Les violences faites aux femmes dans la ville de Kaolack au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Djelia LY Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2011 |
IV.2.LES DETERMINANTS DE LA VIOLENCE AU POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACKAprès cet aperçu général des violences au Point d'écoute de l'APROFES par le dépouillement des informations enregistrées dans la base de données, les interrogations se situent à présent au niveau des déterminants de ces violences. Ces explications se situent à deux niveaux : - D'abord auprès des personnes qui reçoivent au quotidien des femmes victimes de violence - Ensuite auprès des victimes elles mêmes pour avoir vécu un tel acte IV.2.1.IDENTIFICTION ET PERCEPTION DES STRUCTURES D'ACCUEILDES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE A KAOLACKTableau 4: Identification des structures recevant des femmes violentées à Kaolack Ce tableau présente tous les acteurs interrogés qui travaillent au niveau de la commune de Kaolack avec des victimes de violences. Nous avons aussi identifié la personne interrogée et sa connaissance du concept genre.
Source enquêtes 2010 Nous avons tenu à nous entretenir avec les structures qui reçoivent des femmes victimes de violence dans la commune de Kaolack. Nous avons d'abord cherché à déterminer les services qu'elles rendent à ces femmes avant prendre leur opinion sur la question.APROFES comme nous l'avons précédemment montré est l'ONG qui a mis en place le Point d'écoute. Cette organisation oeuvre pour la promotion de la femme en luttant notamment contre les violences et en dégageant des programmes de vulgarisation de l'approche genre.Le Point d'écoute comme son l'indique reçoit, écoute, conseille et accompagne les femmes victimes de violence.Le RADI reçoit aussi des victimes de violences mais est spécialisé dans le conseil et accompagnement juridique.La police reçoit non seulement les victimes mais aussi après dépôt d'une plainte les auteurs poursuivis en justice. Elle est chargée de la répression des auteurs et doit assurer la sécurité de la population comme en témoigne le commissaire Divisionnaire de la région de Kaolack T.D.D « Nous recevons au niveau du commissariat des femmes victimes de violences physiques et verbales qui se manifestent par les insultes, les brimades etc, elles viennent déposer des plaintes ou demander des conseils ». L'hôpital reçoit généralement les femmes victimes de violences physiques. Il s'occupe des premiers soins apportés à la femme et lui font un certificat médical en cas de besoin si la femme décide d'ester en justice. Enfin, le tribunal stratifie sur le sort de l'auteur de violence. Ils reçoivent de nombreuses fois les femmes violentées compte tenu de la lenteur des processus. Ils sont donc une vision non moins importante sur la question. Le Point d'écoute dans sa mission d'accompagnement travaille avec toutes ces structures afin de mieux réussir son travail. Tableau 5: La perception de la vulnérabilité et du genre par les structures d'accueil Le tableau ci-dessous présente la perception que les structures enquêtées ont du genre et de la vulnérabilité des femmes.
Source enquêtes 2010 Les structures qui accueillent les femmes victimes de violence dans la commune de Kaolack de par leurs dirigeants se sont exprimées sur divers aspects du phénomène. Les personnes interrogées sont souvent en contact avec des femmes victimes de violences et ont ainsi décelé certaines explications à ce phénomène. D'abord leur perception sur une possible vulnérabilité des victimes de violence a été étudiée. Sur 15 personnes, les 13 affirment percevoir une vulnérabilité des femmes qu'elles reçoivent. Le chef de service départemental du Développement communautaire M. N.chargé des questions des femmes et des ONG voit d'ailleurs que les femmes sont classées parmi les groupes vulnérables au Sénégal« Parmi les groupes vulnérables on note les femmes, les jeunes, les personnes âgées et les handicapés mais en plus de cela il s'y ajoute la vulnérabilité physique économique et politique de la femme. Sur tous les plans ce sont hommes qui détiennent les rênes des décisions même si la loi sur la parité est votée». Les enquêtés perçoivent ainsi à travers ces entretiens la personnalité, le vécu et l'expérience douloureuse des ces femmes. Cet aspect de la vulnérabilité qui reste déterminant dans cette présence étude est ainsi affirmé par ces structures qui reçoivent des victimes et mêmes des auteurs de violence. L'autre aspect non moins important à étudier à travers ces structures est la notion genre. Il est vrai que parmi ces structures, la plupart connaissent cette notion,cependant il s'agissait surtout de les interroger sur le lien entre le genre et les violences subies par ces femmes. Les réponses montrent que ces représentants de structures s'entendent mieux sur l'existence d'une certaine vulnérabilité que sur la notion de genre. Néanmoins sur les 15 répondants 11 reconnaissent que la violence est liée au genre c'est d'ailleurs l'opinion de B.S. présidente de l'ONG APROFES,« Du moment où ces VFF sont liés aux rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, elles sont intrinsèquement liées au genre ».Ces affirmations de justifient ainsi notre hypothèse selon laquelle, la cause de la violence serait à rechercher dans les rapports sociaux de genre. Ces explications sont déterminantes dans cette recherche car les répondants sont pour la plupart des acteurs qui d'une part connaissent ou ont une perception de la notion de genre et d'autre part travaillent aussi sur les violences faites aux femmes. L'affirmation que la violence est liée au genre relève ainsi de leurs expériences et leurs constantes observations des victimes de violences. La perception que ces structures d'accueil avaient des deux notions à savoir la vulnérabilité et le genre a aussi été étudiée. Tableau 6: Les causes de la vulnérabilité des femmes selon les structures d'accueil Ce tableau illustre les différentes causes de la vulnérabilité des femmes victimes énumérées par les structures d'accueil.
Source enquêtes 2010 Beaucoup de raisons sont évoquées, parmi lesquelles nous distinguons une nette dominance des facteurs de socialisation.Ainsi les raisons cités se logent pour la plupart parmi les acquis de l'individu en général et peuvent être considérés comme déterminants dans la construction des rapports sociaux de sexe. Ce sont surtout les vecteurs par lesquels passent les valeurs et normes qui régissent la société, qui sont cités comme explicatifs à la vulnérabilité des femmes victimes de violence. La culture même si elle est vague comme raison a été le plus cité avec (23%) et d'autres raisons qui le plus sont souvent ingurgitées à l'individu lors de sa socialisation l'éducation (15%), religion (7%), patriarcat (5%), soumission de la femme (7%), N.N.F. Coordonnatrice du RADI de Kaolack assimile d'ailleurs ces éléments à l'explication de cette vulnérabilité « D'abord les femmes sont vulnérables culturellement, elles sont éduquées de telle sorte qu'elles se soumettent, ensuite à cause de leur faible pouvoir économique. La structuration des rapports de genre sociaux souvent inégalitaires favorise la violence et la tolère en même temps ».Ceci confirme la thèse de Simone de Beauvoir50(*)(1949),qui retrace les tenants de cette intériorisation participant à placer la femme dans une posture inférieure.Sa célèbre phrase « On ne nait pas femme, on le devient » confirme que cette posture de la femme relève de la phase de socialisation qui est en fait l'interaction des tous ces éléments évoqués par les structures d'accueil comme cause de la vulnérabilité des femmes.Mais les explications comme le faible pouvoir économique des femmes avec 23% et le manque de volonté politique (7%), même s'ils peuvent être considérés comme des acquis se distinguent un peu des autres raisons. Ils peuvent être des facteurs de vulnérabilité certes, mais nous ne pouvons les associer aux autres facteurs qui semblent plus affecter le comportement et l'action de l'individu en général. Notons cependant que le faible pouvoir économique demeure en bonne place parmi les facteurs de vulnérabilité, B.S. l'explique ainsi « Les femmes sont vulnérables économiquement car elles sont les plus pauvres parmi les pauvres, c'est pour cela qu'on parle de la féminisation de la pauvreté, et aussi physiquement et physiologiquement elles sont vulnérables, elles ont moins de capacité pour se défendre mais aussi socialement elles sont vulnérables elles ont un statut inférieur à l'homme et sont confrontées à beaucoup de contraintes sociaux culturelles au niveau de la société».La physionomie de femme (3%) se différencieaussi des autres raisons cités. Selon cette analyse les causes de la vulnérabilité serait surtout du aux facteurs de socialisation tels que la religion, la culture, etc. et des valeurs ancrées comme la soumission de la femme. Tableau 7: La perception de l'inégalité de genre par les structures d'accueil Ce tableau présente les perceptions que les structures d'accueil interrogées ont de l'inégalité genre ;
Source enquêtes 2010 Les principales difficultés auxquelles les femmes sont confrontées, relèvent d'une inégalité de genre perçue dans les rapports homme/femme.En identifiant ces inégalités selon la perception des structures d'accueil, les violences faites aux femmes de Kaolack sont mieux appréhendées. Les personnes interrogées dans ces structures comprennent l'inégalité de genre d'abord par l'existence de rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, une réponse qui reste la plus citée avec (52%). Même si ces concepts paraissent ambigus, cette inégalité qu'elle soit économique, sociale, culturelle est source de vulnérabilité pour la femme. Le statut inférieur de la femme suit avec (22%) des réponses et la domination de l'homme (15%). Ces concepts manquent de précision également mais nous pouvons considérer que la femme occupe une position pas avantageuse dans la société par rapport à l'homme. La dernière explication aux inégalités de genre indexe les croyances socioculturelles défavorables à la femme avec (11%) des réponses. Les violences exercées sur la femme, notamment celles de Kaolack proviennent des inégalités notées dans les rapports sociaux de genre, comme l'explique B.S.« lapauvreté n'est pas la principale cause, il y'a partout des violences faites aux femmes dans le monde, elles sont essentiellement liées au statut inférieur de la femme dans la société que ca soit au Sénégal et partout dans le monde, l'homme pense que la femme est sa propriété, mais d'autres causes viennent renforcer cela comme l'alcool, la délinquance, la pauvreté etc » .Ces inégalités font que la femme occupe sur bien des domaines (économique, politique, sociale, religieuse, culturel etc) une position de faiblesse et potentiellement source de violence. Nous avons voulu étudier de façon précise ce qui pouvait pousser les auteurs de violence à commettre de tels actes. Les responsables des structures d'accueil nous ont donné quelques précisions. Tableau 8 :Lesdéterminants du comportement des auteurs de violence Ce tableau illustre les différentes réponses données par les structures d'accueil sur les facteurs déterminants le comportement de l'auteur de violence.
Source enquêtes 2010 Les services qui pour la plupart reçoivent aussi des auteurs de violence se sont exprimés sur le comportement de ces derniers. Les répondantsavaient la possibilité de citer plusieurs explications. Le constat à la lecture de ce graphique est que les raisons sont multiples. Les facteurs socioculturels (14 fois) prédominent ainsi par tous les répondants, pour B.S « Les croyances sociaux culturelles ont une forte responsabilité dans l'exercice des VFF c'est à causes de cela qu'elles sont banalisées dans la société ». Maintenant faut il entendre par là que ces facteurs socioculturels peuvent forger un comportement incitant à la violence envers les femmes ? Autant ces répondants évoquent la culture comme déterminant de la vulnérabilité des femmes, autant ces mêmes répondants se réfèrent aux facteurs socioculturels comme déterminants du comportement des auteurs de violences. L'explication est que le rôle de l'homme socialement construit et déterminé par les facteurs sociaux culturels le pousse à violenter la femme. La similitude des résultats concerne aussi de la même manière pour la pauvreté (12 fois) comme facteurs incitant à la violence et le faible pouvoir économique comme facteur de vulnérabilité. L'analphabétisme (10 fois) et est le troisième facteur évoqué. Tous les répondants ont un niveau d'études avancées nous comprenons qu'ils accordent une importance à la scolarisation. Cet analphabétisme en renforçant la méconnaissance de la loi et des risques encourus par l'acte de violence peut être accepté comme facteur de violence.L'usage de la drogue et de l'alcool est aussi cité comme déterminant de la violence. Enfin le manque de communication et la délinquance figurent en dernier et les deux sont cités (5) fois. Nous avons jusque là analysé les données du Point d'écoute de l'APROFES et les entretiens que nous avions faits avec les responsables des structures qui reçoivent des femmes victimes de violences et même des auteurs de violence.Nous allons maintenant nous intéresser à la perception que les victimes ont de la violence qu'elles ont eu à subir. * 50 Nous nous référons ici à son ouvrage intitulé Le deuxième sexe (1949) |
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