2-1-2. Le conflit contre les Anyanga.
En tout, deux conflits opposèrent le Tchaoudjo aux
Anyanga.
Rappelons que le Tchaoudjo était un carrefour
d'échanges et de ce fait, il jouissait des avantages que lui procurait
sa situation géographique. Les transits du sel et de la cola faisaient
la richesse du royaume qui se sentait menacer par l'attitude des Anyanga qui
constituaient un obstacle sur la route du sel vers Atakpamé, Sagada et
la côte en exigeant le payement de taxes1.
Ainsi, ceux qui refusaient de payer se voyaient arracher leurs
charges par les Anyanga. Selon Kparaki2, les raisons militaires et
économiques expliquent mieux ce conflit puisqu'il écrit en 1988
que : « sans doute, si on se réfère à
l'époque, des raisons économiques et militaires expliquent
clairement eu égard aux nombreuses routes commerciales de la kola, des
esclaves, du sel, du fer, des fusils qui traversaient la région
».
Pour briser cet obstacle que constituaient les Anyanga, le
Tchaoudjo dut leur déclarer la guerre.
La guerre devint inévitable du moment où les
revendications populaires s'accentuèrent. Le souverain Ouro
Koura n'hésita pas à déclarer la guerre qui devenait de
plus en plus imminente.
1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p348.
2 - Kparaki K, 1988, p61.
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Après que Ouro Koura eût jugé
légitimes les revendications populaires, il se résolut à
envoyer au chef Ogadja d'Agbandi, un messager.
Celui-ci lui remit une flèche. Ce qui signifie que
« mon souverain vous déclare la guerre ». Pour
répliquer à ce geste de Ouro Koura, le chef Ogadja après
avoir convoqué les sages, décida d'envoyer à Ouro Koura
trois balles. Le choix du chiffre trois est significatif. Ce qui veut dire que
pour prévenir un homme, on lui adresse trois avertissements. Les Anyanga
ayant compris que la guerre contre leur territoire était
inévitable, ensorcelèrent la rivière Kaza de sorte que
tous les chevaux tem en voulant la traverser se noient avec toute leur
cavalerie.
Cette stratégie utilisée par les Anyanga fut
payante. Ce fut donc le premier conflit qui vit la défaite du Tchaoudjo
puisque les Tem furent repoussés par les Anyanga qui
disposaient en plus d'armes à feu.
Aussi les Tem perdirent-ils beaucoup de soldats alors
qu'on dénombrait moins de dix morts du côté
Anyanga1.
Ce premier conflit se déroula en 1879 sous le
règne du souverain Ouro Koura de Birini.
Cependant, le second conflit qui verra la victoire du
Tchaoudjo eut lieu en mai 1893. Von Doering et le comte von Zech entendirent
parler de cette victoire du Tchaoudjo sur les Anyanga lors de leurs passages
dans la région à l'époque.
Ce second conflit se termina par un pacte signé par les
deux parties (Tchaoudjo et Anyanga) à Aouta (Aouda actuel) en 1893.
Ainsi, par ce pacte, chacun des deux camps2 décide de faire
la paix et jure de ne plus agresser son prochain.
1 -Kparaki K, 1988, p66.
2 - Dofouli est représenté par son
chef Goma et Tchaoudjo est représenté par son souverain
Ouro-Djobo Boukari de Kparatao.
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Nous dirons que si le Tchaoudjo fut défait par les
Anyanga en 1879 lors du premier conflit, cela s'explique par la
médiocrité de son armée qui était sous
équipée face à un adversaire mieux armé et qui a su
adopter une stratégie conséquente contre sa cavalerie.
De plus sous Ouro Koura de Birini, les mercenaires djerma
étaient encore absents dans la région.
En revanche, la victoire du Tchaoudjo lors du second conflit
s'explique par le fait que durant cette période, il eut
déjà au sein de son armée, des cavaliers djerma qui furent
de véritables guerriers.
Elle s'explique aussi par l'accession au pouvoir du nouveau
souverain Ouro-Djobo Boukari de Kparatao, qui aussi fut animé
d'un sentiment de revanche contre ce petit territoire qui défit la force
armée du Tchaoudjo.
Donc, les raisons d'ordre moral, stratégique et humain
expliquent mieux cette victoire du Tchaoudjo sur les Anyanga en mai 1893.
A partir de cette date, le Tchaoudjo ne connut plus de
défaite quel que soit le niveau de militarisation de l'adversaire.
2-1-3. Expédition militaire des sémassi
à Alédjo Kadara (1885) Une année
après l'arrivée des Allemands sur le territoire du futur Togo,
période au cours de laquelle l'hégémonie du royaume
était à son paroxysme sous Ouro-Djobo Boukari de Kparatao, le
Tchaoudjo intervint militairement à Alédjo Kadara.
Il se posait un problème de succession au chef. En
effet, à la mort de ce dernier, deux candidats s'étaient
présentés aux élections. En cette période, les
chefs étaient élus et ceux qui avaient plus de popularité
remportaient les élections.
Ainsi, à la fin de celles-ci, le candidat le plus
populaire fut élu et le candidat malheureux et ses acolytes
protestèrent sous prétexte que les élections ont
été mal organisées1.
Peu après, un groupe d'opposition né
probablement du côté du candidat malheureux déclara la
guerre au nouveau chef. C'est dans cette situation de crise que Ouro-Djobo
Boukari mobilisa son armée pour intervenir à Alédjo Kadara
pour rétablir la paix.
Le royaume joua un rôle déterminant dans cette
crise en envoyant des cavaliers dans ce village pour soutenir le nouvel
élu. Ces cavaliers furent conduits par Adam Méatchi.
On peut se poser la question sur cette intervention du
royaume. Pourquoi Ouro Djobo Boukari s'était-il arrogé le droit
de faire justice dans un village qu'il n'administrait pas ?
Il est évident que le royaume était puissant et
de ce fait, il était reconnu comme tel dans tous les milieux
tem.
Toutefois, les Mola n'avaient pourtant pas de relation de
parenté avec Alédjo Kadara. Mais si le Tchaoudjo était
intervenu comme médiateur dans ce conflit interne, c'était
sûrement pour assurer sa suprématie « diplomatique
» sur les autres chefs et par voie de conséquence, à
étendre son hégémonie sur les autres contrées de la
région.
Bref, l'intervention du royaume à Alédjo Kadara
illustre l'une des manifestations de son rayonnement et de son
impérialisme dans la région.
Par ailleurs, l'ambition du Tchaoudjo dépassait
même les frontières du futur Togo.
En dehors des conflits externes, le Tchaoudjo exerça
son hégémonie aussi sur les peuples frères.
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1 - C'est-à-dire qu'elles n'ont pas
été transparentes donc le nouveau chef est illégitime.
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