I.J. - « Moi je suis, enfin disons pas pessimiste
mais je ne suis pas
extrêmement optimiste sur l'efficacité du
gouvernement Roumain. [...] C'est peu-être un problème
européen, si on veut, mais c'est un problème roumain aussi, au
moins tout autant. C'est vrai que la réinsertion ou l'insertion des Roms
qui sont partis doit se faire au niveau local et c'est là que le bas
blesse. [...] »
- « En parlant de « problème
européen », que pensez vous du sommet européen de Cordoue en
avril, ce qu'il pourrait ou devrait apporter ? »
I.J. - « Ça devrait apporter une meilleure
prise en compte, déjà, de la question, du problème, aussi
bien au niveau institutionnel, des États qu'au niveau des populations.
[...] Ce n'est pas que au niveau gouvernemental que le problème va se
résoudre. [...] Sur du concret il faut une vision d'ensemble. Il faut
avoir une stratégie, dégager des pistes. Il faut travailler aussi
au niveau local, au cas par cas. [...] Je pense que tout le monde devrait
être impliqué. Parada n'a pas une approche exclusive, sur une
communauté. [...] En Roumanie les Roms ont toujours eu un mode de vie
à part. Il y avait plusieurs types de communautés Roms, en
fonction de la manière dont ils gagnaient leur vie. Ils vivaient plus ou
moins de façon traditionnelle. Leurs débouchés
professionnels ont disparu parce que la société industrielle de
consommation a évolué de façon que l'artisanat n'a plus
cours. Voilà. Il faudra aussi que eux-mêmes ils s'adaptent, qu'ils
adaptent leur mode de vie. C'est une adaptation continue et réciproque
qu'il faut mais il faudrait se connaître mieux déjà.
»
Entretien avec D.O.Z., sociologue à l'Agentia Nationala
pentru Romi. Bureau de D.O.Z, Bucarest, le jeudi 11/03/2010, durée : une
heure et demi.
[Cet entretien d'une heure et demi, en anglais, n'a
malheureusement pas pu être enregistré, pour des raisons
techniques. Je tâcherai ici de présenter un résumé
aussi fidèle que possible des opinions exprimées par D.O.Z.
Lorsque des mots ou expressions sont présentés ici entre
guillemets, il s'agit des termes exacts employés par D.O.Z., traduits en
français. Ces déclarations ne reflètent pas les positions
officielles de l'Agence, mais bien le point de vue de l'interviewé.]
86
Au début de la conversation, D. O. m'a expliqué
que, dans le domaine de l'intégration des
87
Roms, deux théories dominent : « the social
inclusion theory (SIT) » et « the racial discrimination theory (RDT)
». Il présente ces théories dans l'article : « Another
decade, another inclusion... (A few words on the decade of Roma's inclusion; a
personal perspective from Rumania) »189, présenté
en introduction.
D.O.Z. considère que le sommet européen de
Cordoue n'aboutira à rien. Il ne croit pas en l'efficacité des
accords internationaux ou bilatéraux, puisqu'aucun engagement
précis n'y est pris par les parties. Il pense que les « actions
concrètes efficaces » ne peuvent être mises en place qu'au
niveau local et national.
Pour D.O.Z., Pierre Lellouche a joué les naïfs
lors de sa visite à Bucarest, en prétendant que la misère
est le principal facteur de cette migration. Selon lui, ce sont les Roms plus
compétitifs et
les plus aisés qui partent. Les moins compétitifs
n'ont pas de quoi survivre en Roumanie, ils n'ont
donc pas les moyens d'émigrer. De plus, bien que leur
condition ne soit pas visiblement meilleure en France, les migrants sont
prêts à accepter cette situation car elle n'est que temporaire.
Les
migrants passent trois mois en France puis rentrent au pays
avec les bénéfices que la « mendicité en
euros » rapporte. « Ils construisent une autre tour
au château puis repartent. » D.O.Z. définit la migration des
Roms de « pendulaire » et ajoute que l'OFII travaille à
faciliter cette migration
« pendulaire » en donnant aux personnes assez
d'argent pour revenir. De plus, lorsque les migrants
expliquent qu'ils ont quitté leur pays à cause
de la misère, il est concrètement impossible de vérifier
ce fait. Cette « histoire » s'avère donc « parfaite
» pour les migrants comme pour les autorités
locales qui feignent de la croire. Si Pierre Lellouche feint
de croire à cette « histoire », c'est pour plaire à son
électorat qui souhaite entendre parler d'expulsions. En tant que
secrétaire d'État aux Affaires européennes, P. Lellouche a
besoin de trouver des Européens expulsables. Le secrétaire d'Etat
Roumain aux affaires étrangères, a confié à D.O.Z.
que Pierre Lellouche était très insistant, voir en colère
pendant les rencontres.
Le gouvernement roumain a donc accepté de signer mais
ne changera rien. D.O.Z. considère que le lien effectué entre
« retours humanitaires » et « criminalité »,
dénote d'un procédé couramment employé par les
politiciens : « criminaliser toute une population à cause du
comportement d'une partie de ses membres ». En effet, selon lui, les Roms
sont peu nombreux dans les domaines de la prostitution, du trafic d'êtres
humains, ou du grand banditisme. Les Roms seraient essentiellement coupables de
petits délits. D.O.Z. explique que les Européens de l'ouest sont
choqués par la mendicité des Roms car ils sont habitués
aux jeunes hommes avec une guitare et un chien, mais pas aux femmes et
enfants.
189Oprescu Zenda Dan, « Another decade, another inclusion...
(A few words on the decade of Roma's inclusion; a personal perspective from
Rumania) », Studia Univertatis Barbes-Bolyai, Bucarest, 2007, p.
79-90.
88
D.O.Z. pense que le concept d'ethnie sert surtout les
politiciens et justifie les politiques, qu'elles soient en faveur ou à
l'encontre des communautés. L'importance d'un parti représentant
une communauté dépend de l'importance de cette communauté.
Mais une ethnie n'est pas figée. En Roumanie, à chaque
recensement, la population déclare de quelle ethnie elle fait partie.
Selon les périodes et les courants de l'opinion publique, être Rom
est plus ou moins « fashionable ». Ainsi, les statistiques de
population peuvent varier de manières très significatives d'un
recensement à l'autre. Il insiste également sur le rôle des
médias dans la construction du désir d'appartenir à une
communauté.
Entretien avec N., Romani Criss :
Dans les bureaux de Romani Criss, Bucarest, le vendredi 12/03/10,
durée : une heure.
- « Vous avez entendu parler de la visite de Pierre
Lellouche... »
- « Ah bien sûr. On a protesté contre
cette visite et contre la conférence de presse qui a eu lieu
après cette visite, parce que le premier ministre roumain et aussi le
ministre des affaires étrangères, ils ont souligné
l'identité ethnique en connexion avec la criminalité. [...] En
2009 nos collègues de France, ils sont venus ici pour documenter les
projets de réinsertion financés par l'ANAEM. Premièrement,
le programme de l'ANAEM, il n'est pas efficace, deuxièmement, les Roms
sont les seuls pour lesquels ils font le rapatriement en groupe. Les autres
nations ou les autres peuples, ça se fait en demande individuelle. [...]
L'implication de la Croix Rouge aussi c'est questionnable. C'est la Croix Rouge
qui fait la logistique de ça, et ça, c'est pas humanitaire du
tout. C'est plus politique. [...] »
- « Est-ce que vous avez eu l'occasion dans vos
études de rencontrer un bénéficiaire de l'aide à la
réinsertion ? »
- « Moi personnellement pas, mais un de mes
collègues, qui était dans l'équipe
précédente avec les français, ils ont rencontré
à Timisoara une famille qui a eu cette aide, mais en même temps
c'est pas efficace. Ils ont eu des animaux, pour les faire grandir, ils ont
acheté les animaux mais après ils ont mangé les animaux
parce qu'ils n'ont pas eu d'argent pour les soutenir. [...] C'est mieux
d'utiliser cet argent en France et d'avoir des projets d'intégration
sociale pour les Roms, que de les renvoyer comme ça.
89
De toute façon, il y en a beaucoup qui sont partis
et retournés en France. [...]Si tu ne peux pas contrôler,
arrête toi de rapatrier comme ça. [...] Je crois que les
États-Nations maintenant ils veulent contrôler tout. La question
Rom c'est quelque chose qui rend hystérique et qui donne plus d'eau
à leurs moulins nationalistes. »
- « Maintenant, à la suite de la visite de
Pierre Lellouche, le gouvernement Roumain est sensé prendre en charge la
réinsertion des Roms Roumains en Roumanie. »
N. - « [...] Il y a eu en 1993 un programme comme
ça. C'était en partenariat avec l'Allemagne. [...] Ils avaient
fait des centres de conversions professionnelles, mais... Pas trop de
rendement. »
- « Donc, vous n'êtes pas très optimiste
concernant l'implication du gouvernement roumain. »
N. - « C'est de la politique, tu sais. Ils disent des
choses qu'on attend toujours. »
- « Oui. Et qu'est-ce que vous pensez du sommet
européen de Cordoue ? »
N. - [Éclats de rire.] « Non pas cette
question! Je serai là-bas et... [Soupirs.] [...] Mais bon, c'est bien
qu'il y ait plusieurs États qui aillent là-bas et que les
associations Roms aient la possibilité de protester contre plusieurs
questions [...] qui se posent dans plusieurs États membres de l'Union
européenne. [...] »
- « Est-ce que vous pensez que les problèmes
de discrimination doivent être réglés au niveau local,
national, international ? Comment vous voyez ce... »
N. - « ...En Europe de l'Ouest, les militants des
Droits de l'Homme, pas seulement des Roms, sont beaucoup centrés sur la
responsabilité des autorités civiles en ce qui concerne les
violations des Droits de l'Homme. [...] Ça c'est bien, mais d'un autre
coté, les activistes de l'ouest ils ne sont pas assez connectés
aux expériences des autres pays. [...] De l'autre coté tu as
l'Europe de l'est qui n'a pas des institutions assez fortes. Il y a des lois
anti-discrimination, mais les autorités locales n'ont pas de
responsabilité.
90
Ils font ce qu'ils font, ce qu'ils veulent. Il n'y a pas
de mécanisme qui nous permette d'influencer la politique locale. Par
exemple en Roumanie, le baron local c'est le maire qui occupe tout l'espace et
tu ne peux pas faire beaucoup contre lui. [...] »
- « En terme de militantisme, pour changer le type de
discours qui lie retours et criminalité, est-ce que vous pensez qu'il
faut agir sur les représentations qui généralisent ou
qu'il faut agir sur les comportements qui justifient ce type de discours ?
»
N. - « [...] Je crois que nous, les Roms qui sont
éduqués, c'est à nous de nous multiplier. Assumer notre
identité, d'une, et que les gens qui sont comme nous, fassent pression
au niveau local et au niveau national, qu'ils soient porteurs d'une parole et
que les majorités les voient comme des exemples que leurs perceptions
sont mauvaises. [...] Mais j'espère que les associations de
français elles vont les aider les migrants roms à se mobiliser...
mais j'ai des débats avec les associations françaises et
ça c'est bien. »
Entretien avec E., ancienne employée de Parudimos :
Dans un café de Timisoara, le jeudi 25/03/2010,
durée : une heure.
E. - « [...]J'ai fait un voyage avec l'ANAEM.
C'était intéressant ce voyage. J'ai travaillé avec une
association qui s'appelle « Jeunes Errants » et on avait
travaillé avec un groupe de migrants qui vivait sur un campement. Ce
groupe là, un jour, il devait partir, revenir en Roumanie avec, tu sais
le dispositif de l'ANAEM où les Roms ils étaient payés
pour revenir en Roumanie. [...] Moi aussi j'étais très curieuse
de savoir comment ça se passait, mais c'était intéressant.
Ils étaient sages tous. Bon, « sages », ils ne peuvent pas
être très « sages », mais bon... Il n'y avait pas de
problèmes avec eux. [...] Ils étaient volontaires, tous.
»
- « Oui ? Ils avaient fait la démarche...
»
E. - « C'est parce que la mairie, les flics, la
gendarmerie, la Croix Rouge et l'ANAEM ils sont venus sur le campement les
expulser avec le... le papier officiel. Ils disaient le prix et « si vous
voulez partir, rentrer pour trois
mois... vous voulez ou non ? » [...] Après
cette journée, je pense qu'il s'est passé une semaine,
peut-être, je ne me souviens plus. [...] C'était mieux pour eux,
non ? [...] Ils pouvaient rentrer avec l'argent, parce qu'avant ils
étaient sur un campement. [...] Mais les Roms, là chez vous ils
se sentent mieux parce que vous pensez différemment. Vous êtes
plus civilisés que nous. [Rires] Donc, ils se sentent plus libres. [...]
»
- « Qu'est-ce que vous pensez de l'implication de la
Croix Rouge ? »
E. - « Ils étaient très bien. Les gars
ils étaient bien, ils étaient sympas. Les gens ils faisaient des
soucis, ils avaient que des problèmes : « j'ai faim... », tout
ça ! « Et je vais aller faire pipi » et je ne sais pas quoi.
Mais les gars ils étaient très bien. Ils avaient de la patience,
oui ça va, c'était bien. [...] »
- « D'accord... Est-ce que vous avez eu l'occasion de
suivre comment se passe les programmes de réinsertion et le suivi
social, après le retour en Roumanie ? »
E. - « C'était L. qui s'occupait de ça.
[...] Il y avait une autre association, à Cluj, qui faisait exactement
le plan de faisabilité et nous c'était la partie où on
aidait les Roms à faire un projet. [...] »
- « Oui... Et est-ce que vous savez quels
étaient les critères de faisabilité ou de sélection
des projets ? »
E. - « Je vais donner un exemple pour que tu
comprennes. Quelqu'un voulait faire un petit magasin, OK mais si cette personne
n'est allé que trois ans à l'école, elle n'est pas capable
de gérer un petit business. [...]Si tu vis dans un village, qu'est-ce
que tu peux faire ? Il y avait des gens qui avaient choisi de faire des petites
fermes, d'élever des animaux, mais il y avait un problème. Ils
avaient acheté les vaches, les moutons, les chèvres, mais
après il y a eu une maladie et il y a plein d'animaux qui sont morts.
C'était très difficile de faire quelque chose avec les sous de
l'ANAEM, très difficile. [...] »
91
- « Est-ce que dans le travail que vous faisiez, vous
travailliez avec Generatie Tanara ? »
92
E. - « Ok. Je ne peux pas te dire grand chose parce
que ils étaient insignifiants Generatie Tanara. Je ne sais pas ce qu'ils
faisaient. Je sais que P. elle avait essayé de parler avec eux, mais
elle n'a pas pu. Ils n'étaient pas très ouverts. Et puis si tu es
étudiante... Si tu as un badge, tu viens de GITSI, oui ça va,
mais sinon... [...] J'étais une fois avec L. dans la communauté,
pour voir comment ça se passe. Ils étaient très,
très fâchés parce que l'ANAEM ils n'étaient pas
accessibles pour eux. Il n'y avait personne qui pouvait les aider,
l'association de Baia Mare non plus, l'association de Cluj non plus. Nous on
était les seuls qui parlaient avec eux, qui voulaient les aider, mais
pas avec beaucoup de résultat. Après ils sont rentrés en
France, pas tous mais plein. [...] »
- « Vous avez entendu parler de la visite de Pierre
Lellouche ? Qu'est-ce que vous pensez que ça va changer dans la
manière dont les programmes de réinsertion sont mis en place ?
»
E. - « Franchement, pas grand chose. [...] À
mon avis, franchement, je pense que cette visite c'était... Enfin il y a
plein de visites de ce genre qui sont très bien... devant la presse et
c'est tout. [...] J'ai travaillé au Conseil de l'Europe pendant une
petite période, et j'ai vu que au niveau européen il ne se passe
pas grand chose. »
- « Et le sommet européen de Cordoue qui va se
tenir en avril... »
E. - « [...] Ils vont parler Audrey. Ils vont signer
des partenariats, ils vont savoir que telle partie a eu un entretien, ils vont
montrer le désir d'aider la société civile... C'est tout.
[...] Bon c'est vrai que c'est très important que au niveau de l'Europe
il y ait des mouvements, des impulsions. C'est très important ça,
pour l'image, pour essayer de changer la vie des gens. [...] Ils ne vont pas
dans les pays européens voir ce qui se passe, vraiment. [...]Je te dis
ça pour te faire comprendre qu'on avait tous le désir de
s'impliquer dans ce travail, mais je suis partie parce que j'étais
fatiguée de me battre avec des moulins à vent. C'était
très difficile. »
- « C'était quoi les problèmes que vous
rencontriez, les barrières ? »
E. - « L'autorité locale, elle a le pouvoir.
[...] Ici à Timisoara, la préfecture
93
il y a un bureau de parlementaires. Ils ne font rien.
[...] Et comme tu as vu déjà si tu es allé à Romani
Criss, il y a d'autres Gitans qui sont super bien, super éduqués,
plus que moi, beaucoup plus que moi. Je suis fière d'eux, de chacun. Ils
ont cassé la tradition. »
Entretien avec M.P., directrice de Generatie Tanara :
Bureau de M.P., Timisoara le vendredi 26/03/2010, durée :
une heure.
[Cet entretien s'est déroulé dans le bureau de
M., qui a choisi de garder la porte ouverte. Avant le début de notre
entretien, je demande à M. si ça la dérange que
j'enregistre notre conversation, en lui expliquant que c'est plus facile pour
moi si je n'ai pas besoin de prendre des notes. M. me répond qu'elle ne
pense pas que ce soit plus facile pour la conversation. Je lui propose alors de
ne pas enregistrer la conversation, mais elle refuse.]
- « Comment avez-vous commencé à
collaborer avec l'OFII ? »
M.P. - « On a commencé à collaborer
avec l'ANAEM, parce que je suis correspondante du Service Social International
et le SSI français était incorporé à l'ANAEM. [...]
Nous sommes spécialisés pour travailler avec les mineurs non
accompagnés et pour les familles en besoin. [...] Notre collaboration
c'est les mineurs et les personnes qui veulent se rapatrier, nous faisons un
programme social pour eux. Nous cherchons à aider ces personnes en
Roumanie, avec la scolarisation, avec la réinsertion familiale, avec le
logement, quand les mineurs ne peuvent pas rentrer dans leur famille d'origine.
C'est préparer un programme de réinsertion pour la personne.
»
- « D'accord. Il y a des critères à
respecter pour les programmes... ? »
M.P. - « C'était dans une convention qu'il
nous faut respecter. Les conventions sont confidentielles, parce que nous
travaillons pour les personnes, non ? Nous sommes opérateurs d'aide
à la personne, comme ça tout est fait en confidentialité,
pour pas déranger l'identité de la personne, pour ne pas
déranger la route de la personne qui a besoin de rentrer dans une vie
normale. [...] Elle a été rédigée en collaboration
avec la Suisse, avec le secrétariat général en Suisse.
[...] »
94
- « Quels types de projets vous... »
M.P. - « ... Quel types de projets ? [Sur un ton
irrité]. Les projets pour les mineurs et pour les familles en situation
de risque. Je l'ai dit au premier moment. »
- « Oui, oui. Mais je voulais vous parler des projets
de réinsertion économiques soutenus par l'ANAEM, qui doivent
aider les personnes à se... »
M.P. - « ... Ok, mais je suis une association qui
aide les personnes avec une petite aide de la part de l'ANAEM, parce que je
suis en contact avec les personnes pour deux, trois, quatre, cinq années
après que je prends en charge une personne. [...] C'est pas quelque
chose qu'on a comme ça. [En claquant des doigts.] »
- « Sur toutes ces personnes que vous avez
aidées, qui revenaient de France, est-ce qu'il y en a beaucoup qui sont
reparties, en France ? »
M.P. -[Long silence.] « Je peux dire que les
personnes qui arrivent et qui sont repérées chez nous, ils ne
repartent pas parce que nous sommes très attentifs avec le programme
médical, avec le programme de scolarisation, avec le programme social de
réinsertion, avec le programme culturel que nous pouvons faire... de
septembre 2000 à aujourd'hui je pense qu'il y a les trois-quarts qui
sont repartis. [...] Quand je peux aider une personne à rentrer dans son
pays d'origine, et avoir un parcours de vie très normal dans son pays
d'origine... c'est déjà quelque chose d'exceptionnel pour la
Roumanie, parce que je suis ONG, je suis une association non-gouvernementale.
[...] [Les migrants], ils ne sont pas toujours tous sérieux, dommage. Il
faut un projet pour avoir une motivation. [...] »
- « Les migrants qui reviennent de France, que vous
aidez, comment est-ce que vous avez leurs contacts ? Est-ce que c'est l'OFII
qui vous donne une liste de nom, est-ce que c'est ces personnes qui viennent
jusqu'à vous ? »
M.P. - « Heu...[Soupir]. Nous nous chargeons de faire
les recherches dans les communautés, nous sommes en contact avec le
maire, nous avons une
convention avec la ville de Timisoara et nous parlons avec
les autorités locales et les autorités locales nous disent qu'il
y a telle situation, et après je cherche à l'ANAEM et je discute
avec eux de la possibilité de faire un projet. Nous allons voir les
autorités locales et ensuite les familles, parce que les
autorités locales aussi peuvent avoir leur vision et leur
intérêt. Nous rencontrons les familles après avoir une
très bonne connaissance de leur situation. [...] De nombreuses fois nous
avons été en mesure de faire un projet pour les personnes en tant
que association. Je peux te prouver que nous avons envoyé les cadeaux,
les boites avec les vêtements et les différentes choses
nécessaires pour les personnes. »
- « Est-ce que vu avez eu l'occasion de travailler
avec Parudimos lorsqu'ils travaillaient sur des études de
faisabilité de projets pour le programme de l'ANAEM ? »
M.P. - « Regarde, les associations de... les
associations qui s'occupent de personnes Roms sont des associations avec
lesquelles les Roms ne sont pas toujours intéressés de
collaborer. [...] Il y a les Roms qui sont très riches et les Roms qui
sont pauvres et pour les Roms pauvres, je préfère ne pas
délimiter. Quand on parle des Droits de l'Homme, peu importe qu'il soit
Rom, qu'il soit Roumain, qu'il soit Juif ou Allemand, l'homme est Homme. On
fait des programmes pour lesquels on a pas besoin de découper. Regarde
le droit d'exister, c'est pour tout le monde. Sinon, quand on commence à
penser comme ça, on finit avec le trafic de femmes, avec le trafic
d'enfants, avec des hommes qui sont obligés à mendier, avec des
femmes qui sont obligées à mendier, et spécialement les
enfants qui sont envoyés dans beaucoup beaucoup d'affaires. Nous vivons
dans un monde aujourd'hui détruit, sans valeurs morales, la famille est
déjà une institution périmée et nous avons besoin
de retourner à des valeurs morales saines, et donc de famille. La
famille doit avoir sa place dans un échafaudage constructif
d'État. Non ? La famille est la base d'un État sanatos. Non ?...
Adeverat ? »
- « ...Et bien... »
95
M.P. - « Adeverat sau nu ? »
96
- « Da... inteleg ce... »
M.P. - « Alors, une question ? »
- « Vous devez savoir que Pierre Lellouche, le
secrétaire d'État français aux affaires européennes
est venu à Bucarest le mois dernier... »
M.P. - « En Roumanie ? » - « En Roumanie.
»
M.P. - « Je peux avoir les accords ? Tu as les
accords ? [...] Tu n'es pas habituée à la déclaration
politique ? C'était un engagement de principe parce que le gouvernement
roumain, il n'est pas capable de payer les pensions pour les retraités
et il va payer la réinsertion ? [...] Mais tu parles anglais ? [...] I
think that all the collaboration with ANAEM, and now with OFII is very good and
very serious. It didn't change anything when it changed from ANAEM to OFII. I
work for ten years with them and I can't say it changed. I think the people are
very motivated and serious. »
Entretien avec D., ancien employé de Parudimos :
Dans un café de Timisoara, le samedi 27/03/2010,
durée : une heure et demi.
[La conversation commence dans la rue, alors que nous nous
dirigeons vers un café. D. m'explique que le premier problème
qu'il a pu constater à propos des programmes de réinsertion
économique, est que les personnes reconduites n'avaient pas
été informées du fait qu'il fallait monter un projet pour
recevoir les aides à la réinsertion.]
- «The second problem was the fact that they
contracted an NGO in Baia Mare to do the social reintegration of the people in
Timisoara and Timis county. They don't know anything about Timis county, about
the local communities and how we run things here. Also, the romanian NGOs, they
don't know anything about Roma. When they found out about us, they came to us
and proposed us to subcontract the social reintegration. [...]I found out that
for all the people that were sent back the year before, only 10 or 15 actually
got the money. [...] We had sent the business plan to be checked and they told
us : « it's missing this, it's missing that». The French
97
ambassador came to visit the local authorities with the
ANAEM [...] With two friends we had invited someone from TV5 International.
[...] They didn't give money, but they gave pigs and cows and sheep... They
gave the food for the animals but there was a problem. They gave animals to
people who didn't have a land to raise them up. [...] ANAEM had given the
animals and put the people to sign contracts in which they say that they will
not cut any animal, they will develop the business. Now the problem that came
out was that people have very large families and they need something to eat,
they don't have a business or a job... [...] Our colleague told them :
«call the veterinarian from the village and tell him that the pig is
dieing, he will cut it and when the guy comes there, it will be already cut and
that's all». [...]To my point of view, the program for Romania was a big
waste of money. [...] A lot of people come home, in order to see the family.
They get some money and they go back. 80 % of them went back to France, they
are still in France right now. [...] I was very surprised when I went to the
local authorities and talked about the program, nobody knew anything about it.
It was a program done by one side, to have effect on two sides. Many people
were very surprised when they found out that there is no Roma involved in the
program. I didn't think they would come and pick up all Roma NGO or only Roma
NGO but they could pick a person, a Roma guy or a Roma person who knows the
communities, who knows the region. [...] Maybe if they re-discuss the program
and they put on the table all the factors, all the institutions involved in
that... it will be better. Right now, it's just a joke. The French government
try to show to the French population that : «we send them back».
[...] The problem is that those settlement are like small communities, they
know each other, they know where to go. If you don't try to work with them over
there, to send them back is... they are not more a Romanian problem that a
French problem... they are for two weeks, after two weeks they are again a
French problem. [...]»
- «Did anybody tell you what were the criteria to
validate a plan ?»
D. - «No, no. No criteria. I asked : «what are
the rules ? You have some guild line or some specific criteria to be used when
you right down the
98
business plans ? - No, no.» Any, they don't have any
rules, nothing. [...]» - «What do you think is the main reason that
make people want to leave ?»
D. - «If you don't have enough to live and you
starve, what do you do ? And if you know that a friend of you lives pretty well
abroad, you'll go abroad. [...] I've seen families who are living in... I don't
know how to call them... places to live in, because those are not houses. They
make a hole in the ground and they put something like a cover and they live
like that. I was in communities where the people don't have enough to eat, and
if you live in a small village, where there is no big places or no big cities
around where they can go beg to bring money to buy food. [...] Because first of
all, most of them didn't go to school, don't have a job and a lot of them don't
have papers, ID papers. [...]»
- «Have you heard of Pierre Lellouche's visit in Romania
?»
D. - «Dear, it's not going to change anything. For
example, the Romanian government and the ANR have a program in which they give
scholarships. The program started two years ago. I know people who are working
on that project and they are not payed for six months, for the work they are
doing. They don't get their salary, and they work ! Do you thing they are going
to pay for Roma social reinsertion ??»
Entretien avec G. Directrice de l'Association de soutien aux
familles Roms de Palaiseau et J.P. Membre de l'association :
Domicile de G. Mardi 13/04/10, durée : une heure.
J.P. - « Donc tu reviens de Roumanie, c'est ça
? Nous on ne sait même pas des fois sur le terrain, des Roms, des
Roumains, il y en a qui se prétendent Roumains, Roms... Comment ils le
voient, eux, il y a quelque chose qui... à part être moins bien
habillé ? Et encore... Sur le moment on croit que Rom/ Roumain, c'est
pas important. »
G. - « On se dit qu'ils vont être contents de
venir traduire pour les autres. Et puis il n'en est pas question.
»
J.P. - « Sinon, nous notre problème c'est pour
communiquer. Il y a une fille d'un autre association qui parle bien le Roumain
mais bon... Encore une fois, le problème qu'on rencontre pour les aider
dans leur quotidien, pour les aider plus loin, c'est que tous les partenaires
qui travaillent autour des Roms ont des grosses différences d'objectifs.
C'est contre productif arrivé à un moment. On en parlait encore
hier entre nous : il y a deux solutions. Ils s'installent ici et on les laisse
vivre comme ils sont là-bas. Sauf que ça on ne peut pas le faire.
[...] On s'est retrouvé à Massy avec un campement
ingérable. 300 personnes, c'est pas possible. Ça va tant qu'ils
sont en petits groupes. [...] Il y a 90 % qui respectent les règles et
il y a 10 % qui... Et même ici, le problème c'est qu'on ne voit
que les 10 %, dans tous les cas. [...] Nous on s'oriente plus vers des
modèles qui ont été faits en Seine-Saint-Denis, des
villages d'insertion. Le problème de ces villages c'est qu'il y a un
gardiennage. Le principal problème c'est que comme ils vivent en
famille, ils sont suivis. Ils sont suivis par différents partenaires
pour la scolarisation, pour travailler, pour tout ça. Ils ont au
départ des caravanes et après des bungalows. Sauf qu'ils ne
peuvent pas faire venir la famille dedans, enfin pas toute la famille. Donc ils
doivent se voir à l'extérieur. C'est ça qui pose un
problème aux autres associations parce qu'ils considèrent que
c'est un camp d'internement, les grands mots et tout. Sauf que nous on voit une
situation zéro, et là on voit une situation qui est mieux que
zéro. [...] Le problème qu'on rencontre, c'est un petit peu comme
en politique, il y a des partis extrêmes qui sont contre tout, mais qui
n'arriveront jamais au pouvoir, parce qu'ils n'ont aucune solution. Ils tapent
tout le temps. Et puis il y a ceux qui essayent de faire quelque chose.
Forcément c'est une négociation. On a gagné des points
avec le Maire de Massy, on essaye de s'en servir pour la prochaine fois. On va
essayer d'avoir une réunion avec le Préfet. Il faut
négocier, mais dans tous les cas on ne peut pas donner toutes les
libertés. Ceux qui disent ça, s'ils étaient vraiment dans
cette situation, ils reviendraient en arrière. Ils disent qu'il faut
laisser faire les Roms, mais s'ils habitaient à côté, ils
n'auraient peut-être pas le même avis, le même état
d'esprit. [...] »
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- « Les familles que vous suivez ici, elles sont ici
depuis longtemps ? »
100
G. - « La famille à F., ça fait huit
ans qu'elle fait l'aller-retour. Elle est là, avec son mari, et puis ils
s'en vont. On ne les voit plus. Et puis elle revient avec sa fille et ses
petits enfants. Là ça fait depuis le mois de décembre
qu'elle est venue avec sa fille et ses petits enfants. Là ils vont
partir au mois de mai. Là ils ne nous sollicitent que pour les aider
à partir. La fille et les petits enfants ils vont rentrer avec l'OFII,
mais elle et son mari ils sont déjà partis, ils n'ont plus le
droit. On lui dit : si tu viens, fais ta vie mais n'amène pas tous tes
enfants à chaque fois avec toi. Tu fais ce que tu veux mais nous on ne
peut pas prendre en charge ce va-et-vient, cette vie que tu as, de voyage. Si
tu as un projet, tu nous dis, on t'aide à le mener, mais elle s'en va
quelques mois, elle revient. Ça fait huit ans qu'elle fait ça.
Elle va, elle vient, elle va, elle vient. Il y a des gens comme ça,
comme le monsieur qui boite. Il est parti. Il est arrivé en 2006, ils
ont été expulsés. Il est parti, il est revenu et là
il est reparti de nouveau... Ils vont revenir. Ils se font expulser tout le
temps.
- « Je crois savoir que vous avez été
témoin de ce qui s'est passé après l'incendie du camp de
Massy ? »
G. - « [...] Il y a eu un véritable accueil de
la population. La Croix Rouge a fait un travail extraordinaire. Ils ont
apporté les lits, les duvets. Ensuite le deuxième jour, l'OFII se
présente, demandant qui voulait partir. Tu parles, je savais qu'il y
avait énormément de gens qui voulaient partir parce que je
faisais des attestations pour l'OFII, disant que je connais les gens depuis
plus de trois mois. Je voyais tout ce monde qui était là et
même des gens qui étaient là depuis moins de trois mois.
Ils me disaient : « tu vois G. on part. » Ils étaient contents
de partir. Et il y en avait d'autres qui ne voulaient pas partir. Il y avait
plein de monde. Le troisième jour, le matin, ces mêmes personnes
qui disaient qu'elles ne voulaient pas partir, par le fait que le frère,
la mère partait... Il y a eu un phénomène d'attirance et
tout le monde s'est inscrit. À part... une quinzaine de personnes...
»
J.P. - « ... Et encore, parce qu'ils ont loupé
leur avion. »
G. - « C'est pour te dire ce qui est étonnant,
c'est qu'en l'espace de trois
101
jours on a pu libérer deux avions. On a pu
organiser les départs vers l'ambassade pour ceux qui n'avaient pas de
papiers. Deux cars ont été mis en place. Deux avions qui
repartent en Roumanie, en l'espace de trois jours. Et quand tu demandes au
Ministère d'installer des cabanes conséquentes ou quand tu
demandes d'assainir un passage, tu n'as rien. [...] Il y a eu le fait que les
associations, même Romeurope, elles ont dit qu'il y a eu enfermement dans
le gymnase. Il n'y a pas eu d'enfermement. Il y a eu, le troisième jour
la police qui empêchait les gens d'aller et de venir. Alors, ça
c'est peut-être pénible parce que ça pouvait donner
l'impression qu'ils enfermaient les gens. Ils mettaient en avant le fait que
pendant qu'ils faisaient les dossiers, ils ne voulaient pas qu'il y ait d'appel
d'air. Pour que d'autres personnes qui viennent de l'extérieur ne
puissent pas entrer et faire des demandes. C'était peut-être dans
un raisonnement logique mais pour nous ça a été dur.
Même si les associations pouvaient aller et entrer. [...] C'est le
troisième jour que l'OFII a mis le paquet pour faire les papiers et que
la police a... si vous voulez ils filtraient s'il y avait quelqu'un qui voulait
fumer, il fallait qu'il sorte avec nous. On a ressenti une sensation
d'enfermement le troisième jour. Mais il n'y a pas eu d'enfermement dans
le gymnase, il y a eu un accueil. »
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