CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre travail, les analyses empiriques et les
études statistiques de corrélationentre la croissance
démographique et le développement en Afrique subsaharienne,
convergent toutes vers l'existence de relations entre les déterminants
et indicateurs de chacun des deux concepts. Cette conclusion est surtout une
confirmation, l'existence de relations entre les sous-systèmes
démographie et développement étant reconnue par la
quasi-totalité des praticiens et théoriciens des questions
démoéconomiques.
Par contre, les analyses relatives aux domaines
controversés du sens de causalité et des effets induits, ont
permis d'aboutir à des conclusions dont la prise en compte pourrait
êtreplus bénéfique. L'intérêt à y
accorder peut être sous-tendu par la présentation faite
surl'état des lieux des questions de développement et de
démographie (transition démographique notamment) dans le cas de
la région d'étude. En effet, ces états des lieux ont
parfois montré qu'il existait des urgences, étant entendu quepar
rapport aux autres régions, le sous-continent continue d'accuser un
retard généralisé et parfois abyssal dans divers domaines
relatifs au bien-être des populations. En substance, le processus de
transition démographique, quoique résolument enclenché est
l'un des plusattardéscorrélativement à une
fécondité qui demeure la plus élevée au monde. La
situation dans les domaines sociaux est loin d'être reluisante. Beaucoup
reste à faire : qu'il s'agisse de l'éducation et de la
santé pour lesquelles l'encadrement efficient des populations demeure un
objectif lointain, ou encore du niveau de vie économique qui
réduit les marges de manoeuvre des gouvernements condamnant ainsi plus
de deux cents millions de personnes à vivre dans l'extrême
pauvreté.
En ce qui concerne le sens de causalité, les principaux
modules du système « croissance démographique et
développement » qui ont été analysés
amènent à conclure à une relation cause à effet
réciproque dans tous les cas de figure en Afrique subsaharienne.
L'étude des corrélations via des séries chronologiques a
servi à pressentir parfois de manière univoque, des
dépendances dont les caractères plurivoques ont ensuite
été confirmés de manière empirique à travers
les effets de chacun des systèmes sur les déterminants de
l'autre. Ces déterminants ont été préalablement
identifiés lors d'une étude approfondie sur les facteurs
explicatifs directs et intermédiaires de chacun de nos deux concepts.
Ainsi, les cas d'influence réciproques ont été
identifiés pour les modules suivants :
«fécondité& niveau de vie »,
« fécondité & éducation »,
« fécondité&santé »,
« pression démographique & environnement » et
« pression démographique & urbanisation ».
S'agissant des effets induits, il est globalement ressorti que
jusqu'ici, la croissance démographique de l'Afrique subsaharienne a
été loin de permettre au sous-continent de
bénéficier pleinement des dividendes de sa croissance
économique. La population croit encore à un rythme auquel les
gouvernements des différents pays peinent visiblement à y ajuster
l'offre des services sociaux, de travail et des niveaux de revenu
adéquats. Dans la majorité des pays, les systèmes
éducatifs et de santé semblent encore débordés par
l'afflux des demandes de prestation, tandis que les structures
économiques ne produisent pas assez pour une redistribution par
tête garantissant un niveau de revenu élevé. Au cours des
années passées, cela a sans aucun doute contribué à
freiner les efforts de développement dans leurs volets quantitatif
(niveau de revenu, taux d'alphabétisation, prévalence et
incidence) et qualitatif (norme de qualité concernant notamment les
densités médicale et d'enseignement). Le domaine environnemental
n'est pas épargné, le cas du Kenya ayant démontré
que l'augmentation des besoins nutritionnels et d'habitation dans le
sous-continent, entraine une surexploitation des ressources. Celle-ci menace
les réserves sécuritaires constituées et
l'équilibrede l'écosystème, cela constitue une source de
perte de devises (activités touristiques) et est micro
économiquement un facteur aggravant de pauvreté (activités
agricoles, élevage, intempéries).
Cependant, au fil de nos analyses, une constance s'est
incontestablement dégagée : le rôle vertueux du
développement pour sa propre promotion. En effet, il ressort de notre
étude que l'Afrique subsaharienne ne constitue pas une dérogation
à cette règle. L'éducation, la santé et le niveau
de revenu sont apparus comme des catalyseurs de la transition
démographique. Par ricochet, ils constituent un moyen direct ou indirect
d'ajustement progressif de la croissance démographique aux
disponibilités existantes et potentielles à court et moyen
termes. L'accent devrait donc être mis sur l'éducation des femmes
qui est apparue comme déterminante au déclenchement du cercle
vertueux ci-dessous :
La promotion du développement social et
économique pour un meilleur capital humain apparait donc comme un levier
des plus surs pour accélérer l'infléchissement de la
croissance démographique du sous-continent. Cela permettrait à la
région de faire face ne serait qu'à court ou moyen termes, aux
goulots d'étranglement qui ne permettent toujours pas à ses
services sociaux de promouvoir le bien-être des populations. Le
ralentissement de la poussée démographique ainsi
accéléré donnera plus de marge aux pays sub sahariens pour
que ceux-ci puissent dans un premier temps combler leur retard et ensuite
assurer durablement le bien-être des générations
naissantes.
Cependant, deux visages moins élogieux du
développement ont fait surface au cours de notre étude. L'un
d'entre eux concerne l'attrait que le développement exerce sur certaines
franges de la population. Ce sont principalement les jeunes en quête de
modernité et la population active. Les méfaits de cet attrait ont
été identifiés dans les pays étudiés
spécifiquement à savoir le Cameroun et le Kenya. En effet, les
personnes concernées vont chercher les bienfaits du développement
là où il est plus susceptible de les trouver à savoir les
villes. Compte tenu du fait que la pyramide des âges a montré que
les concernés constituent d'une manière écrasante la
frange de la population la plus nombreuse, les deux pays étudiés
à l'instar de la région prise dans son ensemble, ont connu une
augmentation rapide du taux d'urbanisation. Les structures économiques
et sociales n'ont pas pu s'ajuster à cet afflux massif et
accéléré des populations dans les cités. Il s'en
est suivi à travers toute la région des taux de chômage et
de sous-emploi urbains très élevés, la monté de
l'insécurité dans les villes et la précarité des
conditions de logement. L'autre aspect est l'ambivalence du
développement avec les notions de développement vues en coupe
transversale, qui privilégie le bien-être des populations
existantes et le développement durable qui va au-delà en prenant
en compte les conditions de vie des générations futures. Les
problèmes auxquels sont confrontés les gouvernements subsahariens
les amènent souvent, sous l'effet de la pression démographique et
de la recherche des retombées politiques à court terme, à
entreprendre des actions qui produisent des ressources pour résoudre des
problèmes ponctuels en mettent à mal le développement
durable. La déforestation qui a lieu dans bon nombre de pays du
sous-continent en est une illustration. L'exemple du Kenya sur lequel ce
travail a planché donne un aperçu de conséquences
néfastes sur le bien-être des populations.
Pour ce qui est des perspectives du sous-continent, la
conclusion à laquelle nous pouvons aboutir sur la base des
données des plus actualisées, est que les conditions
démographiques dans lesquelles se trouve l'Afrique subsaharienne ont
jusqu'ici été un obstacle pour l'atteinte des Objectifs du
Millénaire pour le Développement. Il s'agit des volets
santé, éducation et lutte contre la pauvreté pour
lesquelles il est presque utopique que la région atteigne les buts
fixés à l'horizon 2015, compte tenu des bilans d'étape
effectués dans ce travail et de l'estimation des chemins qui restent
à parcourir.
Mais, l'espoir est bel et bien fondé. En effet, les
bilans d'étape ci-dessous évoqués dans le cadre des OMD,
ont permis de montrer que le sous-continent avait fait des efforts
considérables au cours de la dernière décennie. L'IDH est
sans cesse à la hausse tiré en cela par de l'augmentation des
taux de scolarisation et les baisses notables des taux de mortalité
infantile et maternelle. Quant à la pauvreté, elle a
reculé quoique de manière plus timide.
Ces résultats positifs enregistrés en
matière de développement devraient aller crescendo. Pour
cause, les Etats subsahariens qu'accompagnent les organismes de
développement, ont de toute évidence intégré dans
leurs politiques socio-économiques le rôle majeur que jouent
potentiellement la santé et l'éducation dans le processus de
développement. Ils disposent donc là d'un vent favorable dont il
faut exploiter les directions. Cependant, sur la base de notre travail, nous
pouvons émettre l'avis selon lequel un opportunisme face à ce
vent voudrait qu'afin de permettre à ce dernier de jouer plus
efficacement son rôle, il conviendrait de poursuivre les campagnes de
sensibilisation de la limitation des naissances via les outils tels que le
planning familial ou autres encouragements à la baisse de la
fécondité. Il est évident que cela permettrait de
dégager des ressources supplémentaires pour permettre à
des centaines de millions de subsahariens de se libérer avec
célérité, des carcans de la pauvreté à
laquelle ils font face avec impuissance et résignation.
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