2.2.2 Une Revue des travaux appliqué sur le lien
entre développement et
Croissance
Les études empiriques du lien entre
développement financier et croissance économique, à partir
de données transversales ou en panel sont maintenant nombreuses. Leurs
conclusions sont relativement concordantes quand à l'impact positif du
développement financier sur les taux d'investissement et sur la
productivité du capital et partant sur la croissance.
Cependant, certains auteurs ont commencé à
émettre certains doutes quant à la solidité du lien
empirique entre le développement financier et la croissance. Ram
(1999)36 montre que lorsqu'on utilises des données annuelles
dans une majorité des pays en développement, il n'existe pas de
relation positive entre l'indicateur du développement financier (actif
liquide du PIB) et le taux de croissance du produit par tête mise en
lumière ne se vérifie plus lorsque l'on restreint leur
échantillon aux seuls pays d'Afrique du Sud du Sahara et
d'Amérique latine. Enfin comme le soulignent encore Andresen et Tarp
(2003) les études sur les données temporelles pour un pays
donné ne mettent pas clairement en lumière une causalité
allant du développement financier à la croissance. Il est
possible que dans les études sur les données temporelles l'effet
négatif de l'instabilité financière cadre avec l'effet
positif du développement financier à long terme.
2.2.2.1 Les Indicateurs du niveau de développement
financier
Plusieurs indicateurs sont utilisés pour capter le
niveau du développement financier. On distingue 2 catégories :
d'une part les indicateurs relatifs à la taille et à
l'efficacité de l'activité de l'intermédiaire financier,
d'autre part, les indicateurs de fonctionnement des marchés boursiers.
La 1ere catégorie d'indicateurs est plus pertinente pour les
économies en développement (ou les économies d'endettement
en général) où les banques commerciales assurent une
grande partie de financement externe. Par ailleurs les indicateurs de taille
sont les plus « populaires » dans des études empiriques car
ils ont l'avantage d'être disponibles pour un large échantillon de
pays et sur une longue période contrairement aux indicateurs
d'efficacité.
En résumé, on dispose de 3 indicateurs de mesure
de taille de l'activité des intermédiaires
financiers37 :
- M3/PIB ou actifs liquides/PIB ;
- actifs des banques commerciales/(actifs des banques
commerciales + actifs de la Banque Centrale) ou actifs des banques
commerciales/ PIB ;
- crédits au secteur privé / PIB.
36 Wajih Khollouli et Slim Tounsi «libéralisation
des services financiers et croissance économique : évidence
empirique».p.15.
37 Voir Ramona Jimborean « La croissance
économique et le développement financier : cas des pays d'Europe
orientale ».p.87.
1-
21
Les actifs liquides du système financier (monnaie
fiduciaire + dette financière des banques et autres institutions
financières) en proportion du PIB (mesure par le ratio M3/PIB), il
s'agit d'une mesure de la taille globale du secteur financier.
2- le rapport des actifs des banques commerciales sur la
somme de leurs actifs et de ceux de la banque centrale indique la part relative
des banques commerciales dans l'allocation de l'épargne (ou le ratio des
actifs des banques commerciales sur le PIB).
3- les crédits au secteur privé (par les
banques et institutions non bancaires) par rapport au PIB mesurent
l'activité des intermédiaires financiers sous l'aspect de l'une
de leurs principales fonctions : canaliser l'épargne vers les
investisseurs.
2.2.2.2 Les études ayant trouvé une
relation positive entre le développement financier et la croissance
économique
On constate historiquement une relation entre le
développement des actifs financiers et le développement de
l'économie. L'un des travaux précurseurs est celui de Goldsmith
(1969)38 qui a étudié l'évolution
financière en longue période (18611963) de 35 économies
principalement industrialisées. L'auteur a montré que le
développement de ces économies s'est accompagné d'une
hausse tendancielle du rapport des actifs financiers au capital réel et
en termes de flux, du rapport des émissions d'actifs financiers au PIB.
King et Levine (1993) ont surmonté certaines des limites de
l'étude de Goldsmith (1969). Les 2 auteurs examinent en coupe
transversale le lien entre le développement financier et la croissance
sur un échantillon de 77 pays en développement sur la
période 1960-1989, en mettant en lumière les canaux de
l'accumulation du capital et la productivité des facteurs. Quatre
indicateurs de développement financier ont été utilises :
l'agrégat monétaire M2 rapporté au PIB, les actifs des
banques commerciales divisés par le total des actifs des banques
commerciales et de la Banque Centrale, la part des crédits au secteur
privé dans le total des crédits intérieurs et la part des
crédits au secteur privé dans le PIB. L'hypothèse
sous-jacente à ces différents indicateurs est que la taille du
système financier est corrélée positivement à la
fourniture et à la qualité des services financiers. Les auteurs
utilisent également 4 indicateurs de performance économique : le
taux de croissance du PIB par tête réel, le taux de croissance du
stock de capital, le taux de croissance de la productivité globale des
facteurs (calculé en supposant l'élasticité du capital par
rapport au produit égal à 0,3) et le taux d'investissement. King
et Levine montre que chaque indicateur de développement financier est
corrélé positivement à chacun des indicateurs de
performance économique à un seuil de significativité de 1
%.
2.2.2.3 La Controverse du sens de la causalité
de la relation entre développement financier et croissance
Sur le plan théorique, il existe une controverse dans
la littérature économique dans le sens de la causalité de
la relation entre le développement financier et la croissance. S'il est
admis que le développement financier stimule la croissance (c'est le
point de vue de Schumpeter 1912), la croissance économique peut
également
38 Citer par Duc Khuang Nguyen : « Libération
financière et marchés émergents».
provoquer le développement financier. En effet, les
marchés financier et les institutions adéquats peuvent
apparaître lorsque le processus de croissance, une demande croissance des
services financiers qui induit l'expansion du secteur financier. Patrick
(1966)39 propose une autre position selon laquelle la
causalité dépendrait du niveau de développement. Selon
cette hypothèse, le développement cause la croissance
économique dans les 1ers stades de développement, mais cet effet
diminue graduellement au cours du processus de développement
jusqu'à s'inverser. Dès lors, c'est la demande des services
financiers de la part du secteur réel qui provoque le
développement financier. Il existe cependant des modèles
théoriques qui offrent le compromis de la causalité à
double sens de la relation entre le développement financier et la
croissance.
2.2.2.4 Le Développement du système
bancaire et la croissance économique
Du point de vue empirique, Goldsmith (1969) est l'un des
premiers économistes à montrer l'interrelation entre le
développement financier et la croissance économique en utilisant
les données de 35 pays (développés ou en
développement) pour la période de 1960-1963. En mesurant le
développement financier par le ratio actif financier total/PIB, il a
montré que ce ratio est positivement corrélé avec la
croissance économique. Cependant, l'étude n'a pas tenu compte des
autres facteurs pouvant affecter la croissance économique. De plus
l'étude de King et Levine (1993) portant sur un échantillon de 80
pays (développés et en développement) pour la
période 1960-1989 a montré que l'analyse bivariée
révèle une forte corrélation positive entre le
développement financier et la croissance.
Dans ce chapitre, nous avons tenté de dégager
les points pouvant nous permettre de comprendre notre sujet d'une part et de
passer en revue théorique et empirique la relation entre le
système financier et la croissance économique d'autre part.
Dans notre analyse, nous avons précisé que
l'intermédiation financière assure la mobilisation de
l'épargne et son affectation aux projets les plus productifs, favorise
la gestion des risques et la diversification des actifs, et aussi encourage
l'innovation technologique. Ce faisant leur activité stimule la
croissance économique à travers l'accumulation de capital,
l'augmentation de la productivité global des facteurs et
l'intensification des échanges. Cependant le sens de la causalité
de la relation demeure incertaine aussi bien sur le plan théorique
qu'empirique.
22
39 Bertrand Jacquellat «Innovation financière et
croissance économique ».p.26.
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