Certification de gestion durable des forêts et efficacité socioéconomique des entreprises du secteur dans le bassin du Congo. Cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jonas NGOUHOUO POUFOUN Université de Yaoundé 2 - Diplôme d'études approfondies/ Master II en sciences économiques 2008 |
Section II: Relation entre certification forestière et performances socioéconomiques des entreprisesPour parvenir à ressortir les relations qui existent entre la certification et la performance socioéconomique des entreprises du secteur, il est plus aisé d'aborder tout d'abord le lien entre certification et efficacité sociale (II.1), et ensuite, le lien entre certification et performance financière (II.2). Pour se faire, nous avons fait recours à la théorie de l'agence pour le premier lien, et ensuite au Modèle S-C-P (Structure-Comportement-Performance) pour le second lien. II.1. : Certification forestière et efficacité sociale des entreprises : le modèle d'agenceLa principale question que nous soulevons ici concerne l'amélioration de l'intérêt social dans ce secteur avec l'avènement de la certification forestière. Afin de mieux aborder la responsabilité sociale des gestionnaires forestiers, une option est de présenter d'abord les parties prenantes dans l'activité d'exploitation forestière ainsi que leurs intérêts. Les parties prenantes constituent l'ensemble des agents qui affectent de loin ou de prêt l'activité d'exploitation forestière. Ils ont des droits ou des intérêts dans le secteur. La théorie des parties prenantes (Stakeholders theory) évoque les relations économiques, environnementales et sociales/sociétales que l'entreprise entretient avec le reste des acteurs46(*) II.1.1: Intérêts socioéconomiques des Stakeholders et Problèmes d'agenceLa forêt produit un certain nombre de fonctions qui tiennent lieu des intérêts des parties prenantes. Cependant, ces intérêts ne sont pas toujours accessibles aux ayants droits. a) Intérêts des parties prenantes La forêt tropicale est, par excellence, multi-usage et multi -acteur. (LESCUYER, KARSENTY, EBA'A ATYI, 2008). La gestion durable doit prendre en compte les intérêts de ces acteurs en interaction dont les employés, les populations allogènes et autochtones, l'Etat, les consultants, les ONG, la communauté internationale, les religieux,... Dans le cadre de notre étude, nous feront une restriction à quelques parties prenantes dont, les gestionnaires, les employés, les populations riveraines, l'Etat et les clients. Dans une perspective économique, le problème forestier au Cameroun rapproche trois groupes d'intérêts sur lesquels nous insisterons davantage: les exploitants, les employés et les communautés villageoises. L'Etat et les bailleurs de fonds interviennent dans ce rapport à travers la mise en place d'un régime susceptible de garantir une jouissance à long terme de ce patrimoine naturel (MBOUS, 2003). Dans cette étude, nous considérons la population comme « copropriétaires de la forêt » avec l'Etat, ce qui est acceptable du point de vue sociologique et non acceptable du point de vue du droit positif. Dans le tableau 2.2, nous présentons quelques parties prenantes et leurs intérêts.
b) Relations d'agence et conflits d'intérêts - Relations d'agence Les interactions entre les parties prenantes supposent un certain nombre de « relations d'agence » qui touchent immédiatement aux intérêts des uns et des autres acteurs du jeu. JENSEN et MECKLING (1976), en s'appuyant sur la théorie des droits de propriété d'ACHIAN et DEMZET (1972) se sont intéressés au modèle d'agence, qui traduit l'ensemble des relations qui peuvent lier une ou plusieurs personnes dans l'exécution d'une tâche quelconque qui implique la délégation d'un certain pouvoir de décision à un agent (Gestionnaire de forêt) par un principal (Actionnaires, Propriétaires (Etat et populations), ...). L'entreprise forestière dans son activité d'exploitation devrait, à cet effet, garantir une soutenabilité sociale. Elle implique : · de remplir les besoins d'amélioration du bien être social, économique et culturel des employés et des communautés, affectées par l'initiative d'exploitation ; · de veiller au respect de leurs intérêts tels qu'énumérés dans le tableau 2.2 ; En contrepartie, · les employés doivent contribuer fidèlement à la productivité et à la rentabilité par leur force de travail ; · les populations quant- à elles, devraient accueillir les gestionnaires de façon hospitalière, créer les conditions favorables à l'exploitation et même à la prise en compte de leurs intérêts. La validité de ce modèle d'agence dans les relations liant le gestionnaire forestier aux autres parties prenantes nous amène à considérer le secteur forestier comme « un noeud de contrats ». C'est-à-dire un mode d'organisation dans lequel les parties prenantes devraient être liées entre elles par des successions de contrats plus ou moins formels.
EMPLOYERS DU GESTIONNAIRE CLIENTS POPULATIONS RIVERAINES (Générations présentes et futures) ETAT OU GOUVERNEMENT Insécurité sociale insécurité au travail, Travaux forcé, sur-utilisation de main oeuvre, sous payement... EXPLOITANTS FORESTIERS Exclusion, discrimination,
- Conflits d'intérêt Dans leur étude du processus de politique forestière en Papouasie Nouvelle-Guinée, FILER et SEKHRAN (1998) arrivent à la conclusion selon laquelle il existe un « bras de fer entre les parties prenantes » ; ce qui ne garantirait pas les intérêts des acteurs autre que les gestionnaires. Dans leurs interactions stratégiques, les acteurs n'ont pas un même niveau d'information ; ce qui nourrit une divergence des intérêts qui profite aux exploitants forestiers qui détiennent l'information clé ou privilégiée et des savoirs particuliers. L'opportunisme des ces derniers débouche aux problèmes de risque moral et de sélection adverse du fait de cette « asymétrie d'information » (AKERLOF, 1972). Ce qui donne naissance aux conflits d'intérêts. L'exploitant peut donc réduire l'effort à fournir pour assurer l'intérêt des employés et des populations pour son profit personnel, et accentuer une exploitation illégale et illégitime. Pourtant, lors des procédures d'adjudication des concessions, et même de l'obtention de certificats, ces concessionnaires s'engagent formellement dans une gestion responsable des forêts tout en gardant dans leur mémoire une promesse d'illégalité pour assurer leurs chiffres. C'est de la sélection adverse. L'aléa de moralité quant-à lui représente ici l'ensemble des actions illégales cachées ou inobservables dès l'acquisition des UFA, incompatibles avec les accords. Cette théorie de l'asymétrie d'information est très nécessaire dans un contexte ou le gouvernement est non seulement impliqué « en partie » dans cette exploitation illégale (les Amis de la Terre, 2008), mais aussi ne parvient pas à contrôler une bonne partie de l'activité. Les entreprises ont ainsi, le plus souvent, privilégié leur rentabilité au prix de l'insécurité au travail, de l'insécurité sociale, de l'organisation et de l'épanouissement des employés d'une part ; et de l'exclusion des populations, de la discrimination, et même au pillage de leur base d'existence et de subsistance d'autre part. Les pratiques illégales évoquées créent une nécessité de nouvelles transactions à de fin de contrôle de l'activité par les propriétaires qui génèrent des coûts supplémentaires (WILLIAMSON, 1937). Or, l'Etat a l'obligation de sauvegarder les intérêts des « minorités ». Cependant, il ne dispose pas toujours des compétences nécessaires lui permettant de savoir si une transaction sert ses propres intérêts et les intérêts des populations ainsi que des employés ou non. Puisque ces derniers n'ont pas de voix. Les coûts de surveillance (d'agence) ne peuvent donc être internalisés par l'Etat qui manque de pouvoir, de moyens financiers et ne peut mener une action efficace contre l'opportunisme des agents. Il est nécessaire de recourir à d'autres mesures plus regardantes, incitatives et contraignantes (M. JENSEN et W. MECKLING, 1976 ; E. FAMA, 1980) pouvant amener les exploitants à sauvegarder les intérêts et à améliorer le bien être des populations et des employés. * 46 Définition adaptée à partir du dictionnaire du développement durable, Christian BRODHAG, Florent BREUIL, Natacha GONDRAN et François OSSAMA, AFNOR, 2004 |
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