Chapitre Troisième : APPORT DE LA JUSTICE
TRANSITIONNELLE A TRAVERS LA COMMUNICATION AU PROCESSUS DE RESOLUTION
DES CONFLITS INTERETHNIQUES DANS LE TERRITOIRE DE MASISI
III.1. INTRODUCTION PARTIELLE
Dans ce chapitre, nous allons montrer comment la communication
est l'un des moyens pour résoudre les conflits de diverses sortes, en
utilisant la justice transitionnelle qui privilégie cette approche pour
la réconciliation. Naturellement, les conflits sont inhérents
à la vie humaine ; la violence, par contre, ne l'est pas. Les conflits
résultent de la diversité humaine et peuvent avoir des
conséquences tant positives que négatives. Une gestion des
conflits basée sur la coopération et la rationalité permet
aux conflits de déboucher sur le progrès social.
III.2. MODES DE RESOLUTION DES CONFLITS
Dans les sociétés modernes, il y a plusieurs
voies de sorties pour un conflit. Lors de nos enquêtes, les personnes que
nous avons rencontrée au moment des entretiens, ont montré qu'il
y a beaucoup des modes pour mettre fin à un conflit ; mais le mode
approprié et qui n'a pas des conséquences néfastes, c'est
la justice transitionnelle à travers la communication. Ci-après
les résultats de ces enquêtes.
Comment résoudre les conflits interethniques :
43
Tableau N°6 : Guerre
N°
|
Catégories
|
Réponse
|
Nombre
|
Pourcentage
|
1
|
Hunde
|
Oui
|
11
|
2.8
|
Non
|
82
|
21.3
|
indécis
|
0
|
0
|
2
|
Hutu
|
Oui
|
13
|
3.3
|
Non
|
64
|
16.6
|
indécis
|
0
|
0
|
3
|
Tutsi
|
Oui
|
17
|
4.4
|
Non
|
58
|
15.1
|
indécis
|
0
|
0
|
4
|
Tembo
|
Oui
|
9
|
2.3
|
Non
|
50
|
13
|
indécis
|
0
|
0
|
5
|
twa
|
Oui
|
5
|
1.3
|
Non
|
75
|
19.5
|
indécis
|
0
|
0
|
Total
|
384
|
100
|
Source : voir annexe
Ce tableau montre que 82 personnes de la
communauté Hunde sur 384 personnes enquêtées (23,3%)
affirment que la guerre n'est pas un mode approprié pour résoudre
les conflits interethniques dans le territoire de Masisi contre 11 (2.8%) qui
disent le contraire ; 64 personnes de la communauté
Hutu 16.6% affirment que la guerre n'est pas un mode approprié pour
mettre fin aux conflits interethniques de ce territoire contre 13 (7.7%) qui de
leur côtés disent autres choses ; 58 personnes de
la communautés Tutsi (15.1%) affirment que la guerre n'est pas un mode
approprié pour résoudre les conflits interethniques dans le
territoire de Masisi contre 17 (4.4%) qui ne pas d'accord avec cette
affirmation ; 50 personnes de la communauté Tembo (13%)
affirment la même chose que les autres communauté contre 9 (2.3%
) qui eux disent autre choses ; 75 personnes
de la communauté Twa (19.5%) affirment enfin que la guerre
n'est
44
pas un mode approprié pour mettre fin aux
conflits interethnique contre 5 (1.3%) qui disent autre choses.
Lorsque la guerre éclate, c'est la loi du plus
fort. Le conflit est rarement enterré. Il y a risque à ce que le
plus faible se réorganise, se renforce, cherche des soutiens et, un
jour, il recommence le conflit ; c'est pourquoi la
majorité des personnes rencontrées lors des entretiens n'ont pas
apprécié ce mode.
Tableau N°7 :
Renoncement
N°
|
Catégories
|
Réponse
|
Nombre
|
Pourcentage
|
1
|
Hunde
|
Oui
|
55
|
12.1
|
Non
|
13
|
2.8
|
Indécis
|
0
|
0
|
2
|
Hutu
|
Oui
|
65
|
14.3
|
Non
|
17
|
3.7
|
Indécis
|
0
|
0
|
3
|
Tutsi
|
Oui
|
75
|
16.5
|
Non
|
23
|
5
|
Indécis
|
0
|
0
|
4
|
Tembo
|
Oui
|
86
|
18.9
|
Non
|
23
|
5
|
Indécis
|
0
|
0
|
5
|
twa
|
Oui
|
90
|
19
|
Non
|
7
|
1.5
|
Indécis
|
0
|
0
|
Total
|
454
|
100
|
Source : voir annexe
Ce tableau montre que 55 personnes de la
communauté Hutu sur 454 personnes rencontrées (12 ,1%), affirment
que ce mode de résolution des conflits interethnique parait être
bon contre 13 (2,8%) qui eux avancent autre chose ; 65
personnes de la communauté Hutu (14,3% ) affirment
aussi comme le premier contre 17 (3,7%) qui disent autre chose ;
75 personnes de la communauté Tutsi (16,5%) affirment que ce
mode peut entre bon contre
45
23 (5%) qui avancent autre chose ; 86 personnes de la
communauté Tembo (18,9%) affirment que ce mode parait être bon
contre 23 (5%) qui disent autre chose ; 90 personnes de la communauté
Twa (19%) affirment avec force car dit-on, nous sommes un peuple pacifique que
ce mode est bon contre 7 (1,5%) qui eux disent qu'ils ne sont pas
concernés par les conflits.
Lors d'un conflit entre deux parties, l'un des protagonistes
estime qu'il est de son intérêt de renoncer à l'objet de
leur conflit. Il est possible que les deux parties en conflit se retiennent du
conflit et renoncent à se battre. Et la menace en est qu'un jour l'un
peut s'estimer plus fort pour relancer le conflit. Par exemple, deux voisins
qui ont un litige de démarcation de leur champs. Les deux craignent d'en
venir aux mains, parce qu'ils se craignent mutuellement, mais chacun continue
à croire que la borne a été déplacée. Dans
ces deux cas, le conflit est-il vraiment résolu ?
Tableau n°8 : justice
transitionnelle
N°
|
Catégories
|
Réponse
|
Nombre
|
Pourcentage
|
1
|
Hunde
|
Oui
|
75
|
16,1
|
Non
|
7
|
1,5
|
Indécis
|
0
|
0
|
2
|
Hutu
|
Oui
|
72
|
15,5
|
Non
|
17
|
3,6
|
Indécis
|
0
|
0
|
3
|
Tutsi
|
Oui
|
82
|
17,6
|
Non
|
23
|
4,9
|
Indécis
|
0
|
0
|
4
|
Tembo
|
Oui
|
82
|
17,6
|
Non
|
9
|
1,9
|
Indécis
|
0
|
0
|
5
|
twa
|
Oui
|
92
|
19,8
|
Non
|
5
|
1
|
Indécis
|
0
|
0
|
Total
|
464
|
100
|
Source : voir annexe
46
Ce tableau montre que 75 personnes de la communauté
Hunde sur 464 personnes enquêtées (16,1%) affirment a que ce mode
de résolution des conflits 7(1,5%) qui eux avancent autre chose ; 72
personnes de la communauté Hutu (15,5%) affirme avec joie que ce mode
est vraiment approprié contre 17 (3,6%) qui eux disent autre chose ; 82
personnes de la communauté Tutsi (17,6%) affirment que ce mode est
réellement approprié contre 23 (4,8%) qui eux pensent autre chose
; 82 personnes de la communauté Tembo (17,6%) affirment comme les
premiers contre 9 (1,9%) qui eux disent, autre choses ; 92 personnes de la
communauté Twa (19,8% ) affirment comme le précédent mais
elle ajoute en disant que, c'est meilleure, car elle va le valoriser contre 7
(1,5%) qui disent autre chose.
De ce qui, précède, on peut aisément
constater qu'il y a lieu de privilégier la justice transitionnelle
à travers la communication qui seule est de nature à contribuer
efficacement à une résolution efficace des conflits, en
dépit des risques que peut comporter pareil processus.
Par contre, une paix contrainte, c'est la pax
Romana.55 On parlerait aujourd'hui de la Pax Americana, une sorte de
paix imposée par les vainqueurs, par les conquérants, par la
force et par l'épée. La paix est presque toujours le
résultat d'une victoire : militaire, politique, sociale,
économique, etc. C'est la paix la plus couramment pratiquée
à l'échelle des rapports entre les pays et les Etats. Son
inconvénient, c'est qu'il n'y a pas d'engagement de tous à
adhérer à cette paix, à la faire respecter et à
mettre en application ces mécanismes, sinon par la force. Il faut
toujours se demander si la paix dont on se réjouit et dont on jouit ne
répond pas à cette paix-là, avec toutes ses limites.
· Une autre façon de considérer la paix
comme « une absence de guerre » est de croire que la paix est quelque
chose de simplement pratique : il s'agirait de mettre un certain nombre de
mécanismes, capables d'arrêter la guerre et les conflits en
général, par exemple en neutralisant les belligérants et
en leur imposant une ligne de conduite
55 R.HOWARD, Pour un journalisme sensible aux
conflits, Impacts, Canada, 2003, p. 11-12.
47
pour qu'il y ait la paix... Mais là encore, il peut
s'agir simplement d'un rapport de forces qui n'entraîne pas
nécessairement et ne requiert même pas l'adhésion des
parties en présence. Elles ont juste à se tenir tranquilles ;
juste pour faire la paix ; une paix de façade !
· Dans une encyclique qui a connu beaucoup de
succès, Pacem in
Terris (la paix dans le monde), le Pape Jean XXIII a
essayé de se sortir de ce piège négatif en montrant que la
paix ne doit pas seulement être comprise comme une absence de conflit,
mais comme un ensemble de relations positives entre les individus et entre les
communautés. L'Encyclique démontre, en effet, combien la logique
des rapports de force est toujours contre productive à tous les points
de vue.56
Les diplomates savent qu'en cas des conflits, l'une des
règles de comportement est d'essayer de ne jamais rompre le contact, de
rester en communication, même si celui-ci peut-être difficile. En
réalité, la communication est la seule chose qui traduit une
volonté de paix... Il permet de mettre en lumière pas mal de
choses : supprimer des malentendus, comprendre le sien, construire une
mémoire collective commune, reconnaître ses propres fautes erreurs
et mieux comprendre celles de l'autres, etc. bref de faire la
vérité.
Le conflit suppose la perte de confiance. La mise en oeuvre,
d'un processus de paix doit reposer sur la restauration de cette confiance,
sans laquelle toutes les tentatives risquent d'être vouées
à l'échec parce qu'elles sont piégées par la
suspicion et la mauvaise foi. Dans le territoire de Masisi un climat de
méfiance s'installait au sein des communautés ethniques.
Ainsi tout chercheur, intellectuel du Territoire de Masisi ne
doit pas croiser les bras devant le drame qui ravage son peuple. Il doit vite
créer un cadre permettant un métissage des compétences de
son élite et s'engager dans la dynamique de résolution de ces
conflits en mettant à l'abri son peuple contre l'aliénation. Ce
cadre fera participer la base et lui permettra de retrouver la confiance de son
élite intellectuelle.
56 Jean XXIII, Encyclique, PACEM TERRIS, n°
126-129.
57 New approches in international criminal
justice, KOSOVO, East Timor, Sierra Leone and Cambodia - Ambos et Othan,
Institut Max Plank, SD, p.135.
48
Ce mécanisme que nous proposons pour résoudre
les conflits interethniques et ses corollaires comme les résultat de
l'enquête l'ont montré. C'est la justice transitionnelle à
travers la communication.
A cet effet, nous allons décortiquer certains points
sui sont en rapport avec la justice transitionnelle que voici :
· Notions de justice transitionnelle ;
· Pertinence des mécanismes de justice
transitionnelle : contexte de mise en place des mécanismes et justice
;
· Les avantages des mécanismes justice ;
· Les limites des mécanismes de justice ;
· Les défis de la justice ;
· La réconciliation dans le processus de justice
;
· Les choix qui sont faits en matières e justice
;
· Les conditions de succès des mécanismes de
justice transitionnelle ;
· Cas de Masisi :
o La pertinence des mécanismes de justice ;
o Les défis ;
o Modalités pratiques.
III.3. LA NOTION DE JUSTICE
TRANSITIONNELLE57 De la justice transitionnelle, on
retient que :
· Il n'existe pas de définition unanime de la
justice ;
· Elle englobe les vocables de justice restauratrice,
justice réparatrice et justice réconciliatrice ;
· La justice transitionnelle est souvent définie
comme un ensemble de mécanismes mis en place dans un pays qui sort d'un
conflit civil ou d'une dictature (caractérisée par des violations
massives des droits humains) vers un début de démocratie ;
· La justice transitionnelle est aussi un ensemble des
mécanismes mis sur pied par rapport à un cadre de solution pour
le rétablissement de la paix
49
dans un contexte de transition à la suite d'un
conflit, ou d'un régime totalitaire, en vue d'aller vers un
régime démocratique.
Il existe des définitions divergentes de la justice
transitionnelle mais elle doit être définie comme un cadre de
solution, c'est-à-dire un contenant de plusieurs alternatifs. Il s'agit
principalement de répondre à la question « Qu'est-ce qu'on
fait avec les crimes du passé ? ». Et cela avant de se tourner vers
l'avenir, un avenir sans répétition des crimes du
passé.
· En matière de la justice transitionnelle, il
sied aussi de ne pas opposer les mécanismes mais de prôner une
complémentarité qui s'adapte au contexte de chaque
entité.
Il faut noter qu'il s'agit d'une justice transitionnelle et
non « transitoire », il sied de bien analyser le contexte pour savoir
quand est-ce qu'elle commence et prend fin, mais il faut laisser le temps au
temps.
· Il n'existe pas de mécanismes « miracles
» de justice transitionnelle : ce sont des décisions (des choix)
qui tiennent compte du contexte de chaque pays, de la nature du conflit et des
forces en présence mais également de la manière dont le
conflit a été terminé.
· Dans les années 70 - 80, l'Uganda, sous le
régime d'Idi Amin et le Tchad, avait fait allusion à la justice
transitionnelle, mais elle visait seulement à établir les
faits.
· En Afrique du Sud, après l'Apartheid, au
Canada, il y a eu création des CVR « Commission de
Vérité et de Réconciliation » pour réparer les
torts faits au peuple autochtone (indiens). L'accent était mis plus
à la mémoire que sur le crimes ;
· En RDC, la « Commission Vérité et
Réconciliation » a été mise en place en 2002 mais
elle n'a pas fait son travail ;
Ainsi, peut-on dégager quelques pistes pour le choix d'un
mécanisme :
a) Tenir compte de la spécificité du contexte. Ex
: Le génocide des proximités au Rwanda.
b) Quels sont les objectifs qu'on veut prioriser ? S'ils sont
contradictoires, Quels sont les objectifs majeurs ?
c) Niveau de participation élevé de la
population (appropriation par la population).
50
Il faut que la population soit préparée et
participe aux phases préparatoires, la négociation avec les
forces politiques qui sont au pouvoir s'impose si celles-ci s'opposent aux
mécanismes de la justice ou ne sont pas transparentes. Le niveau de
confiance de la population dans les institutions comptent beaucoup. Dans une
approche pareille si jamais la population n'a pas confiance en ses
institutions, en sa justice, pourquoi et comment aura-t-elle confiance en sa
CVR ?
Des précautions doivent ainsi être prises en ce
que cette justice créée n'incite pas à la
révolte.
d) Faire une évaluation de ce qui est possible ; il ne
faut pas rêver, il faut voir ce qui est faisable, enfin laisser le temps
au temps.
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