2.2.3. Territoire et techniques de chasse
Dethier (1995) distingue le terroir de chasse villageoise
couvrant la zone de capture proche du village où le piégeur
visite les pièges et retourne au village le même jour, et le
terroir forestier où se trouvent les campements de chasse. La chasse
villageoise touche également les aires protégées (Caspary,
1999).
Les populations vivant à l'intérieur et/ou
à la périphérie des aires protégées
dépendent de plus en plus de la faune sauvage pour se procurer des
revenus financiers, avec comme conséquence, l'augmentation de la
pression de chasse sur les espèces animales prélevées
(Ngandjui, 1999). D'après Bahuchet (1993), les méthodes de chasse
sont adaptées aux conditions écologiques de chaque région
: la disponibilité des matériels, les proies visées, la
saison, voire le moment de la journée. Toutefois, ces méthodes ne
dépendent pas seulement
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des facteurs écologiques, mais également des
autres activités de subsistance et de rente (Noss, 1995). Tandis que les
agriculteurs ont tendance à chasser près de leurs plantations et
ceci en fonction de l'intensité des travaux champêtres, les
chasseurs cueilleurs (comme les Aka de la République Centrafricaine)
vont plutôt chasser pour plusieurs jours en forêt. Les techniques
de chasse des peuples des forêts d'Afrique Centrale sont majoritairement
la chasse au fusil et le piégeage (Infield, 1988 ; Jeanmart, 1997). Les
autres techniques telles que le fléchage et la chasse courre ont presque
disparu (Ngnegueu, 1998).
2.2.4. Evolution du rapport des populations avec la faune
sauvage
Associée à la demande alimentaire accrue des
sites industriels, l'installation d'une société forestière
provoque également des changements majeurs dans la perception des
populations vis-à-vis de leurs ressources naturelles et plus
particulièrement de la faune sauvage. Pratiquée au départ
principalement pour la consommation familiale, la chasse devient en effet, avec
la création d'un marché local, une activité commerciale
à large échelle permettant de dégager rapidement des
revenus souvent importants (Wilkie et al., 1992 ; Auzel & Wilkie,
2000).
En fonction de leurs moyens financiers et de leur
disponibilité, les villageois qui décident de prélever du
gibier en forêt pour le vendre au niveau des sites industriels pourront
ainsi être :
-Des chasseurs professionnels qui, (1) faute
d'activités professionnelle ou à la suite d'un licenciement par
l'entreprise forestière et (2) grâce à un petit capital de
départ obtenu seul ou avec l'aide d'un membre familial (souvent
salarié de la société d'exploitation), se sont
lancés dans l'exercice de la chasse à temps plein et tout
à long de l'année.
-Des chasseurs commandités qui, faute
de capital, ne peuvent pratiquer leur activité pour eux-mêmes et
sont embauchés, en échange d'un salaire ou d'une part du butin,
pour prélever du gibier en forêt. Suivant sa stratégie, le
chasseur pourra alors travailler à temps plein pour une seule personne
(chasseur professionnel ou commerçant de venaison) ou pour n'importe
quel villageois du site industriel souhaitant obtenir du gibier (ouvriers
forestiers).
Les pygmées sont dans ce cas souvent mis à
contribution car, outre leur connaissance unique des forêts, ils
représentent une main d'oeuvre bon marché pour leurs
commanditaires (Auzel & Wilkie, 2000).
-Des chasseurs occasionnels qui pratiquent
une autre activité professionnelle et ne peuvent effectuer
régulièrement des allers-retours en forêt. Cette
catégorie comporte en majorité des travailleurs de la
société forestière qui, durant les jours de repos ou les
périodes
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d'arrêt des activités industrielles
(chômage technique en saison des pluies), profitent de leur temps libre
pour chasser et, de cette manière, nourrir leur famille ou tirer profit
de la vente de leur butin.
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