Les violences faites aux femmes dans la ville de Kaolack au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Djelia LY Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2011 |
IV.2.2.IDENTIFICATION ET PERCEPTION DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES DU POINT D'ECOUTE DE L'APROFES KAOLACK
IV.2.2.1.PROFIL DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE ENQUETEESLes entretiens que nous avons faits concernent 40 femmes victimes de violence du Point d'écoute de l'APROFES. Il s'agissait de recueillir leurs opinions sur la question notamment étudier la probabilité d'une certaine vulnérabilité comme source de la violence dont elles sont victimes. Nous les avons d'abord identifiés avant de recueillir leurs perceptions. Tableau 9: La répartition de l'âge des enquêtées en fonction de leur niveau d'instruction Le tableau ci-dessous présente la répartition des victimes de violence enquêtées selon leur âge et leur niveau d'instruction.
Source enquêtes 2010 Le profil des femmes victimes de violence enquêtées est important pour notre recherche. Il est vrai que nous avons déjà un aperçu des femmes qui fréquentent le point d'écoute par l'analyse de la base de données. Mais il est aussi important de connaître le profil des répondants.L'indicateur âge est très important pour l'analyse de la notion de vulnérabilité. Nous constatons que les tanches d'âge 20-30 (13) et 30-40 (15) sont plus touchées. Ces tendances sont d'ailleurs similaires à celles de la base de données qui regroupe l'ensemble des femmes qui fréquentent le Point d'écoute. Comme nous l'avons observé précédemment, c'est durant cette période ou ces femmes sont dans le lien matrimonial qu'elles sont généralement victimes de violences. Nous avons le même nombre de femme pour les tranches d'âge 15-20 (6) et 40-60 (6) et pas de victimes pour la tranche d'âge 60 et plus. La scolarité est aussi un indicateur très déterminant pour la vulnérabilité. Les responsables des structures enquêtées ont d'ailleurs énuméré l'analphabétisme parmi les facteurs de vulnérabilité. Nous observons un niveau d'instruction assez faible avec une prédominance des femmes de niveau primaire (18) suivi des non instruites (13). Sur l'ensemble des 40 femmes interrogées seulement 8 ont un niveau secondaire et une seule de niveau supérieur. La scolarisation est en effet un élément très déterminant dans l'épanouissement et la de protection des femmes. Mais nous constatons que c'est un droit dont beaucoup de femmes africaines sont privées. Nogaye Gueye (2008) en cernant la question de la scolarisation des filles montre que « La problématique de l'éducation, notamment celle des filles, s'est longtempsposée surtout dans les pays dits du Tiers Monde à cause d'une conception quasiuniverselle du statut et du rôle de la femme qui réduit celle-ci au cadre domestique.C'est le cas en Afrique où cette conception est fortement présente avec des traditionsqui confinent la femme au foyer »51(*), ce qui dans plus d'un sens peut être préjudiciable à la femme. Etant donné que l'absence d'instruction constitue un problème et renforce sa vulnérabilité. Tableau 10 : La Répartition des victimes selon leur religion et leurstatut matrimonial Ce tableau présente la répartition des victimes selon leur situation matrimoniale et leur religion
Source enquêtes 2010 La religion et la situation matrimoniale sont des aspects très révélateurs pour cette recherche. Ces deux indicateurs sont caractérisés par une majorité de femmes musulmanes mariées. Sur les 40 femmes enquêtées les (39) sont musulmanes et seulement une est chrétienne. Pour la situation matrimoniale, comme pour la base de données nous avons une prédominance des femmes mariées (27) dont (16) monogames et (11) polygames. Ceci fait ressortir des aspects très importants, la place de la femme dans la religion musulmaneet les dispositions du code de la famille pour la femme mariée.La notion de famille en Afrique et au Sénégal et le rôle que la femme joue dans cette famille est aussi révélateur. En analysant ces aspects nous observons que dans la religion musulmane, dans lesdispositions du Code de la famille 52(*)et dans la société Africaine en général, la femme est sous la responsabilitéde l'homme. Il est important de signaler que l'époux musulman a même le droit de corriger son épouse selon les normes prédéfinis par le Coran, ce qui a suscité cependant différentes interprétations. 53(*) L'autre aspect est en rapport avec les dispositions du code de la famille sénégalais, dispositions qui font de l'époux le chef de la famille.L'article 100 du code de la famille pose la condition de la création de la famille par l'existence d'un lien matrimonial, par l'union solennel entre un homme et une femme pendant le mariage. Cette notion de chef de famille confère à l'homme une certaine autorité et un pouvoir, ce qui engendre en fait une inégalité dans les rapports entre conjoints. S'agissant du régime matrimoniale des femmes mariées enquêtées, sur les 27 femmes, 16 sont monogames et 11 polygames. La polygamie est un indicateur non négligeable dans l'étude des violences. En effet la rivalité entre coépouses, la jalousie, la cohabitation sont des aspects conflictuels comme l'a vécu S.N. 28 ans « j'étais la troisième, déjà j'avais trouvé une situation très délicate dans ce foyer, mes deux coépouses, la première et la deuxième sont parentes mais ne s'entendaient pas elles se bagarraient souvent et mon époux avait l'habitude de les battre aussi. Lorsque je suis arrivée, j'ai subi le même sort qu'elles, mais en plus de cela les enfants de la première qui avaient le même âge que moi me battaient aussi ».La violence dans ces ménages polygames s'analyse donc à des degrés divers, l'époux n'en est pas forcément l'auteur. La violence faites aux femmes par les femmes, celle exercée par les enfants des coépouses ou même par la belle famille s'invite de plus en plus dans les couples polygames. Le dernier aspect est la structuration de la société Africaine et sénégalaise régie par le patriarcat. Maryse JASPARD étudiant ce modèle y conclut unrapport avec la violence sur ces termes « On retiendra pour l'essentiel quele modèle de société patriarcale, en assignant aux femmes et aux hommes des fonctions et des positions sociales inégalitaires a engendré une violence spécifique à l'encontre des femmes ».54(*)La société Sénégalaise est patrilinéaire ce qui place l'homme dans une position de pouvoir sur la femme. Ce pouvoir sous tendu par des valeurs, des normes des croyances propres à cette société se traduit sous plusieurs formes pouvant placer la femme dans une position de vulnérabilité conduisant à la violence. Ces observations confirment les rapports inégalitaires comme aspect déterminant des violences faites aux femmes, mais aussi le pouvoir de l'homme sur la femme. Tableau 11: Répartition des victimes en fonction de leur catégorie socioprofessionnelle Ce tableau présente la répartition des victimes de violences enquêtées selon leur catégorie socioprofessionnelle.
Source enquêtes 2010 Ce tableau montre les différents emplois occupés par ces femmes victimes de violences. Nous constatons une absence de ces femmes dans les emplois de types administratifs. Ceci s'expliquerait par leur faible niveau d'instruction qui réduit leur chance de s'insérer dans l'administration. Plus de la moitié des femmes (57,5%) sont dans les professions de services directs aux particuliers, la plupart disent qu'elles sont dans le commerce et la petite vente. D'autres (42,5%) par contre n'ont aucune activité professionnelle, elles sont inactives, composées en majorité de femmes mariée elles s'occupent de leur foyer. Il y a ainsi l'emploi qui détermine souvent le pouvoir économique de la personne qui s'affiche ici sous les deux aspects que nous venons de citer. Or cet aperçu indique dans l'ensemble, de faibles revenus pour ces femmes. Ceci traduit aussi une possibilité de dépendance de ces femmes, surtout celles qui sont mariées et probablement avec des enfants en charge. Or Maryse JASPART par rapport à cet aspect reconnait que « Le manque d'argent lié aux situations de précarité, la dépendance des femmes sans aucun revenu ou qui ne possèdent pas de compte bancaire sont autant de facteurs aggravant les situations de violence » Le faible pouvoir économique pour ne pas dire la pauvreté et la dépendance sont de véritables sources de vulnérabilité donc de la violence. Tableau 12: Répartition des victimes en fonction de leurs zones de provenance Le tableau ci-dessous présente la répartition des victimes de violences enquêtées selon leur zone de provenance
Source enquêtes 2010 Le Point d'écoute de l'APROFES est implanté dans la commune de Kaolack. Cependant les femmes qui le fréquentent proviennent de localités différentes. Parmi celles que nous avons enquêté (82,5 %) sont de la commune de Kaolack et les (17,5%) restant habitent les autres zones. Dans la commune de Kaolack les victimes viennent de quartiers différents. En ce qui concerne les autres localités nous notons des femmes provenant non seulement des autres collectivités locales de la région, mais aussi celles qui viennent des zones appartenant aux régions environnantes. Ainsi le Point d'écoute reçoit des victimes de la violence de Fatick, Diourbel, Kaffrine et même de Tambacouda. Nous n'avons pas observé de grande différence entre les violences exerguées sur les femmes de la commune de Kaolack et celles des autres localités. Seulement, les femmes des autres localités provenant pour la plupart des zones rurales attendent souvent que la violence se répète pour venir au Point d'écoute. Ce qui fait que beaucoup de brutalités et même des meurtres sont observés dans ces zones. Ces zones pour la plupart rurales sont des lieux oùla solidarité et la convivialité sont de mise et les problèmes se règlent généralement à l'amiable. Ce qui à la fin met ces femmes dans une position de vulnérabilité. Dans la commune de Kaolack il est important de signaler des aspects qui mettent en cause la sécurité de la ville et de sa population. Il s'agit de l'électrification des rues et de la délinquance qui sont des éléments très propices à la violence. Pour rappel,c'est dans cette situation d'insécurité que la jeune C.GAYE55(*) a été sauvagement tuée la nuit du 17 Octobre 2007.La ville est donc dans son ensemble structurée de façons à développer des dispositions à la violence et pas des femmes seulement mais toute la population. * 51 GUEYE Nogaye, 2007-2008, La scolarisation des filles dans la vile de Thiés: les difficultés de poursuites scolaire, Dakar, UCAD, FLSH, Département de sociologie. * 52 L'article 152 du Code de la Famille Sénégalais stipule que « Le mari est le chef de la famille, il exerce ce pouvoir dans l'intérêt commun du ménage et des enfants ». P 22 * 53 Denise, Masson , 1967, Le Coran, trad., Paris, Gallimard « Folio » * 54 A la page 21 de l'ouvrage de JASPARD Maryse sur les Violences contre les femmes, elle y montre comment ce model patriarcal renforce les relations inégalitaires entre hommes femmes et conduit à la violence * 55 Ce meurtre très commentée par la presse sénégalais et suivi de très prés par le Point d'écoute de l'APROFES a eu lieu dans des conditions d'insécurité marquées par l'isolement du lieu et les délestages. |
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