2- Les conflits connus par le royaume.
Les souverains du Tchaoudjo étaient presque tous
ambitieux.
En effet, pour réaliser leurs desseins qui consistaient
en la domination des autres peuples voisins, ils organisèrent des
expéditions militaires contre ces derniers.
On note les conflits internes et les conflits externes.
2-1 Les conflits externes
Plusieurs conflits opposèrent le royaume aux peuples
voisins. Ces divers conflits se soldaient soit par la victoire, soit par la
défaite du Tchaoudjo. Tout ceci dépendait à la fois de la
bonne ou de la mauvaise préparation, de la puissance des personnages qui
conduisaient les expéditions et surtout des motifs de celles-ci.
54
Parmi ces conflits, trois retiendront notre attention,
notamment celui contre Agoulou, celui contre les Anyanga et celui contre
Alédjo Kadara.
2-1-1 Le conflit Komah-Agoulou
C'est l'un des conflits qui marqua les esprits de la
population de Tchaoudjo jusqu'à aujourd'hui à cause des
désastres qu'il occasionna au sein de celle-ci.
Ainsi, le village Agoulou quoique fondé par les Mola de
Tabalo n'échappa pas à la volonté
d'hégémonie du Tchaoudjo.
Deux conflits opposèrent le Tchaoudjo1 à
Agoulou.
En effet, le pouvoir suprême du Tchaoudjo était
symbolisé par l'oeuf d'autruche. Selon notre informateur Djobo Bivahi
Mouhamadou2, une fille du souverain Ouro
Akoriko3 serait partie à Agoulou et leur aurait promis
qu'à la mort de son père, le pouvoir royal reviendrait à
Agoulou. Satisfaits de cette promesse, les habitants d'Agoulou auraient
donné une grande quantité de cauris à la princesse de
Komah. Ainsi, à la mort de Ouro Akoriko, fidèle à sa
parole, la princesse prit secrètement l'oeuf d'autruche qui était
mis au faîte du vestibule de la résidence du souverain et
l'aurait remis au chef d'Agoulou contre la même récompense.
Les populations de Komah après avoir constaté la
disparition de l'oeuf d'autruche et après avoir été
informées de la mauvaise conduite de la princesse,
déclarèrent la guerre à Agoulou en vue de le
récupérer.
Ainsi, le premier conflit qui se termina par la défaite
du Tchaoudjo lui causa d'énormes pertes en vies humaines.
1 -On parle de Tchaoudjo parce que ce conflit avait
mobilisé tout le royaume. Même si tous les villages n'avaient pas
participé au premier conflit, presque tous étaient
mobilisés pour le second conflit.
2 - Djobo Bivahi Mouhamadou, premier notable de
l'ex-chef du canton de Kadambara, du 16-08-06.
3 -Fut à la fois chef de Komah et
quatrième souverain du Tchaoudjo.
55
Du moment où les populations d'Agoulou étaient
informées d'une éventuelle attaque de leur village, elles
allèrent dans la rivière « Ouro Boungoulou
»1 et y firent des sacrifices. Ces populations comptaient
sur leur innocence et de ce fait étaient sûres de leur
victoire.
Pour lutter contre un adversaire de taille, la population
d'Agoulou utilisa la technique de la «terre
brûlée»2. Les ennemis arrivèrent
après que la population d'Agoulou se réfugiât dans la
brousse. De ce fait, ils se mirent aveuglement à massacrer les
bêtes et à razzier les biens des habitants du village.
Ainsi, les troupes de Tchaoudjo se crurent déjà
victorieuses du seul fait que les habitants d'Agoulou se montrèrent
incapables de les affronter pour la simple raison qu'ils se sont
réfugiés dans la brousse. Au chemin de retour à Tchaoudjo,
les combattants de Komah furent piégés par la boue que la «
rivière-fétiche » laissât sur leur passage.
Alors, la boue enfonça les chevaux et les combattants d'Agoulou
sortirent de leurs refuges et vinrent couper les têtes des ennemis de
Tchaoudjo.
Ce qui provoqua d'énormes pertes en vies humaines dans
le rang des ennemis.
Ainsi, pour se venger, le Tchaoudjo se prépara en
conséquence avec comme chef militaire Koura3 de Birini qui
n'avait pas participé au premier conflit.
1 - c'est la rivière fétiche protectrice
du village.
Du moment où les habitants d'Agoulou se rendirent
compte que le Tchaoudjo prépara sa revanche, certains habitants
quittèrent le village en direction du Bénin.
2 - c'est-à-dire que toute la population avait
fui le village pour regagner la brousse.
3 -C'était un véritable guerrier dans
l'armée du Tchaoudjo. Il conduisit les troupes du royaume au second
conflit contre Agoulou. Ce qui lui valut sa nomination au poste de
cinquième Ouro-Esso de Tchaoudjo.
56
C'est ainsi que certains d'entre eux s'installèrent
à Kpaza sous l'ordre de Adam Méatchi1 tandis que
d'autres allèrent jusqu'à Toboni, Tchimbéri voire au
Bénin actuel.
Etant donné que la plupart des habitants
s'étaient enfuis par crainte des ennemis qui, sans subir aucune
défensive, s'emparèrent facilement de leur oeuf d'autruche.
Ainsi, ce second conflit qui vit la défaite d'Agoulou
avait permis à Tchaoudjo de récupérer l'oeuf d'autruche,
objet prestigieux et symbole du pouvoir royal du Tchaoudjo.
Cette victoire s'explique d'une part, par la mobilisation de
tous les villages du royaume qui combattirent au côté de Komah et
d'autre part, par le dévouement des habitants du Tchaoudjo pour
récupérer l'oeuf d'autruche que Agoulou ne peut jamais
hériter. Bien que faisant partie des groupes de descendants de
l'ancêtre Gadaou, Agoulou ne compte pas parmi les sept villages
fondateurs du royaume.
La cause ainsi que le déroulement des deux conflits
nous incitent à une analyse scientifique.
S'agissant de la cause, nous pensons pour notre part que
l'oeuf d'autruche est peut-être pris comme un symbole pour
désigner une autre cause. Est-ce qu'il ne s'agirait pas d'un
problème de femme quand on sait qu'à l'époque la femme
constituait une source de conflits inter et intra-villages ? Etant donné
qu'elle constitue quelque chose de précieux qu'on ne doit pas partager
avec autrui, n'est-ce pas un moyen pour ne pas divulguer l'affaire en vue
d'éviter tout cynisme de la part de la femme ou de l'homme qui ayant
commis l'adultère ?
Pour ce qui concerne leur manifestation, nous pensons que la
consultation de la « rivière-fétiche » ne nous
explique en rien le problème.
1 - Dit « Ouro-Nilé »,
véritable guerrier et chef du village de Kpaza de l'époque.
C'était lui qui accorda asile aux Mola d'Agoulou qui fuyaient le second
conflit contre Tchaoudjo. Il fut le deuxième occupant et le fondateur de
la chefferie de ce village.
57
La boue dont fait cas la tradition orale ne
relève-t-elle pas de la boue naturelle ? Il peut arriver qu'il ait plu
abondamment en amont après le passage des guerriers et qui aurait
causé le débordement de la rivière. Ainsi qu'au retour des
guerriers, ceux-ci se seraient enfoncés dans la boue qu'aurait
laissée la rivière après le retrait de l'eau.
Ceci peut être aussi une explication magique retenue par
la population d'Agoulou pour confirmer leur suprématie dans le
mysticisme sur celle de Tchaoudjo.
|