CHAPITRE II : L'ALIENATION ECONOMIQUE
CONTEMPORAINE
La question qui sous-tend notre réflexion en ce moment
de notre pèlerinage intellectuel est : qu'est-ce-que
l'économie politique ? Et que fait-elle de l'homme du XXIe
siècle ?
L'économie politique, ce sont deux concepts qui
renvoient à la pratique unique, en l'occurrence une science. Cette
science est aujourd'hui appelée sciences économiques. Cette
dernière étudie les phénomènes de production, de
circulation, de répartition et de consommation des richesses d'une
société donnée. Pour l'Histoire, il convient de savoir que
l'expression apparaît en 1615, date que correspond théoriquement
à la renaissance. A cette même époque, l'économie
politique devient une discipline de pensée autonome,
détachée de la philosophie et préoccupée
exclusivement de la création, de la circulation des biens
matériels à l'échelle nationale d'où l'association
des deux mots économie et politique. Cependant, en 1844 avec le fameux
ouvrage Les manuscrits de 1844, Karl Marx va aborder cette science sous un
double point de vue. En effet, dans un premier temps, Marx, est conscient que
l'économie politique est une science qui procure la richesse, mais cette
richesse à qui profit-elle ?
Sa réponse à cette question sera
caractérisée par son côté humaniste, car il se
demande si la répartition de la richesse ne crée pas en soi des
frustrations d'une classe par rapport à une autre. Ainsi, de 1844, Marx
n'aura pratiquement qu'une obsession : investir la saisie idéaliste
du réel en une saisie réaliste des possibles. Cette inversion ne
pourrait se faire, à ses yeux, que par la transformation des conditions
matérielles de la vie économique et surtout de la sphère
de la production. Pour mener à bien son projet, il a visé ce que
bien peu de ses émules ont été capables de poursuivre. Une
critique philosophique des représentations théoriques que les
économistes donnaient de la vie économique. La pensée
philosophique est pour Marx un outil d'analyse destiné à se
dissoudre lui-même dans la réalisation concrète des
conditions matérielles d'une économie pleinement
émancipatoire ; pour cela il faut pouvoir déceler en
permanence les absolutisations et les réifications qu'opère
l'économie politique quand elle se pose en représentation
« positive » du monde social, c'est-à-dire quand
elle théorise les relations économiques d'une époque
historique comme si elles étaient ancrées dans les principes
ontologiques intemporels. Or, dans la perspective marxienne,
l'historicité de l'économie politique n'est nullement une affaire
de débats scolastiques entre théoriciens. Elle est liée
à l'historicité même de l'économie politique, en
l'occurrence l'ensemble des relations économiques qui ordonnent une
société et qui, plus profondément, génèrent
et systématisent les structures de sens que la société est
à même de proposer pour le meilleur et pour le pire à ses
membres à tel ou tel moment historique. Nous sommes en 2008, au XXIe
siècle que Marx a dénoncé et critiqué son
inhumanisme se trouve sans nul doute au XXIe siècle avec sa propre
caractéristique notifiée par la marchandisation du monde et des
hommes, facilitée par la mondialisation.
LA MONDIALISATION : UNE IDEOLOGIE ECONOMIQUE
ALIENANTE
La mondialisation est définie par le Fond
Monétaire International comme « l'interdépendance
économique croissante de l'ensemble des pays du monde, provoquée
par l'augmentation du volume et de la variété des transactions
transfrontières des biens et des services, ainsi que des flux
internationaux des capitaux, en même temps que par la diffusion
accélérée et généralisée de la
technologie »57. De ces mots, la mondialisation est
présentée comme un mouvement économique inéluctable
et universel. Elle est donnée aussi « comme une chance pour
les pays sous-développés ; car elle leur offrirait de
nouvelles opportunités pour mieux exploiter leurs avantages
comparatifs »58.
En clair, la mondialisation serait une aubaine de
développement pour les pays en voie de développement. Toutefois,
la condition, c'est le renoncement du protectionnisme et à
l'omniprésence de l'Etat. Autrement, avec la mondialisation tous les
« coups » sont permis sans un arbitre quelconque. En ce
moment, cette « économie-monde » peut friser ce
qu'on pourrait appeler `'l'anarchisme économique'' ou si l'on veut
« le laisser-faire ». Aussi, la mondialisation est
l'expression du triomphe planétaire de l'économie capitaliste de
marché qui s'impose aujourd'hui à tous. C'est bien ce que
signifie le mot anglais de « globalisation ». Celui-ci
désigne la fin de la fragmentation des espaces économiques et
leur réunification dans et par un processus d'interdépendances
intensifiées et renforcées par l'intrication des réseaux
de productions, d'échanges et d'information.
Ainsi répondant à la question
« qu'est ce qu'un nouveau monde ? », Georges
Balandier, écrivain, anthropologue français affirme ceci
57_NIAMKEY (Koffi), Cours de DEA, 2007-2008
58_Idem
« En économie, c'est par exemple celui des
espaces structurés pour les nouveaux centres de puissances, les capitaux
mobiles, les formes mondiales ou organisées en
réseaux ». A cet effet, la mondialisation change
complètement le décor de la politique économique en
mettant en cause les principes et modes d'organisation économique
fondés sur l'unicité et la cohérence du système dit
national à savoir : l'Etat national, l'économie nationale,
la monnaie nationale, l'éducation nationale, l'administration nationale,
la culture nationale, l'écosystème national. Or si nous partons
du fait que l'aliénation est le fait d'une perte d'identité,
alors la mondialisation dans sa tension et sa prétention à
l'universalisation, l'homme serait pris dans le piège de la
mondialisation qui est « la nouvelle internationale du
capital ». Autrement, le capitalisme se généralise sans
entrave. Le dire aussi, c'est réitérer notre confiance en Marx
dans sa critique du capitalisme partant de l'économie politique :
« les sentiments humains se situent en dehors de l'économie
politique »59.
En ce XXIe siècle, la mondialisation, triomphe
planétaire de l'économie capitaliste de marché induit deux
formes de concurrence mondiale. Dans la première, les entreprises
multinationales envisageant la concurrence pays par pays. Autrement, les pays
se livrent une bataille économique pour asseoir leur leadership et gare
au perdant, car celui-ci sera sous le diktat économique du leader. A
l'inverse, dans la concurrence mondiale, la situation concurrentielle d'une
entreprise est fortement influencée par la situation dans les autres
pays. L'entreprise mondiale, en mettant en oeuvre une stratégie mondiale
pour maximiser ses avantages concurrentiels par le biais d'une approche
mondiale intégrée, échappe aux normes nationales et
réduit ainsi les Etats à un rôle de `'suiveur''. Ainsi, les
entreprises, les firmes sont devenues les maîtres du
59_ MARX (Karl), op.cit.
monde. Or là où il y a maître il y a
forcement esclave. Et ici, les pays sont rendus esclaves par le flux financier
et dépendant des marchés internationaux. Les prix du café
et du cacao, en prenant l'exemple de la Côte d'Ivoire sont fixés
par l'extérieur et imposés par les pays vivant de ce
binôme. En un mot, comme l'indique Robert Reich, la mondialisation nous
commande de rompre avec ne vision périmée de l'économie
fondée sur une référence à la rationalité.
Exprimé autrement, toute l'économie nationale doit
s'aliéner dans la mondialisation. Cependant, le devenir autre, la perte
d'identité, de carte d'identité des économies des pays
sous-développés pour être une source de croissance
« si et seulement si les pays développés, trop jaloux
de leur hégémonie, ne poussait le jeu du libre-échange par
les barrières non tarifaires et subséquemment par la
détérioration des termes de l'échanges ». A dire
vrai, la recherche de projet perpétuel des pays capitalistes traduisent
toujours cet avertissement marxien « Nous ne devons même pas
les croire lorsqu'ils disent que plus le capitaliste est gras, plus son esclave
s'engraisse. La bourgeoisie est trop avisée, elle calcule trop bien pour
partager les préjugés du grand seigneur que tire vanité de
l'éclat de sa domesticité »60.
En définitive, si la mondialisation est perçue
comme un phénomène d'internationalisation, pouvant être un
processus positif puisque supposant une aventure
généralisée des nations et des peuples les uns aux autres.
Néanmoins Elle véhicule dans ce processus une idéologie
antihumaniste régulée par une perspective hautement
économique partant la marchandisation du monde et surtout des hommes.
C'est en mot, la domination de l'économie sur la
société.
60_MARX (Karl), Travail salarié et
capital, (Pekin, Editions langues étrangères, 1970), p42
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