3.5.4. Perspectives de gestion durable
La problématique de la gestion durable de la FC Dida va
au-delà de la simple question de son apurement. Elle se pose en terme de
savoir quelle stratégie mettre en place pour permettre une gestion
durable de ce potentiel? Même si l'ensemble des acteurs s'est
prononcé en majorité pour une gestion visant une implication de
tous, plusieurs goulots d'étranglements doivent être pris en
compte au regard de la complexité de la question.
En effet, la situation de Dida se présente comme suit:
une forêt aux limites imprécises concédée par des
propriétaires terriens de la commune de Mangodora, qui relève
12 Ces densités ont été obtenues
sur la base des données du RGPH 2006, en divisant la population totale
sur la superficie de la commune
64
administrativement de la commune de Ouo, occupée par
des populations majoritairement venant de la commune de Djigouè et
contiguë au Parc National de la Comoé (PNC) en Côte d'Ivoire,
lui aussi occupé par des populations. Cinq (05) paramètres dont
il faut absolument tenir compte dans une perspective de gestion durable. C'est
en cela qu'une approche systémique du problème est la seule
option viable. De plus, les autorités ivoiriennes ont entrepris le
déguerpissement mani militari des occupants (des
burkinabè pour la plupart) du PNC, qui à la faveur du statu quo
actuel dans la résolution de la question de Dida, pourraient trouver en
cet espace un point de chute.
Quant à la gestion proprement dite, elle ne peut se
faire que dans le respect des règles édictées par la loi
forestière mais dans une perspective d'analyse des avantages
comparatifs. Au Burkina-Faso, trois (03) formes de gestion existent aujourd'hui
pour les aires classées : la gestion en régie par les services
forestiers en concertation avec les populations, la mise en concession au
profit d'opérateurs privés et la mise en concession au profit
d'opérateurs communautaires (associations ou groupements) (MECV, 2004).
Trois (03) scenarii peuvent donc être envisagés avec leurs
avantages et leurs inconvénients.
Scenario 1 : gestion en régie par les services
forestiers en concertation avec les populations.
Ce scenario part déjà avec le désavantage
d'être le mode de gestion actuel de la FC de Dida tant
décrié par l'ensemble des acteurs. Son avantage majeur serait
d'assurer le droit régalien de l'Etat en matière de gestion des
ressources forestières et d'engendrer des recettes pour le trésor
public. Mais la possibilité pour l'Etat d'assurer cette gestion au
regard de ses capacités est loin d'être une évidence. La
surveillance et le contrôle des aires classées du pays
requièrent des moyens humains et logistiques importants en raison de
leur nombre relativement élevé. Le manque de moyens humains,
financiers et matériels constitue un handicap sérieux. Pour
preuves, le SDEDD pour la gestion n'a que six (06) agents, trois (03) motos et
un véhicule hors d'usage, et seulement quatre (04) motos fonctionnels.
Comme moyens financiers, il reçoit du trésor public par trimestre
des bons de carburants d'une valeur de sept mille cinq cents (7500) francs CFA
(pourtant le contrat d'objectif assigné à ce service est de dix
(10) millions de francs CFA par an). En absence de tout financement, la
surveillance, le contrôle de cette forêt sera difficile. Le SDEDD
affirme être en phase d'élaboration d'un projet de près de
deux cents (200) millions francs CFA à soumettre aux bailleurs de fonds.
Il est peu probable que l'Etat puisse disposer de ressources pour financer
65
un tel projet. Le « Projet d'ouverture de la limite
péricentrale de la Forêt Classée de Dida située dans
la province de la Comoé » d'un montant de six millions deux cent
six mille quatre cent cinquante (6 206 450) francs CFA de 2011, celui de l'
« apurement de la FC de Dida » d'un montant de cinquante trois
millions huit cent dix neuf mille six cent quatre vingt douze (53 819 692)
francs CFA élaboré en 2013 n'ont encore pas reçu
d'écho favorable. Le contexte international est aussi peu favorable aux
financements accordés aux institutions étatiques. C'est dire
qu'une gestion par les services forestiers, quelque soient les garantis
d'implication des communautés locales manquera de capacités de
mobilisation des ressources financières pour une gestion de la FC de
Dida.
Scenario 2 : mise en concession au profit
d'opérateurs privés.
Les concessions privées abondent au Burkina-Faso. Elles
sont, au sens du Décret 97-054/PRES/PM/MEF, des périmètres
sylvicoles aménagés faisant l'objet d'un titre de
propriété ou de jouissance au nom d'une personne physique ou
morale de droits privé (MEDD, 2011). Elles ont vu le jour à la
faveur de la politique de concession d'un certain nombre d'aires
protégées aux acteurs du secteur privé et des
Organisations de la Société Civile (OSC) en 1997. En effet,
l'article 33 du code forestier stipule que « les personnes physiques
ou morales de droit privé sont propriétaires des forêts
qu'elles ont légalement acquises ou qu'elles ont légalement
plantées. Les personnes physiques ou morales de droit privé ne
peuvent être propriétaires des forêts que moyennant la
détention d'un titre régulier de jouissance sur le sol
». L'ensemble de ces concessions privées sont
d'intérêt cynégétique. On peut citer entre autres
les concessions de chasse de Pama (275 474 ha), de Pangou-Tandougou (35 000
ha), de Singou (177 394 ha), de Konkoumbouri (65 000 ha), de Kondio (51 000
ha), etc. (voire carte en annexe 3). Dans ces concessions, se pratiquent la
chasse et le tourisme de vision. Les espèces fauniques présentes
sont les éléphants (Loxodonta africana), les
hippotragues (Hippotragus equinus), les bubales (Alcelaphus
buselaphus major), les cobs rudunca, les cobs défassa (Kobus
ellipsiprymnus defassa), les céphalophes (Cephalophus
rufilatus), les ourébis (Ourebia ourebi),
les phacochères (Phacochoerus africanus) et les singes
(UICN-PAPACO, 2012). Par conséquent, pour qu'un privé puisse
s'intéresser à la FC de Dida, il faudrait prouver sa
rentabilité, notamment sa richesse faunique. Or, dans le cas
présent, aucune véritable étude n'a été
menée dans ce sens. De plus, à l'état actuel
d'anthropisation de cette forêt, et au regard des entretiens
réalisés sur le terrain, tous les grands mammifères
susceptibles d'intéresser le secteur privé ont totalement
disparu. La reconstitution de cette
66
biodiversité faunique nécessitera des
années, avec un investissement colossal. La probabilité à
l'heure actuelle que le secteur privé s'intéresse à la FC
de Dida est très mince.
Scenario 3 : mise en concession au profit
d'opérateurs communautaires
Le troisième scenario possible dans le cas de la FC de
Dida est sa mise en concession au profit d'operateurs communautaires. C'est
l'option souhaitée par la grande majorité des populations
riveraines de la FC. Avec la loi n°055/2004/AN du 21 décembre 2004
portant Code Général des Collectivités Territoriales
(CGCT), le processus de décentralisation au Burkina-Faso est en marche.
Cette option pourrait être envisageable dans le cas de la FC de Dida. En
effet, pour le Secrétaire Exécutif de l'AGEREF/CL, « ce
sont les communautés qui ont plus à gagner dans la conservation
des ressources naturelles ». Par conséquent, plus elles seront
intégrées dans la gestion des ressources, mieux elles pourront
adhérer au processus. Aussi, cette option a l'avantage d'avoir l'onction
d'éventuels bailleurs de fonds capable d'accompagner ces populations sur
cette voie. La proximité d'expériences comme celles des
Associations Inter villageoise de Gestion des Ressources Naturelles et de la
faune de la Comoé Léraba (AGEREF/CL) et de Boulon/Koflandé
(AGEREF/BK) peuvent être utiles.
En effet, la Forêt Classée et Réserve
Partielle de Faune de la Comoé Léraba (FCRPF/CL), pour ne parler
que de celle-là, d'une superficie de cent vingt cinq mille (125 000)
hectares est, au Burkina-Faso, la première expérience de
forêt concédée à une association inter villageoise
par contrat de concession de gestion n°2001-01/737/MEE/SG/DGEF du 25
octobre 2001. Grâce à l'appui financier de partenaires nationaux
et internationaux, l'AGEREF/CL reste de nos jours un modèle en
matière de gestion communautaire des ressources naturelles. Cependant,
ce modèle de gestion communautaire a pour faiblesse majeure la
capacité technique des structures villageoises à assurer cette
gestion. De plus, en tant qu'entités composites, il y'a bien à
craindre que les acteurs en présence aient des intérêts
divergents qui pourraient dangereusement compromettre ce mode de gestion.
Quelque soit le scenario adopté pour une gestion
durable de la FC de Dida, il se doit de tenir compte de la situation
frontalière de cette forêt. Des concertations doivent être
entreprises avec la partie ivoirienne pour une synergie d'action. Mais de toute
évidence, de tous les scenarii proposés, la gestion communautaire
apparait comme la mieux adaptée aujourd'hui à la FC de Dida,
à condition que le renforcement des capacités des acteurs locaux
constitue un principe de base.
67
|