v Questions des mots
Dans ce contexte, Mutuza s'allie à Papadopoulos dans la
résolution de conflits entre les Tutsi et les Bantu. Mais avant cela, il
est utile de qualifier la position de Mutuza à l'égard de
l'appartenance comme optimiste (ce qui ne nous étonne pas de la part de
celui qui s'appelle avec beaucoup d'humour le philosophe le plus heureux qu'il
ait jamais rencontré !). Cela nous permet de faire quelques
clarifications nécessaires, spécialement à propos de
l'instrumentalisme méthodologique. C'est la
méthode que Mutuza emprunte pour la résolution des conflits. Il
nie le bien fondé de la démarche des positivistes tout en
étant dans leur schéma darwinien. Mais il a peut-être
oublié que la théorie positiviste
vérificationniste de la signification fit l'objet de critiques de la
part des philosophes comme Karl Popper. Finalement, cette théorie
étroite de la signification cède la place à une conception
plus large de la nature du langage. Là encore, Wittgenstein joua un
rôle prépondérant. Rejetant nombre de conclusions
antérieures du Tractatus, il inaugura une pensée d'un
type nouveau, qui culmina dans son oeuvre posthume, les Investigations
philosophiques (1953). Dans cet ouvrage, Wittgenstein montrait que la
variété et la flexibilité du langage se font jour
dès lors que l'on prête attention à la façon dont le
langage est vraiment utilisé dans le discours ordinaire. Les
propositions font beaucoup plus que dépeindre des faits, c'est le sens
de la computation. Cette découverte fut à
l'origine de l'important concept wittgensteinien de jeux de langage. En
témoignent, par exemple, le scientifique, le poète, le
théologien, qui sont impliqués dans différents jeux de
langage. De plus, la signification d'une proposition doit être comprise
dans son contexte, c'est-à-dire en termes des règles du jeu de
langage dont elle fait partie. Wittgenstein en conclut que la philosophie est
la tentative de résoudre les problèmes qui résultent de la
confusion linguistique, et que la clef de tels problèmes réside
dans l'analyse du langage ordinaire et dans l'usage approprié du
langage. Le mouvement analytique et linguistique s'est vu enrichi de
nouvelles contributions, à travers les oeuvres des philosophes
britanniques Gilbert Ryle, John Langshaw Austin et P.F. Strawson, et du
philosophe américain W.V. Quine. Selon Ryle, la tâche de la
philosophie est de reformuler les « expressions
systématiquement trompeuses » sous une forme logiquement plus
exacte. Il s'intéressait tout particulièrement aux assertions
dont la forme grammaticale suggérait l'existence d'objets non-existants.
Ainsi Ryle est-il célèbre par son analyse du langage mentaliste,
langage qui suggère trompeusement que l'esprit est une entité au
même titre que le corps, c'est un psychologisme qui attaque la conception
wundtienne des états de conscience.
Austin affirmait que toute recherche
philosophique doit, dès le départ, porter une attention
particulière aux distinctions subtiles qui sont à l'oeuvre dans
le langage ordinaire. Son analyse du langage déboucha sur une
théorie générale des actes de langage, c'est-à-dire
une description de la variété des actes qu'un individu est
susceptible d'accomplir en énonçant quelque chose.
Strawson est connu pour son analyse des relations entre logique
formelle et logique du langage ordinaire. La complexité de ce dernier
n'est pas, selon lui, représentée de façon adéquate
par la logique formelle. Aussi est-il nécessaire d'ajouter un grand
nombre d'instruments analytiques à la logique pour analyser le langage
ordinaire.
Quine se pencha sur le rapport entre
langage et ontologie. Il affirmait que les systèmes linguistiques
tendent à engager leurs utilisateurs à présupposer
l'existence de certaines choses. Pour lui, les raisons qui justifient la
manière de s'exprimer d'une façon plutôt que d'une autre
sont purement pragmatiques. L'analyse du langage,
considérée comme partie intégrante et indispensable des
recherches philosophiques, demeure un aspect majeur de la philosophie
contemporaine. Par ailleurs, le clivage se perpétue entre ceux qui
préfèrent travailler avec la précision et la rigueur des
systèmes logiques symboliques et ceux qui préfèrent
analyser le langage ordinaire. Bien qu'il y ait peu de philosophes
contemporains pour affirmer que tous les problèmes philosophiques sont
linguistiques, l'idée que l'examen de la structure logique du langage et
de l'usage du langage ordinaire peut souvent contribuer à la
résolution des problèmes philosophiques demeure largement
partagée.
|