B - DE LA SOCIETE DE PRODUCTION A LA SOCIETE DE
CONSOMMATION
La révolution industrielle a eu pour corollaire
l'émergence d'une société de production de masse. La
perception de nouveau monde comme des marchés, c'est-à-dire de
débouché pour les manufactures des pays colonisateur dans le
dynamisme de cette révolution, Marx a annoncé le triomphe de la
classe ouvrière dans la lutte supposée des classes, et le
progrès de la société occidentale vers un monde sans
classe : « puissent les classes dirigeantes trembler à
l'idée d'une révolution communiste ! Les prolétaires
n'ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à
gagner ». Et cette révolution, cette émancipation de
l'ouvrier vient du constat marxien selon lequel «
l'aliénation n'apparaît pas seulement dans le résultat,
mais aussi dans l'acte même de la production à l'intérieur
de l'activité productive elle-même ». Autrement,
l'ouvrier est aliéné, déshumanisé dans son rapport
de domination de la nature. Cependant, de Marx à nos jours, il y a eu
loin sans faut une mutation même si l'homme s'inscrit dans un continuum
de production de masse ; il est plus que jamais un `'grand consommateur''.
Par conséquent, la question qui s'impose à nous au XXIe
siècle est la suivante : l'homme est-il aliéné dans
la consommation ?
Esquisser une réponse à cette question,
reviendrait d'abord à se demander ce qu'est la société
consommation.
Le terme « société de
consommation » est la simplification du terme
« société industrielle de consommation »
définie par Henri Lefebvre comme étant l'état du
capitalisme après la seconde guerre mondiale. La société
de consommation, comme le complément du nom l'indique, est une
société dans laquelle l'achat des biens de consommation est
à la fois principe et finalité de cette société.
Autrement exprimé, les biens ne sont plus un moyen mais une fin pour
l'homme avec cette devise « ce qui neuf est
beau ».Ainsi , la nouveauté constitue le cercle vicieux
de « l'achat de consommation ».Aussi, le marketing devient
il source de supercherie.
De fait, considérons cet exemple extrait d'une affiche
vantant les mérites d'un yaourt. Elle exhibait le slogan suivant :
le meilleur dans l'abricot, c'est le yaourt ! Dans un premier temps,
l'énoncé de cette formule publicitaire banale suscite peu de
réaction. Peu à peu, le côté étrange de la
formulation, l'inversion de substances constituantes du produit :
l'abricot et le yaourt, laisse percer la perversité de la tournure. D'un
point de vue linguistique, celle-ci se présente comme une proposition
logique et affirme : « de XX c'est XX » ; or, en
bonne logique, une proposition est soit vraie, soit fausse, soit
indécidable. En l'occurrence, elle est rigoureusement `'a-logique''. En
effet, quel esprit sensé peut admettre que le meilleur d'un fruit soit
un produit fabriqué à partir du lait ? Dès l'instant
où nous trouvons cette formule acceptable, le marketing a
gagné.
En annihilant notre esprit critique, il a
oblitéré nos capacités à résister à
ses injonctions. C'est là que réside sa puissance d'injonction et
nous devenons des consommateurs aliénés. Ainsi donc,
l'aliénation dans la société de consommation est le fait
d'une supercherie organisée, planifiée, pensée par le
capitaliste pour écouler avec profit ses produits. En somme, dans la
société de consommation, l'homme est doublement
aliéné. Aliéné par l'objectivation de vendre sa
force de travail pour obtenir les marchandises nécessaires à la
production de ses conditions de survie. Aliéné par la fascination
qu'exercent ces mêmes marchandises sur son imaginaire. Aussi, les
techniques raffinées de marketing sont-elles les vecteurs efficaces de
cette forme d'aliénation douce, de cet
« éloignement » dans « la
représentation » du citoyen, du consommateur.
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