hectare de
cette catégorie produisait parfois jusqu'à 6 fois moins que les
autres... »2
Ainsi, les exploitations familiales peuvent constituer une
voie pour l'atteinte à la souveraineté alimentaire, qui constitue
un pilier pour la sécurité alimentaire. Pour cela, un clair
soutien aux agricultures familiales s'impose puisque ce sont elles qui, dans un
contexte de libéralisation et
2 Changements fonciers et dynamiques agraires le
Rwanda, 1900-1990, Catherine ANDRE et Philippe LAVIGNE DELVILLE in
Quelles politiques foncières pour l'Afrique rurale ?
22
de mise en concurrence accrue des agricultures à
l'échelle internationale ont assuré la quasi-totalité de
l'accroissement de la production depuis 40 ans. Ainsi, l'agriculture familiale
quelle que soit sa localisation doit être prise en compte dans la
recherche de la sécurité alimentaire durable.
Cependant, on constate dans l'espace périurbain
nigérien, l'installation d'un phénomène de vente des
terres, soit par les propriétaires terriens, se sentant menacés
par une urbanisation incontrôlée des grands centres urbains,
transformant les champs en bâtis, soit par les populations pauvres pour
la satisfaction des besoins immédiats, à des personnes
nanties.
Il existe également des actions d'expropriations pour
cause d'utilité publique faites par les communes (aujourd'hui
arrondissements) pour la réalisation des lotissements.
La terre, qui dans bien des cas était jadis un bien
inaliénable, qui ne peut être vendue et qui n'est
prêtée ou cédée qu'à des conditions
très strictes, a acquis depuis quelques années une valeur
marchande inestimable. Les ventes sont devenues pratiques courantes au cours
desquelles un mouvement de thésaurisation aux fins spéculatives,
d'une ampleur surprenante a été enregistré dans certaines
régions du centre, notamment où est née une
véritable classe de propriétaires terriens. Ainsi, le capital
foncier rural périurbain se trouve grignoté, rendant la
production agricole de plus en plus précaire.
Cette situation contribue à la décapitalisation
foncière des classes sociales les plus pauvres par les ventes des terres
agricoles et les expropriations pour cause d'utilité publique.
La Ville de Zinder constitue l'une des villes du Niger
où le marché foncier périurbain et les expropriations ont
pris une ampleur inquiétante ces dernières années. Ces
actions contribuent à créer une spéculation autour du
foncier rural, et ce, généralement au profit d'un changement de
vocation, alors même que ces espaces agricoles jouent un rôle
stratégique dans la recherche de la sécurité
alimentaire.
Ces transactions foncières se font souvent dans des
conditions irrégulières du fait de la méconnaissance des
propriétaires fonciers des procédures de sécurisation et
de l'absence ou la non mise en oeuvre d'un système de régulation
de marché du foncier rural. Sans contrôle, ce marché
foncier risque de gagner du terrain et accélérer la
décapitalisation des plus démunis avec tous les effets
possibles.
Cette situation est d'autant plus inquiétante qu'elle
accentue la vulnérabilité des populations rurales. En effet, la
ruée vers le foncier agricole périurbain contribue à
décapitaliser les paysans, même si la vente de la terre constitue
un droit pour son propriétaire comme le précise l'art. 14 de
l'ordonnance n°93-015 portant POCR, qui dit que "Le
propriétaire bénéficie de la
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maîtrise exclusive de son bien". Cependant,
nous pensons que cette disposition ne favorise pas le maintien des petites
exploitations, au contraire elle contribue tout simplement à
créer une classe des paysans sans terre qui, à terme viendront
s'installer dans les centres urbains pour exercer des activités
difficilement adaptables et précaires. L'échec de ces
activités peut pousser ces populations à l'exode, à des
activités illicites ou précaires du fait qu'elles n'ont plus de
bien vendable, ni de revenu pour exercer une autre activité plus
prolifique (plus de terre, plus de revenu ayant servi à la vente des
terres).
L'affectation des terres agricoles à d'autres fins
contribuera sans doute à la destruction du potentiel productif, ce qui
aura comme corollaire, une diminution de la production, un accroissement de
l'insécurité alimentaire, une résurgence des conflits
fonciers ruraux...etc
Et, à travers ces pratiques de marché du foncier
périurbain et d'expropriation se créait une surenchère des
terres dans des conditions qui ne sécurisent pas les
propriétaires terriens, étant donné qu'il n'existence pas
de système de régulation des marchés fonciers ruraux.
Cependant, la vente et les expropriations des terres ne sont
pas un phénomène nouveau, mais c'est l'ampleur qu'elles prennent
qui est récente et préoccupante quant à l'avenir de
l'agriculture familiale.
En effet, dans un nouveau contexte de ruée vers les
terres agricoles périurbaines et de "marchandage en dessous du manteau
", la première question qui vient à l'esprit à travers
notre sujet d'étude « les effets des marchés
fonciers et expropriations des terres » est : quels sont les
effets de la décapitalisation foncière ? Ainsi, nous
déclinons cette question en cinq (5) questions subsidiaires.
i) Quelles sont les procédures de cette marchandisation
foncière ?
ii) Quels sont les effets de ces marchés fonciers
périurbains sur la productivité et la sécurité
alimentaire des ménages ?
iii) Quels sont les effets de l'expropriation des terres
agricoles dans le cadre des lotissements sur les populations, en
considérant l'expropriation comme étant un autre type de
marchandisation de droits fonciers ?
iv) Quelle relation existe-t-il entre l'expropriation et les
ventes des terres agricoles périurbaines ?
v) Comment réguler la vente des terres et
l'expropriation de façon à ce que cela puisse profiter aux
propriétaires fonciers situés à la
périphérie de la Ville de Zinder ?
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