I.5. Période classique (XVIIe siècle)
Le beau était conçu en termes d'harmonie,
de symétrie, d'ordre et de mesure.
Dès lors, le XVIIe siècle fait de la beauté
un étendard de la nuance, on s'attarde sur la taille, les proportions,
l'allure et le port de tête. La taille de la reine d'Espagne est
dégagée, extrêmement fine et menue par le bas.
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Marie-Louise d'Espagne (1627-1693), par Auguste de
Creuse.
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De nouveaux principes d'esthétisation de l'apparence
émergent. Le classicisme des jardins de Le Nôtre renvoie à
la symétrie des visages. Les femmes bourgeoises portent le corset, afin
de maintenir une silhouette droite et affûtée, qu'on oppose aux
formes alourdies du peuple.
Durant ce siècle, la beauté correspond à
des canons précis. On veut domestiquer le naturel et l'on recherche la
sophistication. Le teint très clair est toujours de mise, la taille doit
être très fine, la poitrine imposante (compressée par les
vêtements), et les bras plutôt potelés. Côté
maquillage, les femmes se fardent de rouge, car c'est le symbole de la
sensualité et de l'amour, et essayent tant bien que mal d'accentuer
leurs veines afin de souligner leur « haut lignage » et leur
délicatesse.
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I.6. Période moderne (XVIIIe et XIXe
siècle)
Du point de vue des penseurs, l'esthétique est alors
« la science du sensible » par opposition à la « logique
».
Kant juge une chose comme belle : « j'attribue aux autres
la même satisfaction (É) je ne juge pas seulement pour moi, mais
pour tout le monde, et je parle de la beauté comme si c'était une
qualité des choses (É) On ne peut donc pas dire ici que chacun a
son goût particulier. »6 D'après lui, le jugement
du beau ne s'effectue pas d'après un goût personnel.
I.6.1. Le XVIIIe siècle
Le XVIIIe siècle annonce le retour de la
volupté.
C'est le siècle des Lumières et des idées
révolutionnaires dans de nombreux domaines dont celui de la
beauté. Après les excès du XVIIe siècle, on
préfère un retour au naturel. On délaisse les structures
en bois des robes et les perruques immenses, et l'on se maquille moins. Le
teint doit toujours être clair mais paraître plus naturel. On
n'abandonne pas les poudres pour autant, mais on s'applique à trouver le
dosage parfait. Les coiffures sont faites de cheveux bouclés et adoptent
un style savamment "décoiffé". L'image de la femme n'est plus
cette beauté sans mouvement, engoncée dans des vêtements
trop étroits, mais plutôt une beauté joyeuse dans un cadre
naturel. Cet état d'esprit est parfaitement illustré par la reine
Marie-Antoinette, qui, au « Petit Trianon », délaissait les
corsets et les coiffures sophistiquées.
Cette valorisation de la nature, un peu paradoxale avec le
fait d'apporter tant d'importance à l'apparence physique et à la
sophistication, nous renvoie à notre société actuelle. Ce
même état d'esprit est mis en avant aujourd'hui : on vante les
mérites des produits naturels et de l'air frais, mais cette
démarche est hypocrite : l'on nous présente dans le même
temps des moyens pour bien peu naturels pour arriver à s'approcher d'un
idéal de beauté, comme nous le verrons ensuite.
Marie-Antoinette à la rose, E. Vigée Lebrun,
1783
6 Critique de la faculté de juger,
Kant, 1790.
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