§5 : L'exemption.
L'exemption est un mécanisme immunitaire. Elle institue
une dérogation à la règle prohibitive. Elle semble en
effet restituer aux parties une liberté que contrariait la prohibition.
Ce serait mal la concevoir. Les autorités de la concurrence
subordonnent le bénéfice de l'exemption à
différentes conditions. Dans une certaine mesure, l'exemption
apparaît comme une injonction non coercitive. L'entente est
exemptée (Union européenne) ou justifiée (Maroc et
France). Par facilité de langage, nous utiliserons le terme d'exemption
quel que soit l'ordre juridique concerné.
Les droits marocain, français, et communautaire
prévoient une double justification des ententes anticoncurrentielles:
justification par l'existence d'un texte législatif et
réglementaire, justification par le progrès économique.
A - justification par la loi.
Elle est prévue au premier article alinéa 1 de
l'article 8 de la loi 06-99, aux termes duquel : « ne sont pas
soumises aux dispositions des articles 6 les pratiques : qui
résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte
réglementaire.
Idem pour l'article 10 de l'ordonnance du 1er
décembre 1986 qui stipule que « Ne sont pas soumises aux
dispositions des articles 6 et 8, les pratiques qui résultent de
l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire
pris pour son application.
La justification est conçue en terme stricts. Elle ne peut
résulter que d'une loi ou d'un décret ou d'un arrêté
ministériel. Une entente ne peut trouver sa justification dans des
circulaires administratives puisqu'elles n'ont pas de valeur
réglementaire. De même une pratique anticoncurrentielle
approuvée par une administration de tutelle, voire facilitée par
elle, ne saurait échapper à la prohibition de principe de
l'article 6. Il n'y a rien d'étonnant à cela, c'est la
règle qui gouverne les limitations à la liberté
d'entreprendre, dont la liberté de concurrence est une
conséquence.
Les auteurs d'une entente ne sauraient en conséquence se
justifier en prétendant que leur comportement constitue un moyen de
légitime défense aux pratiques illicites mises en oeuvre à
leur égard. Si ces entreprises s'estiment victimes de comportement
illicites des concurrents, il leur appartient de saisir les juridictions
compétentes pour les faire cesser et de prendre des mesures de
rétorsion en mettant elle-même en oeuvre d'autres pratiques
illicites
B- justification par le progrès
économique.
Aux termes de l'article 8, al2, les ententes ne sont pas
prohibées : lorsque : « ... les auteures
peuvent justifier quelles ont pour effet de contribuer au progrès
économique et que ses contributions sont suffisantes pour compenser les
restrictions de la concurrence et qu'elles réservent aux utilisateurs
une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux
entreprises intéressées la possibilité d'éliminer
la concurrence pour une partie substantielle des produits et services en cause.
Ces pratiques ne doivent imposer des restrictions à la concurrence que
dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif
de progrès ».
Tout comme l'article 10, al 2 de l'ordonnance du 1er
décembre 1986. « Ne sont pas soumises aux dispositions des
articles 7 et 8 les pratiques dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont
pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles
réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en
résulte, sans donner aux entreprises intéressés la
possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie
substantielle des produits en cause. Ces pratiques... ne doivent imposer des
restrictions à la concurrence que dans la mesure où elles sont
indispensables pour atteindre cet objectif de progrès. »
La lecture de ce texte montre que quatre conditions doivent
être réunies pour que joue l'exemption par le progrès
économique.
La première est l'assurance d'un progrès
économique. Cette notion de progrès économique est une
notion difficile à préciser sont l'évaluation ne peut
résulter qu'un bilan économique des pratiques anticoncurrentielle
relevées en mettant en comparaison leur avantage et leur
inconvénients.
Avant l'ordonnance du 1er décembre 1986,
L'ancienne commission technique des ententes, dans les années cinquante,
avant intenté la méthode dite du bilan économique. Pour
savoir si une entente était bénéfique ou nuisible - l'on
parlait encore à cette époque des bonnes et mauvaises ententes- A
l'actif, la contribution au progrès économique, AU passif la
restriction de la concurrence et les obstacles au développement du
secteur économique intéressé qui en résultaient. Si
le bilan était globalement positif, l'entente échappait à
l'interdiction. En France non plus, la méthode du bilan n'est plus
retenue. Elle laisse penser qu'il existerait deux voies pour parvenir au
progrès économique : la voie de la concurrence, d'une part,
et la voie de l'organisation des facteurs économiques par des accords
professionnels, d'autre part . Elle n'exige pas que l'entente soit le seul
moyen de parvenir au progrès. Elle se contente de mettre en balance la
somme des avantages et inconvénients constatés.
Deuxième condition, une partie équitable du profit
résultant du progrès économique doit être
réservé aux utilisateurs. Ainsi le progrès ne doit pas
uniquement profiter aux entreprises membres de l'entente, ni même aux
autres entreprises de la même branche. Le profit dit se répercuter
en aval. Par exemple si le progrès économique se traduit par une
hausse des prix, le bénéfice de l'article 8 al.2 ne peut
âtre accordé. En revanche si le progrès économique
se traduit par un meilleur accès aux consommateurs à un produit
ou à un service, l'entente relevée ne tombe pas sous le coup de
la prohibition.
Troisième condition, l'entente ne doit pas donner aux
entreprises intéressées la possibilité d'éliminer
la concurrence. L'on peut parler de la nécessité de conserver une
dose minimale de concurrence sur le marché. En effet si le
progrès économique peut justifier une certaine restriction de la
concurrence, il ne peut fonder l'élimination totale de celle-ci.
La quatrième condition consiste dans le respect du
principe de proportionnalité. La restriction de concurrence ne doit pas
aller au-delà de ce que peut tolérer l'objectif du progrès
économique. Aussi la dérogation de l'article 8 al2 doit-elle
puiser sa justification dans le progrès économique qui est la
conséquence directe et nécessaire de la restriction de la
concurrence. Le progrès ne doit pas pouvoir être atteint par
d'autres moyens.
La contribution au progrès économique peut
être vérifiée et affirmée par les pouvoir publics
pour certaines catégories d'accords. Le premier ministre, après
avis du conseil de la concurrence, peut justifier certains accords qui, en
rinciez tomberaient sous le coup de l'interdiction des ententes, dés
lors que ces accords « ... ont pour objet d'améliorer la
gestion des petites ou moyennes entreprises ou la commercialisation par
agriculteurs de leurs produits.. » (Article8. AL3).
|