2) La précarité : conséquence de la
migration ?
Seulement un des acteurs interviewés s'est
exprimé à propos de la précarité en tant que
conséquence de la migration.
S. - « Tu sais c'est pas forcément mieux
là-bas. Quand j'étais à Paris le week-end dernier, j'ai
voulu prendre des photos des Roms que j'ai croisé dans la rue
tellement... Enfin ils sont dans des situations terribles. »141
S. est l'un des deux seuls acteurs, rencontré
dans le cadre de cette étude, ayant eu l'occasion de travailler en
France et en Roumanie. Seules deux personnes, dans un échantillon de
douze personnes, connaissent la situation des migrants, aux deux pôles de
leur migration. Nous avons vu que le milieu associatif, tout comme les pouvoirs
publics, méconnaissent le mode de vie des migrants et leur forme de
mobilité. Dès lors, nous pouvons expliquer cette
méconnaissance par le fait que de nombreux acteurs de cette migration
ignorent tout un pan de cette circulation migratoire. Une fois de plus, le
manque de dialogue entre les différentes intervenants semble être
la cause de l'incompréhension des autorités et de la
société civile, envers le phénomène migratoire
pratiqué par les Roms roumains.
L'étude de 2008, Come Closer,142
sur les conditions de vie des Roms, en Roumanie s'intéresse
particulièrement aux phénomènes migratoires. Elle montre
que le « potentiel de migration » d'un Rom est
généralement plus élevé que celui d'un «
non-Rom ». Les habitants de l'ouest du pays et de la région de
Bucarest sont ceux ont les plus forts « potentiels de migration » du
pays. Dans ces régions, les Roms migrent deux fois plus que les «
non-Roms ». « For medium-term and long-term migration, as well as
emigration, potential of Roma is around twice as high, while for short-term
migration it is more than three times as high, meaning that the Roma are more
prepared to commute daily or weekly. This shows that the Roma in our sample are
prepared to migrate under much harder conditions than their non-Roma
counterparts. »143 Ce travail montre que les Roms
interrogés sont plus enclins que leurs compatriotes « non-Roms
», à entamer une migration de court terme, dans de plus dures
conditions. Ces auteurs considèrent que lors d'une entreprise de
migration, les conditions de vie du migrants s'améliorent avec le temps
passé dans le pays d'accueil. Autrement dit, pour s'enrichir rapidement
dans le pays d'accueil, il ne faut pas dépenser l'argent gagné.
Il faut être capable d'économiser pour avoir quelque chose
à rapporter dans son pays. J. Fijalkowski énonce le fait que de
nombreux migrants ne désirent pas changer
141Annexe 1 : extraits d'entretiens.
142Fleck G., Florea I., Kiss D., Rughinis C., Come closer.
Inclusion and exclusion of Roma in present day Romanian Society, op. cit.,
2008.
143Ibid., pp. 178-179.
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durablement de société. « Soit, elles
viennent tâter le terrain, soit elles profitent des occasions
d'améliorer leur pouvoir d'achat et de gagner un second salaire, mais
sans vouloir pour autant abandonner définitivement leur pays natal.
»144 Ainsi, la migration a pour but l'augmentation du niveau de
vie des migrants. Dès lors, les conditions de vie difficiles et la
précarité, seraient des conséquences de la migration.
Dans cette perspective, les migrants seraient prêts
à vivre dans des conditions précaires, un temps donné,
dans l'intention d'augmenter leur niveau de vie, d'agrandir la maison,
d'investir dans des biens ou dans une entreprise. Les auteurs de
l'étude Come Closer confirment cette assertion. « The
data collected indicates the fact that the first priority of the Romanians is
aimed at improving their living conditions, the investment in the house or
apartment where they stay/live. [...]Building a new house or moving into a
better house, together with the intention to purchase lands or opening a
business are some of the current investment practices of the Romanian migrants.
[...] We can say that, in particular, the migrants from the rural communities
see the countries of destination as places where they can make money, not as
countries where they could spend the rest of their life. »145
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