Croissance démographique et développement en Afrique subsaharienne( Télécharger le fichier original )par Yannick ZAMBO ZAMBO Université Paris Dauphine - Master2 Assurance 2012 |
II.1- Module « fécondité vs niveau de vie économique » et perspectives pour l'atteinte de l'OMD 1Le module « fécondité vs niveau de vie économique », a mis en évidence les interactions entre la croissance démographique et le développement. II.1.1- Incidence de la fécondité sur le niveau de vie des ménages Les effets de la fécondité élevée en Afrique subsaharienne peuvent être traités suivant deux aspects qui sont in fine interdépendant : un aspect macroéconomique et un aspect microéconomique. II.1.1.1- Conséquences macroéconomiques de la fécondité en Afrique subsaharienne et sur l'OMD 1 a) Analyse des données empiriques Les effets d'une fécondité qui demeure élevée en Afrique au sud du Sahara se font ressentir sur le niveau de revenu qui est déjà faible. En effet, après l'Asie du Sud (6,1%) et le moyen Orient (4,4%), l'Afrique subsaharienne est la région du monde qui a enregistré le taux de croissance économique le plus élevé en moyenne annuelle au cours des deux dernières décennies. Cette croissance est d'un peu plus de 3,5%. Cependant, ce résultat est à relativiser si on le compare au taux moyen annuel de croissance de la population au cours de la même période. Celui-ci est de 2,6%, soit le plus élevé au monde. La conséquence est que la croissance démographique actuelle est l'un des principaux facteurs qui plombent la croissance du revenu par habitant. Ce dernier (1265$ en 2011) demeure éloigné du seuil au-delà duquel la région aura un niveau de revenu moyen supérieur (RNB=3876), capable de donner aux différents gouvernements plus de marges pour lutter contre la pauvreté. Ainsi cette forte croissance démographique est en partie responsable du fait que les dividendes tirés de la croissance économique, ne permettent de réduire le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté qu'à un rythme relativement lent. Graphique 15 : b) Les perspectives pour l'atteinte de l'OMD 1 Ce rythme de la réduction de la pauvreté, bien qu'encourageant, est un handicap pour l'atteinte du premier Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD1) qui est de réduire de moitié l'extrême pauvreté et la faim entre 1990 et 2015. Sachant qu'en 1990, 58% de personnes étaient extrêmement pauvres en Afrique subsaharienne, cet objectif envisage donc de porter ce pourcentage à environ 30% au maximum, soit une baisse attendue de quelques 28 points. Un premier bilan d'étape fait constater que le taux de pauvreté (1,25$/jour) est passé de 58 à 51% dans le sous-continent entre 1990 et 200530(*), soit 7 points de moins sur le premier tiers du temps total d'observation. Ce bilan laisse donc planer des doutes quant à l'atteinte de l'OMD 1 d'autant plus que des estimations de taux de croissance économique nécessaire à l'atteinte du résultat escompté ont été faites. En tenant compte, entre autres choses, de la poussée démographique que connait le sous-continent, les organismes de développement avaient fixé à environ 7% la croissance économique annuelle qu'il fallait en Afrique subsaharienne entre 2000 et 2015 pour l'OMD 1. Cette croissance a été de moins de 5% en moyenne entre 2000 et 2011. II.1.1.2- Incidence microéconomique : effets de la fécondité sur le niveau de vie des ménages En Afrique subsaharienne, la taille du ménage est avec le sexe du chef de famille et son niveau d'éducation, l'un des déterminants du niveau de vie des ménages. Plusieurs études découlant d'enquêtes auprès des ménages pour l'évaluation de la pauvreté, ont mis en évidence la corrélation négative entre le nombre de personnes constituant un ménage et le niveau de revenu principalement en zone urbaine. Les familles ayant plus de personnes ont tendance à avoir un niveau de vie inférieur à celles qui en ont moins. Cela est dû pour une part, à un niveau élevé des charges familiales alors que le revenu de financement stagne ou n'est pas assez élevé. Ce phénomène a notamment été observé en Afrique de l'ouest et centrale où les résultats montrent dans le cas de la République Démocratique du Congo, que le taux de pauvreté est d'environ 44% pour les ménages ayant 3 membres et de près de 80% pour ceux qui sont constitués de plus de cinq personnes31(*). Graphique 16 :Niveau de pauvreté en fonction de la taille des ménages en Afrique de l'Ouest (Nigéria, Guinée, Niger) Source : « Profil de pauvreté dans les pays de la CEDEAO, CEDEAO,2008 » La taille de ménage peut donc être un facteur aggravant de pauvreté. En effet, une fécondité élevée au-delà d'un certain seuil, est susceptible de baisser le niveau de vie pour les ménages à revenus modestes, car elle peut aboutir à certaines privations dues à l'augmentation de besoins fondamentaux. Pour des ménages pauvres, une famille qui s'agrandit peut être la source d'un état d'appauvrissement plus prononcé. Cependant, ce rôle que jouerait la fécondité dans les ménages n'est pas mécanique. D'autres études sont arrivées à la conclusion d'une neutralité de la taille du ménage. Pour ces dernières, c'est plutôt le nombre d'enfants en bas âges qui est l'un des facteurs explicatifs du niveau de vie des ménages. Le cas du Burkina Faso est l'un des exemples mis en exergue par une étude sur ce sujet à Ouagadougou. Graphique 17Effets du nombre d'enfants en bas âge sur le niveau de vie des ménages Source : « Pauvreté, structures familiales au Burkina », INS, page 162 II.1.2- L'impact du niveau de vie économique sur la fécondité Sur la base des résultats des Enquêtes de Démographie et de santé (EDS) effectuées dans au moins vingt-cinq (25) pays subsahariens, un constat s'impose empiriquement : le nombre d'enfants par femme varie sensiblement en fonction du niveau de vie des ménages. Dans ces enquêtes, les ménages sont classés selon des quintiles représentant les niveaux de revenus. Il en ressort qu'au fur et à mesure que l'on passe des quintiles représentant les plus démunis à ceux représentant les plus aisés, la fécondité décroit. Cependant, si tous les pays subsahariens effectuent ce mouvement d'ensemble, l'amplitude n'est pas la même partout. Des disparités existent, l'indice de fécondité n'étant pas le même entre ménages d'un même quintile mais de pays différents. Graphique 18 : variations de l'ISF en fonction du niveau de vie économique dans les pays subsahariens Source : « Pauvreté et fécondité en Afrique sub-saharienne : une analyse comparative des EDS », page 25 Ce phénomène s'explique par des déterminants tels que le rôle des enfants comme facteurs potentiels de sécurité financière, matériel ou affective chez les plus démunis [cf. CHAP II, A-, I.2.1.1, c)]. En outre, la pauvreté monétaire chez les plus défavorisés s'accompagne généralement de la pauvreté culturelle. En Afrique subsaharienne, ces deux facteurs conjugués influencent négativement la prévalence contraceptive (et resp. l'âge de mariage) qui est moins élevée (et resp. plus précoce) chez les plus démunis, ce qui contribue à maintenir la fécondité à un niveau élevé. Graphique 19 : incidence du niveau de vie sur la prévalence contraceptive et l'âge nuptial Source : « Pauvreté et fécondité en Afrique sub-saharienne : une analyse comparative des EDS », pp. 26, 27 * 30 (Source ONU, http://www.un.org/fr/millenniumgoals/pdf/report2011_goal1.pdf) * 31 (Source : « Analyse de la fécondité en RDC », Banque Africaine de Développement, page 15, 2010) |
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