Le régime juridiques des ententes anticoncurrentielles( Télécharger le fichier original )par Nisrine NASSIRI Faculté des sciences juridiques économiques et sociales de Salé Maroc - Licence en droit privé 2012 |
§1 : Les éléments d'entente.A- Volonté de s'entendre.Le rôle névralgique assumé par la volonté témoigne de la parenté entre l'entente et le contrat. De même qu'il ne peut y avoir contrat sans volonté de contracter, il ne peut être question d'entente sans volonté de s'entendre. L'entente anticoncurrentielle est une notion objective : la poursuite par les parties d'un but anticoncurrentiel n'est pas une condition de l'incrimination. Mais l'entente elle même, définie comme un concours de volontés autonomes, reste une notion subjective. Parce que la volonté est un élément constitutif de l'entente, «les entreprises ne sont sanctionnées que pour des comportements qu'elles ont volontairement adoptés et non du seul fait qu'elles se trouvent situées sur certains marchés »6(*). Pour être condamné, un comportement ne doit pas être fortuit, ou imposé par la structure du marché. L'hypothèse la plus fréquemment visée est celle d'un marché oligopolistique. Il s'agit d'un marché caractérisé par la présence d'un nombre très contingenté d'offreurs, déambulant dans des conditions identiques. L'analyse économique révèle que leur dépendance économique mutuelle est un frein à leur rivalité concurrentielle. Du fait de leur petit nombre en effet, chacun anticipe les réactions des concurrents, se détermine par rapport à elles, et y répond fortement. Si l'entreprise A décide de "casser ses prix", l'entreprise B en aura immédiatement connaissance et va être contrainte de procéder de même très rapidement pour éviter une fuite de sa clientèle. Il est même possible que B accentue le phénomène à la baisse. Chaque opérateur va s'enliser dans une guerre des prix dévastatrice. Plutôt que de s'y livrer, les entreprises vont chercher à "maximiser leur profit joint "7(*), en se comportant comme si chacune était en position de monopole. La simple rationalité des opérateurs les pousse donc à des politiques d'alignement des prix à la hausse plutôt qu'à la baisse. C'est la structure du marché, et non une entente, qui explique ce phénomène. On ne peut donc condamner les entreprises du simple fait qu'elles adoptent des comportements parallèles. L'entente implique donc un accord de volonté, supposant que les parties concernées agencent d'une autonomie de décision suffisante les unes par rapport aux autres. Une simple tentative ou proposition sans qu'il soit démontré qu'elle ait été acceptée ne suffit pas. Par contre, il a été considéré qu'un agrément d'un distributeur par un producteur relevait de l'entente anticoncurrentielle (CA Paris, 28 janv. 1988; Cass. 25 avr. 1989). 8(*) Pour couronner le tout : a- L'entente ne peut absolument pas résulter d'une situation de fait: C'est-à-dire qu'elle ne se présume pas, elle doit être prouvée par un agglomérat d'indices graves, précis et concordants. b- Les parties à l'entente n'étant pas caractérisées que ce soit dans l'article L-420 du code de commerce français, ni dans l'article 6 de la loi 06-99, ainsi, semble-t-il que la qualification de l'entente est franc-tireuse de la qualité de ses adeptes. D'une façon différente, ce sont des entreprises indépendantes les unes par rapport aux autres, même si elles ne se font concurrence, il ne leur est donc pas requis qu'ils exercent une activité dans le même secteur où s'est conclue l'entente. Le concours d'une entreprise à l'entente est le critère d'incrimination et non pas l'exercice par celle-ci d'une activité sur le marché concerné par l'entente. Mais tout bien considéré, cette entreprise ne sera sanctionnée que si son accord de volonté est exempt de vice. c- Les ententes entre entreprises du même groupe ne tombent pas sous le coup de l'interdiction de l'article 6 de la loi 06-99 ni l'article L.420 du code de commerce français ou même l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne9(*) (ancien art.85), dès lors que ces entreprises du même groupe possèdent leur volonté propre sur le plan commercial, financier ou technique. L'opinion selon laquelle ces entreprises forment une entreprise unique auxquelles il ne peut être stigmatisé de s'entendre avec elles-mêmes, ne semble pas cohérente avec la logique économique du droit de la concurrence. * 6 L. VOGEL," L'influence du droit communautaire sur le droit français de la concurrence", J.C.P. éd. G., 1992, n°3550, p.33 * 7 Le père de cette analyse fut E. H. CHAMBERLIN. Il la développa dans l'ouvrage intitulé "La théorie de la concurrence monopolitistique" (1950). Elle fut amplement reprise depuis. La théorie de la maximisation du profit joint fut contestée par certains auteurs, tel POSNER, qui firent notamment valoir que, même sur un marché oligopolistique, le temps de réponse des concurrents peut être relativement long ("Antitrust Law. An Economic perspective", The University of Chicago Press, 1976.) * 8 A.GUEDJ, « Pratique du droit de la concurrence national et communautaire », LexisNexis éd. p :30 * 9 Le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est l'un des deux traités fondamentaux des institutions politiques de l' Union européenne avec le Traité sur l'Union européenne. Il portait le nom de traité instituant la communauté européenne ou traité CE avant l'entrée en vigueur le 1er décembre 2009 du traité de Lisbonne. On l'appelle également couramment le traité de Rome. Nommé à l'origine « Traité instituant la Communauté économique européenne », il a constitué l'acte fondateur de la Communauté économique européenne ( CEE). Il a été signé le 25 mars 1957 dans la salle des Horaces et des Curiaces du Capitole, Rome, par l' Allemagne, la France, l' Italie et les trois pays du Benelux : Belgique, Luxembourg et Pays-Bas, les délégations ayant la volonté de s'engager dans un processus irréversible. Selon son préambule, le traité vise notamment à « établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ». |
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