v Sens de la mort
Ce qui ne peut être accompli par une seule personne,
limitée dans l'espace et dans le temps, arrivera par le moyen d'une
autre qui, entrant dans le même dessein, en assurera la
pérennité. Sera possible ainsi, grâce à une
multitude, ce qui serait impossible à un seul. Ce que le
poème dynastique ne dit pas. Dans le poème tous les rois
ont le même mérite parce que dieux. De ces dieux dont tout
dépend. On comprend pourquoi le poète chante que :
« Le mode dont Dieu prédestine les
Rois
Est un mystère pour les autres,
ô le Cent-fois-puissant »
(P. 123, p. 78).
Le philosophe se doit de comprendre que nous sommes devant une
structure de l'homme au service des desseins qui débordent de vie et
qui, pour couvrir la durée qui s'impose, doivent prendre le chemin de la
succession. Ce qu'ignore le poème.
Toutes les dynasties s'insèrent dans une
humanité historiquement mortelle ; malheureusement le thème
de la mort semble absent dans le poème. Certes le Muntu croit
à la victoire de la vie sur la mort, sur sa mort. Mais c'est donc la
mort qui, mettant seule un terme à leur fonction, en fonde aussi le
caractère successoral. C'est donc bien le fait humainement
inévitable de la mort qui explique, au regard des textes
généalogiques des peuples, le recours spontanée au
principe de succession. Seule la succession dans l'oeuvre de N'sanda Wamenka,
les Récits épiques des Lega du Zaïre,
Tome 1, est capable d'assurer la pérennité d'une fonction
à travers et par-delà la mortalité de ses
représentants. N'sanda Wamenka sur ce point n'est pas novateur ; il
met en oeuvre ou plus exactement il voit qu'a été mise
en oeuvre dans la littérature orale une structure humaine
élémentaire, qui permet à notre mortalité d'entrer
au service de ce qui la déborde.
La finitude humaine n'était pas seulement
mesurée à un projet d'un individu, comme Platon pouvait le
concevoir à propos de la paternité. En Muntu, la finitude humaine
se trouve confrontée à un dessein d'une ampleur divine à
laquelle devait s'adapter la pérennité biologique qui fait la
gloire de la tribu. Ainsi s'établissait dans la conscience et les
structure de Bantu le sens d'une continuité d'institution qui, en
passant du biologique au spirituel, jouerait un rôle au service divin.
Une antique tradition locale cananéenne,
antérieure à la conquête d'israélite,
révèle le type de souverain auquel le pouvoir politique est
attaché. Si on considère les études de Baumann et
Westermann dans Les peuples et les civilisations de l'Afrique, on
comprendra que les souverains ont le pouvoir de combattre les peuples dont il
est souvent difficile de préciser l'identité.
Les récits épiques désignent une
succession soustraite aux généalogies, c'est-à-dire aux
ruses de la vie pour dépasser la mort, tout en y demeurant assujetti.
Ainsi, la génération en consacre l'infirmité.
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