1-2-2- Les théories sur les médias
Les premières théories qui traitent du
fonctionnement et des effets des médias ont été
développées par les auteurs comme Mc Luhan, Paul Lazarsfeld et
Harold D. Lasswell.
Pour Herbert Marshall Mc Luhan (1911-1980), «The
Medium is the Message » « le message, c'est le
médium ». L'essentiel de la doctrine de
ce sociologue canadien réside dans cet axiome. Théoricien des
communications, célèbre pour son étude des effets des
médias sur la pensée et le comportement, il démontre dans
son livre The Medium is the Massage: An Inventory of Effects que
l'outil de transmission ou de distribution par lequel nous recevons un message,
c'est-à-dire le média (radio télévision,
téléphone, livre...), exerce autant, sinon plus d'influence sur
nous que le contenu même du message. La façon dont nous percevons
l'information est donc lentement transformée par le média qui
nous l'apporte, ce dernier crée un milieu qui agit sur nos perceptions
sensorielles (MARSHALL McLUHAN, H : 1967).
Ainsi dans le cadre de la lutte contre
l'épidémie du cholera, tous les canaux de communication
utilisés n'ont pas la même efficacité. Nous distinguons les
médias dont l'influence est très grande auprès des
populations et des canaux moyens de communications de portée relative.
Visionnaire, McLuhan déclare en 1967, qu'il devient urgent d'apprendre
à contrôler les media avant que « ceux-ci ne nous
dominent et nous détruisent ! » Dans le cadre de notre
sujet, nous avons observé que certaines actions médiatiques
créaient beaucoup plus de la psychose pour les populations plus qu'elles
ne les aidaient à gérer l'épidémie. Dès
1964, McLuhan avait également compris et décrit les effets
qu'allait produire la réalité virtuelle. Avec internet et plus
globalement dans un monde reformulé par la technologie, la fameuse
notion de « village planétaire » devient une
réalité. Or, force est de constater qu'une scission entre pays
riches et pays en voie de développement ne place pas tout le monde sur
le même pied d'égalité au sein de cette tribu mondiale. Ce
« village global », créé par la transmission
d'informations électroniques instantanées, nous ouvre au monde et
s'accompagne d'une prise de conscience face aux problèmes contemporains.
Nous devenons spectateurs et témoins des événements
internationaux médiatisés qui entrent dans notre univers en
direct.
C'est avec Harold Dwight Lasswell (1902-1978),
spécialiste américain de la communication de masse et de la
science politique que les premières théories sur les effets es
médias commencent.
Le contexte de l'après deuxième guerre mondiale
est fortement marqué par des considérations d'ordre politique.
L'étude des médias se développe dans les
universités et, tout naturellement, les chercheurs s'intéressent
d'abord à la lancinante question de leur « pouvoir » sur
l'opinion : pouvoir de convaincre, de faire voter, de faire acheter... Le tout
sur fond d'interrogations sur la démocratie. La nouvelle discipline
qu'on appellera bientôt media studies tente d'analyser
l'expérience de la guerre. Dans son oeuvre Propaganda Techniques in
the Wold War , Lasswell tire les leçons de la guerre de 1914 -1918.
Les moyens de diffusion sont apparus comme des instruments indispensables
à la « gestion gouvernementale des opinions
». (Dwight Lasswell, H : 1927). Pour lui, propagande rime
dorénavant avec démocratie. La propagande constitue le seul moyen
de susciter l'adhésion des masses. Elle peut être utilisée
à de bonnes fins comme mauvaises. Cette division instrumentale
consacre une représentation omnipuissante des médias
considérés comme outil de « circulation des symboles
efficaces ».
A la fin des années 40 (après la guerre),
Lasswell accordera davantage d'autonomie aux récepteurs que dans ses
premiers travaux sur la propagande. Selon Harold Lasswell (1948), le champ de
la communication peut être défini par les cinq termes de la
question : « Qui dit quoi par quel canal à qui et avec quel effet ?
» = cadre conceptuel de la sociologie fonctionnaliste des médias.
On parle du paradigme des 5Q ou de paradigme des effets, ou encore
de question-programme. Cette formule est censée poser
toutes les questions pertinentes à propos de la communication de
masse.
· Qui ? : correspond à l'analyse de
régulation, à l'étude sociologique du ou des
milieux et organismes émetteurs (institutions médiatiques,
leur organisation, leurs dirigeants, les journalistes...)
· Dit quoi ? : se rapporte au contenu message, aux
messages diffusés (émission de radio ou de tv, article de
presse...), c'est l'analyse du contenu.
· Par quel média ou canal ? : C'est
l'ensemble des techniques utilisées pour diffuser l'information
à un instant donné dans une société donnée,
c'est l'analyse des médias.
· A qui ? : vise l'auditoire, ou audience.
C'est-à-dire les publics récepteurs avec des analyses selon des
variables, c'est l'analyse du public.
· Avec quels effets ? : Il s'agit d'analyser et
d'évaluer la nature et les influences du message sur les destinateurs,
sur l'audience ; c'est l'analyse des effets.
Lasswell s'intéresse surtout à la propagande
politique, si bien que son paradigme concerne la communication de masse
conçue comme un processus de persuasion et d'influence. On
relèvera le caractère linéaire et unidirectionnel de ce
qui demeure, en fait, un dérivé du modèle de Shannon
(les spécialités correspondent aux principaux
éléments constitutifs du « système
général de com. »), dont Lasswell comble néanmoins
une carence en introduisant la question des effets.
L'intérêt essentiel de ce modèle est de
dépasser la simple problématique de la transmission d'un message
et d'envisager la communication comme un processus dynamique avec une suite
d'étapes ayant chacune leur importance, leur spécificité
et leur problématique. Il met aussi l'accent sur la finalité et
les effets de la communication.
Seulement, il s'agit d'un modèle assez
simpliste. Le processus de communication est limité à la
dimension persuasive. La communication est perçue comme une relation
autoritaire. Il y a absence de toute forme de rétroaction, et le
contexte sociologique et psychologique n'est pas pris en compte.
Cette théorie s'applique bien à notre contexte
puisqu'il s'agit d'analyser le rôle que jouent les médias en
période des crises.
1-2-2-1-«Two step flow theory»
Né à Vienne, Paul Lazarsfeld (1901-1976),
sociologue américain d'origine autrichienne est particulièrement
connu pour l'importance de ses travaux sur les effets des médias sur la
société et pour l'utilisation de techniques d'enquêtes pour
la collecte d'information, mais aussi pour sa contribution au
développement de la sociologie électorale. Les enquêtes
dirigées par Paul F. Lazarsfeld et son équipe dans les
années 40-50 montrent l'importance des relais ou des leaders d'opinion
dans le processus de communication (théorie du two-step flow
ou Two step flow of communication : communication à double
étage). Ses travaux ont porté sur l'influence
qu'exercent les médias sur la décision des électeurs. Paul
Lazarsfeld a développé cette théorie avec Bernard Berelson
et Hazel Gaudet après la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis,
dans son livre The People's Choice (LAZARSFELD, P.F., BERELSON, B.
& GAUDET, H. :1944). Il s'agit d'une analyse de l'influence des
médias, ici particulièrement dans le cadre de l'élection
présidentielle. Selon P. Lazarsfeld, les individus sont peu
perméables aux messages des médias, du moins de façon
directe. En effet, les électeurs, en grande partie, choisissent de voter
pour un candidat donné en fonction de leur entourage. Parmi leurs
proches, certains sont plus influents : ce sont des
« leaders d'opinion » (aussi
appelés « relais d'opinion » ou « guides
d'opinion »). Or, ceux-ci ont comme particularité d'être
à l'écoute des médias et de définir leur position
politique selon les messages qu'ils diffusent. L'influence des
médias sur l'ensemble de la population se fait donc en deux
temps :
· d'abord le message délivré par les
médias, ou un média en particulier, est reçu et plus ou
moins assimilé par un leader d'opinion,
· ensuite, celui-ci fait partager son choix de vote aux
personnes qu'il connaît.
Cette théorie met, par conséquent, une limite
forte à une influence verticale exercée par des classes
dominantes sur l'ensemble de la société. Elle est aujourd'hui
insuffisante à expliquer la communication qui est devenue plus diffuse
et complexe.
En bref, les médias sont une
« pharmakon » : à la fois un remède et un
poison, tout est question de dosage. En effet, les médias peuvent
véhiculer l'information mais aussi être un instrument dangereux
permettant la manipulation.
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