2.2 La Revue de la littérature empirique
Les principales études économétriques
cherchant à étudier l'impact des systèmes financiers sur
la croissance économique proviennent des travaux précurseurs de
Goldsmith (1969), Mac Kinnon et Shaw (1973)32. Leur
problématique cherchait à mesurer les conséquences en
termes de croissance politique de répressions financières mise en
place après les différents conflits mondiaux et la crise des
années 30. Les secteurs financiers accèdent la croissance
économique et améliorent les performances d'une économie
en facilitant le développement de capitaux vers les secteurs les plus
productifs. Pour Mac Kinnon, l'essor des marchés financiers et
l'approfondissement de l'intermédiation aident le développement
économique, en opposition à la situation où les
investisseurs sont contraints de s'autofinancer intégralement. Une bonne
politique économique constituerait donc à favoriser
l'approfondissement financier et certainement pas à contraindre le
développement des activités de l'intermédiation.
2.2.1 L'Approfondissement financier et croissance
économique
Les liens entre l'approfondissement financier et croissance
économique ont fait l'objet de nombreux travaux empiriques dans les
années récentes ; tout investisseur est principalement
confronté à 2 types de risques : un risque de liquidité et
un risque individuel. Le 1er est lié à l'incertitude concernant
la conversion d'un actif financier en moyen d'échange. Cette
transformation est plus difficile lorsqu'il existe des asymétries
d'information ou des coûts de transaction. L'existence d'un marché
financier peut réduire l'importance de ces imperfections de
marché, réduire le risque de liquidité et favoriser ainsi
le développement de la sphère réelle. En effet les projets
dans les rendements les plus élevés nécessitent souvent
une immobilisation longue du capital. Or ceci n'est pas compatible avec les
intérêts de l'épargnant. En l'absence de système
financier, les risques de liquidité peuvent inciter les agents à
financer les projets moins rentables mais qui requièrent une
immobilisation courte des fonds. En revanche la présence d'une banque
qui transforme les ressources courtes (dépôts) en emploi long
(crédit) ou des instruments financiers en investissements longs ou
illiquides favorisait la réduction du risque de liquidité.
L'idée selon laquelle l'approfondissement financier a
un impact sur la croissance du fait d'une meilleure mobilisation de
l'épargne à la foi domestique et externe se retrouve souvent dans
la littérature. En l'absence du système financier, les agents en
seront réduits à s'autofinancer leurs projets d'investissements.
Ainsi comme l'épargne constitue un préalable à tout
investissement et que l'accumulation du capital est l'origine de la croissance,
il est nécessaire que le développement des structures
financières destinées à faciliter la constitution de
l'épargne financière. Pour Mac Kinnon, comme pour Shaw, le
développement de la sphère financière constitue donc une
condition nécessaire au développement
économique33. On peut compléter cette information en
ajoutant que la collectent de l'épargne sur une grand échelle
induit des coûts de transaction difficilement supportables par un seul
individu. Dans
32 Voir Ramona Jimborean «La croissance économique
et le développement financier : cas des pays d'Europe orientale
».p.68.
33 J.C Barthélemy et A. Varoudakis : « Politique
de développement financier et croissance économique »
p.32.
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ces conditions la mobilisation de l'épargne est
facilitée par la mise en place du système financier.
Certaines études étudient directement la
corrélation entre approfondissement financier et croissance
économique ; lorsqu'on se borne à une analyse de ce type, le lien
mis en évidence est souvent très fort. Spears (1992)34
obtient une corrélation proche de 1 entre l'approfondissement financier
et croissance dans 9 des 10 pays africains qui composent son
échantillon. Malheureusement l'absence de la prise en compte d'autres
variables peut laisser un problème d'identification et donne une
surévaluation de l'impact du développement financier sur la
croissance de la sphère réelle. C'est pourquoi la plupart des
études postérieures intègrent d'autres variables
inspirées des modèles traditionnels de croissance ou des
théories de la croissance endogène, de manière à
contrôler la relation entre l'approfondissement financier et la
croissance et utilisent des panels (plusieurs pays sur plusieurs
périodes). Les résultats sont alors beaucoup plus mitigés.
Lorsqu'on traite de grands échantillons comprenant les pays en
développement de divers continents un impact des variables
d'approfondissement financier est généralement obtenu. King et
Lévine (1995)35 mettent ainsi en évidence un impact du
ratio « actifs liquide du secteur financier/PIB » significatif au
seuil de 5 %.
Ces auteurs ont validés par une analyse de panel
l'idée suivent laquelle l'impact de l'approfondissement financier sur la
croissance ne se manifeste qu'à partir d'un certain seuil (M2/PIB au
moins égal à 36,5 %). Or la plupart des pays africains ont des
ratios M2/PIB inférieurs à ce seuil. Mais la recherche empirique
a mis parallèlement en oeuvre une démarche très
différente, fondée sur l'analyse statistique de
causalité.
Un des premiers travaux utilisant l'analyse de
causalité est l'article de Jung (1986), effectué sur 56 pays,
industrialisés ou en développement. En ce qui concerne les pays
en développement, l'analyse de la causalité unidirectionnelle
montre que 24 pays présentent une causalité allant du financier
au réel contre 14 en sens inverse. L'analyse de Patrick semble donc
globalement validée, mais de façon non systématique. Les
variables utilisées sont d'une part la croissance économique (PIB
réel/habitants) et d'autre part diverses variables d'approfondissement
financier :
- ratio M2 / PIB ;
- ratio quasi-monnaie/M2, variable destiné à
rendre compte des progrès de l'intermédiation financière
dans la mesure où c'est au travers de la croissance des
dépôts à terme et l'épargne ;
- l'encours nominal de crédits au secteur privé ; -
l'encours réel de crédit par habitants.
34 Kangni Kpodar « Développement financier,
instabilité financière et croissance économique :
implication pour la réduction de la pauvreté ». p : 54.
35 Voir Ramona Jimborean « La croissance économique
et le développement financier : cas des pays d'Europe orientale
».p.34.
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