La motivation
Motiver le personnel doit être un des objectifs majeurs
de la gestion des ressources humaines. Pourtant, la motivation est un
phénomène complexe. Il semblait donc utile, dans la
présente recherche, de s'intéresser aux théories de la
motivation afin de tenter d'identifier les leviers dont dispose la direction
des ressources humaines pour développer et maintenir la motivation du
personnel.
Les recherches et la littérature sur les théories
de la motivation sont multiples Une synthèse très
simplifiée de certaines théories qui font référence
: Les théories des besoins
Les théories des besoins considèrent que la
motivation est suscitée par la volonté de satisfaire
entièrement les besoins. Les deux théories les plus connues sont
celles de Maslow et d'Herzberg.
D'après Maslow (1943), l'individu cherche à
répondre à des besoins selon une hiérarchie de besoins :
une fois qu'un besoin est satisfait, l'individu souhaite satisfaire le besoin
immédiatement supérieur dans la hiérarchie, jusqu'à
ce qu'il parvienne au dernier niveau, celui de l'accomplissement personnel.
Besoins physiologiques
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Sécurité
Amour, appartenance
Estime des autres
Estime de soi
Accomplissement personnel
Ainsi, un individu cherche tout d'abord à
répondre à ses besoins physiologiques (manger, se loger, se
vêtir), puis, lorsque ces besoins sont assouvis, il cherche à
satisfaire ses besoins de sécurité, etc. jusqu'à chercher
à satisfaire ses besoins d'accomplissement personnel.
Cette théorie a été remise en cause par
plusieurs recherches empiriques, à cause de la rigidité de la
hiérarchie. En effet, dans la pratique, on constate qu'un individu peut
chercher à satisfaire deux types de besoins à la fois, ou
à satisfaire un besoin qui n'est pas immédiatement
supérieur au besoin précédent dans la
hiérarchie.
La théorie de
l'autodétermination
Dans les années 1970-1980, un certain nombre de
théories cherchaient à identifier quelles étaient les
raisons intrinsèques qui poussaient un individu à accomplir
volontairement une action. Dans cette logique, la théorie de
l'autodétermination développée par Deci et Ryan (1971,
1975 et 1985) considère que l'individu est motivé par trois types
de besoins : l'autonomie, le sentiment d'être compétent et
l'appartenance sociale. Le besoin d'autonomie serait le plus décisif. Il
est défini comme le besoin qu'a l'individu de sentir qu'il agit
librement. Selon le degré d'autonomie dans le choix, l'individu sera
donc plus ou moins motivé.
L'individu est particulièrement motivé lorsqu'il
agit parce qu'il trouve une satisfaction ou un plaisir dans son comportement ou
son action. Sa motivation est un peu inférieure lorsqu'il choisit ses
actions pour la contrepartie qu'il en retire (ex. :
rémunération). Et sa motivation est nulle s'il ne choisit pas ses
actions de manière autodéterminée et ne perçoit pas
le lien entre ses actions et leurs conséquences.
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. Les théories de
processus
Alors que les théories des besoins et la théorie
de l'autodétermination répondent à la question « par
quoi un individu est-il motivé ? », les théories de
processus répondent à la question « comment un individu
est-il motivé ? », ce qui consiste à analyser de quelle
manière des variables interagissent pour conduire à la
motivation.
Parmi les théories de processus, la théorie EIV
(Vroom, 1964) considère que la motivation résulte de trois
variables :
· E = expectation - L'individu attend un certain
résultat ou une certaine performance suite à son effort.
· I = instrumentalité - Il s'agit du rapport
entre la performance et ce qu'on attend comme rétribution de cette
performance. La performance peut conduire (ou non) à une meilleure
rémunération, à une reconnaissance du chef, à une
promotion.
· V = valence - C'est la valeur attribuée
à l'individu au résultat qu'il a produit.
Ces trois variables une fois réunies conduisent
à la motivation. Par exemple, il n'y aura pas de motivation si un
individu a produit les efforts nécessaires pour atteindre une certaine
performance mais que cette performance n'est pas rétribuée d'une
façon ou d'une autre. Il n'y aura pas non plus de motivation si
l'individu ne valorise pas sa tâche au-delà de la
rétribution qu'il en reçoit (par exemple s'il ne comprend pas
l'utilité de la tâche). Il n'y aura toujours pas de motivation si
l'individu n'accorde pas de valeur à la rétribution qu'il
reçoit (par exemple, un individu qui cherche essentiellement à
augmenter son salaire ne sera pas motivé par une reconnaissance de son
supérieur hiérarchique et vice versa).
La théorie de la justice et de
l'équité
Adams (1963) a développé cette théorie
selon laquelle un individu est motivé lorsqu'il considère que la
rétribution qu'il perçoit de son travail (« outcomes »)
est en ligne avec sa contribution (« inputs »).
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· La rétribution est aussi bien financière
(salaire, prime) que non financière (reconnaissance, fierté,
sécurité de l'emploi, promotion, sentiment d'accomplissement).
· La contribution se fait par le biais non seulement du
travail fourni mais aussi par d'autres biais tels que la compétence, les
aptitudes personnelles, la confiance dans le chef, etc.
La justice et l'équité perçues
proviennent aussi de la comparaison que fait l'individu entre sa contribution
et sa rétribution personnelles et celles de ses collègues ou de
salariés d'autres entreprises. Si l'individu juge que, à
contribution égale, un de ses collègues reçoit une
rétribution supérieure, cela est facteur de
démotivation.
La théorie de la fixation des
objectifs
Les travaux de Locke (1968) établissent qu'un individu
est motivé quand on lui fixe des objectifs clairs et qu'on lui fournit
un feedback approprié sur sa capacité à les atteindre. Non
seulement le fait de travailler pour atteindre un objectif est une source
majeure de motivation, mais cela permet d'améliorer les performances de
l'individu : des objectifs bien définis et difficiles à atteindre
conduisent à une meilleure performance que des objectifs vagues ou
aisés à atteindre. L'individu est stimulé par la recherche
d'un accomplissement. Il a le sentiment de développer ainsi ses
capacités professionnelles, son expertise.
Dans son article de 1988 « A Model of Creativity and
Innovation in Organizations », Amabile analyse les composantes de la
créativité individuelle et identifie les conditions favorables
à cette dernière. Ce modèle constitue encore aujourd'hui
le principal cadre conceptuel de la recherche sur la créativité.
Dans cette présente recherche, il nous servira de grille d'analyse pour
présenter les facteurs influençant la créativité
des brainstormings. C'est pourquoi nous l'exposerons de manière
détaillée.
Amabile part d'une étude sur 120 chercheurs et
techniciens, dans 20 secteurs différents, à qui il a
été demandé de décrire un évènement
créatif et un évènement non créatif. Des personnes
indépendantes ont codé les transcriptions de ces
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interviews. L'analyse de ces interviews a permis de mettre en
lumière trois composantes nécessaires à la
créativité individuelle (quel que soit le secteur) :
1) les compétences liées au domaine
concerné
2) les compétences liées à la
créativité
3) la motivation intrinsèque.
- La motivation intrinsèque dépend de la
manière dont une personne perçoit les raisons de réaliser
la tâche. Les facteurs de motivation intrinsèque sont
l'intérêt pour le travail en lui-même, l'attraction pour le
challenge, l'impression de travailler sur un sujet important, le fait de
partager une conviction liée au projet. Pour illustrer cet argument,
Amabile utilise l'image d'une souris recherchant du fromage dans un labyrinthe
: « Si vous avez une motivation extrinsèque, votre motif
fondamental est de réaliser le but extrinsèque. Vous travaillez
pour quelque chose d'extérieur au labyrinthe, vous devez remporter la
récompense, gagner la compétition, obtenir la promotion ou plaire
à ceux qui vous observent. Vous êtes à ce point
absorbé par la poursuite de ce but que vous ne prenez pas le temps de
penser au labyrinthe lui-même. Souhaitant en sortir le plus rapidement
possible, il est probable que vous n'emprunterez que l'itinéraire le
plus évident, le plus fréquenté. En revanche, si vous avez
une motivation intrinsèque, vous vous plaisez dans le labyrinthe. Vous
prenez plaisir à y jouer, fureter dans tous les coins, essayer des
chemins différents, explorer, y réfléchir avant de vous
lancer bille en tête. Vous ne vous concentrez vraiment sur rien d'autre
que sur l'intensité du plaisir que le problème vous procure, de
votre attirance pour le défi et l'énigme. »
Teresa Amabile estime que ce dernier facteur de la motivation
intrinsèque a été le plus négligé par les
chercheurs et les praticiens alors qu'elle le considère comme le plus
important. « Aucune expertise du domaine, ni aucun degré de
compétences créatives ne pourront compenser un manque de
motivation à réaliser avec succès une activité. A
l'inverse, dans une certaine mesure, un degré de motivation
intrinsèque peut compenser un déficit de compétence dans
le domaine et de compétence liée à la
créativité ». Il s'agit également du facteur qui est
le plus dépendant de l'organisation.
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Teresa Amabile suggère ainsi que la motivation
intrinsèque est souvent le levier le plus efficace pour stimuler la
créativité dans une organisation.
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