CONCLUSION
Nous pouvons retenir en définitive, que le royaume tem
du Tchaoudjo était bien organisé sur les plans socio-politique et
économique.
En effet, le royaume était constitué d'une
population diversifiée où il y a le brassage entre les
différents clans. Ainsi, chaque entité de la population avait son
rôle spécifique à jouer dans la société.
De ce fait, le Tchaoudjo tirait l'essentiel de ses revenus de
l'agriculture et surtout du commerce. Celui-ci était fructueux
grâce à la participation des populations
étrangères.
En réalité, il n'existait pas une capitale du
royaume comme l'a écrit P. Alexandre, car il n'existait pas un palais
royal unique pour tout le royaume. Chaque village avait son palais qui lui est
propre et où tout nouveau souverain issu du village pouvait y
habiter.
Nous analyserons dans les lignes qui vont suivre les
conditions qui ont favorisé la militarisation du Tchaoudjo.
Deuxième partie :
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LA MILITARISATION DU ROYAUME
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Introduction
Le royaume était à son apogée avant
l'arrivée des Allemands. Au contact de ceux-ci, Kparatao détenait
le pouvoir suprême avec comme souverain, Ouro-Djobo Boukari. A
l'instar de toute formation étatique, le royaume se dota à
l'origine, d'une force armée composée des autochtones. Celle-ci
avait pour mission d'assurer la sécurité du royaume et de
défendre ses intérêts. Tchaoudjo va ainsi jouer un
rôle prépondérant dans la conquête de l'hinterland
par les Allemands.
Cette partie sera consacrée à l'étude des
conflits auxquels le royaume avait participé et le rôle ce dernier
dans la conquête et la stabilisation du pouvoir colonial allemand.
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Chapitre 4 : MILITARISATION ET LES DIFFERENTS CONFLITS
DU ROYAUME
Introduction
Le royaume avait besoin d'une force armée non seulement
pour protéger les populations contre les attaques extérieures
mais également pour assurer sa sécurité intérieure.
Ainsi dans l'intention d'étendre son hégémonie sur toute
la région, le royaume organisa des expéditions contre les
populations avoisinantes.
1- Militarisation du royaume
Le royaume connut deux stades de militarisation dans son
histoire : d'une part, la militarisation avant l'arrivée des
sémassi et d'autre part, la militarisation sous Ouro-Djobo
Boukari de Kparatao.
A l'origine, la force armée dont disposait le Tchaoudjo
se composait des hommes valides qui répondaient mieux aux conditions
physiques indispensables pour les combats militaires. Ceux-ci étaient
recrutés non seulement dans les villages royaux, mais également
dans les autres villages tem. En effet, cette armée royale ne
dépassait guère un millier d'hommes et était
sous-équipée car ne possédant que des armes blanches et
des fusils traditionnels.
Ce qui pouvait justifier certaines des défaites qu'a
connues le royaume à l'époque.
Outre la défaite de 18791 lors du premier
conflit contre les Anyanga sous Ouro Koura de Birini, on note aussi la
défaite lors du premier conflit contre Agoulou sous Ouro Akoriko de
Komah2.
1 - Date à laquelle le premier conflit
éclata entre le Tchaoudjo et les Anyanga sous le règne de
Ouro-Koura de Birini. A Kaza, les Tem furent défaits par les Anyanga.
2 -Il s'agit du premier conflit qui opposa Komah et
Agoulou à propos d'un oeuf d'autruche. Mais, tous les villages du
royaume n'avaient pas participé à ce conflit qui vit la victoire
d'Agoulou sur le Tchaoudjo.
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Ainsi, le souverain du Tchaoudjo avait à sa
disposition une force armée qui constituait sa garde royale. Elle
assurait sa propre sécurité et l'accompagnait au cours de ses
déplacements dans la région.
Cependant, avec l'arrivée au pouvoir de Ouro-Djobo
Boukari de Kparatao, cette militarisation du royaume s'accentua.
En effet, Ouro-Djobo avait coopté les mercenaires
djerma qui furent de véritables cavaliers armés1.
Ceux-ci provinrent de la Boucle du Niger vers 18852.
Le Tchaoudjo devint à la fin du XIXè
siècle, une puissance guerrière redoutable avec l'arrivée
de ces mercenaires germa.
Avant de faire une étude sur les origines de
sémassi, nous trouvons important de faire des
interprétations sur l'étymologie du terme lui-même. Selon
Ouro-Djéri3, sémassi a été
tiré du groupe de mots « wansagari sémassi (
wansagari qui veut dire paresseux ou plutôt celui qui ne veut
pas manger à la sueur de son front et sémassi, pilleurs,
razzieurs).
Au total, l'expression «wansagari sémassi
» indique qu'il est question des guerriers qui par force pillent les
autres. D'où viennent-ils ?
Les sémassi étaient venus du pays
djerma (dans l'actuel Niger) vers la fin du XIXè
siècle. Ils traversèrent les régions occidentales
emportant avec eux des éléments du peuple bariba, des peulhs, des
Touré. Ils poursuivent leur chemin pour atteindre les régions de
peuplement tem, kabiyè.
1 - Gayibor NL (ss la dir), 1997, p346.
2 - Barbier JC et Klein B, 1995, p23.
3 - Ouro-Djéri, 1989, p38
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C'est JC Barbier1qui a décrit leurs
itinéraires : « En 1883, ils sont à
Seméré, puis à Alédjo-Kura, en 1885 à
Adjéidè (d'où ils tentent une attaque contre Tchamba). Ils
sont cooptés par le souverain Uro Djobo Bukari à Paratao. Avec
eux, des Peuls installés à Kpaza et à Agoulou ainsi que de
nombreux Kotokoli, apprennent l'art du combat à cheval ». Les
Peuls de Kpaza dont JC Barbier a fait cas ici étaient conduits par Adam
Méatchi. Ceux-ci étaient indépendants des cavaliers de
Kparatao.
Par ailleurs, leur installation à Kpaza avait bien
évidemment précédé l'arrivée des mercenaires
djerma dans le royaume. A ce propos, JC Froelich2 écrit que :
« l'apparition de ces Peuls à Kpaza provenant de Sokoto
(Nigeria) remonte à 1830 ».
Selon El Hadji Ouro-Nilé Alassane3,
c'était Adam Méatchi qui, à l'appel de Djobo Boukari de
Kparatao, aurait combattu Yélivo et aurait donné le pouvoir
à Kparatao grâce à sa puissance militaire.
S'agissant des causes de l'arrivée des mercenaires
djerma dans la région, certains auteurs ainsi que la tradition orale
soulignent que c'est suite à l'insécurité qui
régnait dans la région après l'accession au pouvoir par la
force de Ouro-Djobo Boukari que ce dernier leur aurait fait appel.
En ce qui concerne les causes de la migration des pilleurs,
nous pouvons dire qu'elles peuvent être liées aux conflits
internes qui étaient fréquents dans la sous-région ouest
africaine au XIXè siècle. Elle peut être due
à une cause commerciale. En effet, les sémassi
étaient des guerriers de formation qui résulteraient de
l'empire songhaï.
1 - Barbier JC et Klein B, 1995, p23.
2 - Froelich JC, 1947, p55.
3 - Entretien avec El- Hadji Ouro-Nilé Alassane
dit Tchalé, cultivateur à Kpaza, du 26-12-05.
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Et comme l'empire était en décadence, les
guerriers auraient décidé volontiers de migrer vers l'ouest pour
louer leurs services aux chefs locaux. C'est ainsi qu'on les appelle aussi des
mercenaires.
C'est dans cette perspective que les guerriers
arrivèrent à Tchaoudjo pour louer leurs services au nouveau
souverain Ouro-Djobo Boukari. Du fait que celui-ci ait reçu les
mercenaires, on le surnomma « Sémôh »1
Quant à la logistique qui est une partie de l'art
militaire ayant trait aux problèmes de transport et de ravitaillement en
armes, le problème ne se pose pas. Car le transport était
essentiellement assuré avec l'abondance des chevaux. Selon
Ouro-Djéri2, l'introduction du cheval dans le milieu tem
a deux origines : Djougou et la Boucle du Niger. D'une part, ces cavaliers
militaires permirent l'intronisation du nouveau souverain et d'autre
part, contribuèrent à mettre de l'ordre dans le royaume.
En effet, les commerçants soudanais qui devraient
emprunter la route de la cola pour se rendre à Salaga, passaient
nécessairement par le pays tem. Ils voyageaient à dos
d'ânes, de chevaux. C'est ainsi que les kotokoli connurent
d'abord les chevaux de petite taille à poils longs pendant les
XVIIIè et XIXè siècles.
De même les commerçants haussa et germa en
provenance de la Boucle du Niger vont par le même procédé
introduire chez les Tem les chevaux cette fois-ci d'une grande taille
et d'une forme moyenne et qui sont adaptés à la course. Ces
chevaux seront appréciés et plus utilisés par les
cavaliers.
Cette armée du royaume était composée de
deux sortes de combattants : d'une part, les cavaliers et d'autre part, les
fantassins ou archers.
1 - singuilier de sémassi
2 - Ouro-Djéri, 1989, p42
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Ainsi, les cavaliers utilisaient les chevaux et étaient
radicalement plus armés que les fantassins. Ils avaient pour leur compte
des lances et des poignards. Ils sont souvent vêtus de boubous avec des
ceintures aux hanches pouvant retenir le poignard.
De leur côté, les fantassins étaient
habillés de la même façon. Mais ce qui les distinguait des
cavaliers est qu'ils n'ont pas de chevaux et qu'ils ne possèdent que des
armes modestes : gourdins, coupe-coupe. Ils jouaient le rôle
d'auxiliaires et de transporteurs.
Pendant la guerre, les cavaliers attaquaient les premiers les
ennemis, ensuite venaient les fantassins. Mais de temps en temps,
l'armée et surtout les cavaliers organisaient des séances
d'entraînement qui constituaient des divertissements équestres
dans le village ou en brousse.
Cette préparation technique était suivie
d'autres préparations d'ordre spirituel et magique.
En effet, avant de partir pour la guerre, les autorités
locales allaient consulter les divinités protectrices pour savoir si la
guerre serait remportée ou non.
Sur le plan magique, les vêtements des
sémassi portaient des amulettes, signes
d'invincibilité.
Toutes ces préparations nous incitent à une
analyse scientifique.
En effet, nous pensons que les habits de guerre, la
consultation des dieux ont avant tout des effets psychologiques sur les
guerriers car, on suppose que le combattant en état de conscience claire
ne pourrait pas donner le rendement escompté. Ainsi, le fait de porter
un habit entouré d'amulettes développe en lui l'esprit
d'endurance et de détermination.
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C'est le cas à Sparte dans l'antiquité grecque
où les enfants étaient instruits à l'éducation
militaire où on cultive en eux les vertus comme l'endurance, la
détermination pour la défense de la Patrie.
Dans cette situation, le combattant est sûr de
lui-même qu'il ne craint plus la mort.
Par ailleurs, la technique de guerre adoptée par les
guerriers était la technique d'encerclement.
Celle-ci consiste à encercler l'ennemi afin de
triompher de ce dernier. Les cavaliers au devant des opérations
étaient les vrais attaquants. Ce sont eux qui mettaient souvent l'ennemi
en déroute en tuant les gens et en incendiant les agglomérations
des adversaires au moment où les fantassins s'occupaient à
compléter la mise en déroute et à piller. Le butin peut
être composé de céréales, d'hommes, de femmes voire
des enfants.
De nombreux conflits vont par la suite opposer le royaume aux
autres peuples de la région.
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