B) Rapport pécuniaire
? Absence de régime matrimonial
Qui dit matrimonial, dit mariage, ce qui écarte
l'existence d'un régime matrimonial s'il n'y a pas de mariage. Cette
absence est d'abord constatable sur le terrain du régime matrimonial
primaire, tout particulièrement au sujet des charges du ménage.
Les concubins ne sont aucunement tenus de contribuer à ces charges dans
des conditions semblables à celles que prévoit l'art 475 CFam, au
sujet des couples mariés. Pas d'avantage ne saurait-on admettre ici
l'existence d'une solidarité pour les dettes du ménage de
fait.
Faute de régime matrimonial, les concubins sont
évidemment exposés à des grands risques lorsque prend fin
l'union libre spécialement quant au partage des biens de leur vie
commune. De surcroit, les actes juridiques qu'ils peuvent être
amenés à conclure l'un avec l'autre au cours de leur vie commune
ne sont pas à l'abri de divers dangers
Le sort des libéralités entre concubins est
à cet égard très révélateur.
Interprétant l'art 900 du code civil français, de telle
manière qu'il lui soit possible d'apprécier la validité
des libéralités, l'auteur de celles-ci pouvant être
inspiré par des considérations assez diverses.
Voilà pourquoi la jurisprudence a
déclarée valables les libéralités entre concubins
lorsque la cause de l'acte est inspirée par le désir de ne pas
laisser après une rupture, la concubine seule et sans ressource. Il en
va de même lorsque la libéralité a pour cause la gratitude
inspirée par les soins prodigués pendant la maladie du disposant
ou par l'aide apportée dans une activité professionnelle. Le fait
qu'il y ait adultère et que les deux concubins, ou l'un d'eux, soient
engagés dans les liens d'un mariage antérieur non dissous n'a pas
été considéré en soi, comme faisant obstacle
à la libéralité.
Ainsi encore a-t-il été décidé
qu'il n'y avait pas de cause immorale dans le cas d'une
libéralité faite par un homme à sa maitresse
pour « la satisfaction d'un devoir de conscience »
et à titre de « reconnaissance pour les soins et
l'affection prodigués dans des circonstances difficiles ».
A l'inverse, la jurisprudence a annulée les
libéralités entre concubins lorsque leurs causes a
été la formation, la poursuite ou la reprise des rapports
illégitimes, lorsque l'avantage consenti est le prix de l'inconduite. La
nullité peut d'ailleurs porter, non seulement sur les
libéralités faites aux conjoints, mais aussi sur celles
adressées aux enfants de la concubine, voir à son conjoint
complaisant. Les règles relatives à la preuve sont de nature
à favoriser la situation du bénéficiaire de la
libéralité. L'art 1132 du CCFr dispose en effet que « la
convention n'est pas moins valable, quoi que la cause n'en soit pas
exprimée ». C'est donc à celui qui prétend que
la cause d'une libéralité entre concubins est illicite ou
immorale, qu'il appartient d'en rapporter la preuve. Et il en est ainsi alors
même que le demandeur soutient que la libéralité entre
concubins est déguisée, de fait, si les donations
déguisées entre époux sont nulles (art 1099 al 2CCFr), il
en va autrement des libéralités entre concubins, entant que
telles.
La solution n'est différente que si le motif
déterminant de la simulation a été immoral.
Il est certain que la date de la libéralité
n'est pas négligeable, spécialement sur le terrain de la
preuve : contemporaine de l'établissement des relations des
concubinages, la libéralité est suspecte, il en va autrement
lorsqu'il s'agit d'un acte lié à la rupture d'un concubinage
durable par la mort du disposant.
La moitié du concubinage n'a donc pas jusqu'à
présent remis en cause la distinction jurisprudentielle et conduit
à faire admettre sans exceptions la validité de toutes les
libéralités entre concubin. A cette fragilité, il faut
ajouter que l'absence de qualité d'époux est de nature à
placer les concubins dans une situation très défavorable sur le
terrain de la réserve héréditaire, si le disposant a des
héritiers réservataires, ainsi que sur le terrain fiscal puis
qu'il est considéré comme un étranger quant au montant des
droits d'enregistrement « 60% » frappant les
dispositions entre vifs ou testaments.
Les menaces qui pèsent sur les actes passés
entre concubins ne sont pas exclues lorsqu'il s'agit d'actes à titre
onéreux. Certes, il ya lieu d'observer qu'en principe ces contrats
considérés comme passés entre des étrangers sont
valables. A l'époque où étaient interdits certains
contrats entre époux (société, vente...), la situation des
concubins était même préférable.
Néanmoins, la jurisprudence a admis l'extension de la
théorie de la cause immorale à des actes à titre
onéreux passé entre concubin, par exemple, en annulant un contrat
de travail comportant des clauses inhabituelles révélant
l'existence d'avantages destinés à favoriser le maintiennent de
relations adultères.
? Substitut de régime matrimonial
Dans la vie du couple non marié,
l'absence de régime matrimonial est source de nombreux
inconvénients, notamment parce que pendant la durée de leur
union, ils ont pu acquérir des biens ensemble et en devenir
copropriétaire. Lorsque leur union prend fin, notamment par
décès, le sort de l'indivision est précaire, alors que,
par le biais du régime matrimonial, des solutions
éprouvées sont propres à satisfaire correctement les
besoins des divers intéressés.
On observe alors le paradoxe de l'union libre, pour diverses
raisons, y compris des considérations bureaucratiques, on se rend compte
que le mariage peut avoir du bon, de sorte que ceux, qui pour maintes raisons
veulent vivres ensemble mais hors mariage, ne puissent quand même pas
trop loin leur attitude, qui est moins contestataire qu'autre fois. Et tout
naturellement, ils cherchent à bénéficier des avantages du
mariage sans en subir les inconvénients. Le mouvement s'est
accentué en droit fiscal ou en droit social.
En l'absence de régime matrimonial, les concubins
s'emploient à dégager des solutions fragmentaires de
substitution. L'une d'elle consiste à prévoir, lors de
l'acquisition d'un bien, que le premier mourant sera réputé
n'avoir jamais eu droit à la propriété de ce bien, lequel
appartiendrait en totalité au survivant, unique propriétaire
comme s'il l'avait toujours possédé, utilisé par des
époux, ce procédé de la clause d'accroissement a
été jugé valable par la cour de la cassation et comme
n'étant pas contraire à la prohibition des pactes sur succession
future. Employé par des concubins, il est commode. Encore faut-il qu'il
y ait un véritable aléa, en l'absence duquel l'acte serait
requalifié libéralité avec toutes les conséquences
qui en résultent.
A supposer l'acte valable, on ne peut non plus exclure un
désaccord entre les concubins aboutissant à bloquer la situation
jusqu'au décès de l'un d'eux. Il est vrai que le recours à
la justice peut alors permettre de débloquer la situation. A l'appui
d'une attitude permissive, on s'est aussi engagé dans une voie offrant
aux concubins la possibilité de conclure, même devant notaire, des
conventions de concubinage, ce qui constituerait l'ébauche d'un droit du
régime matrimonial des concubins.
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