Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie( Télécharger le fichier original )par Tomasi TAUTU'U Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012 |
B. « Les envoyés de Dieu » : La stratégie missionnaire évangéliqueL'évangélisation protestante débute dans le Pacifique dès 1797, avec la Société Missionnaire de Londres (LMS). Cette dernière, pour des raisons d'efficacité, prône une stratégie qui a déjà fait ses preuves dans d'autres continents. Ainsi, la Polynésie occidentale et orientale dès le début du XIXème siècle a contribué à former suffisamment d'indigènes qui avaient la charge de « porter la bonne parole » dans les contrées mélanésiennes les plus reculées, et les plus réticentes. A l'instar des traders anglais, les pasteurs utilisaient les indigènes polynésiens pour ouvrir la voie, et éviter d'autres martyrs Blancs tels le Révérend John Williams qui sera tué dans l'île d'Erromango le 19 novembre 1839 après avoir quitté l'île de Tanna. Trois autres teachers samoans ont été sacrifiés avec lui. La LMS envoie dès 1840, dans les archipels du Vanuatu actuel et de Nouvelle Calédonie, plusieurs dizaines catéchistes polynésiens (de Rarotonga, Samoa ou de Tonga)250(*). Ces hommes fraîchement évangélisés, pas toujours formés convenablement, vont tant bien que mal, s'infiltrer au sein des populations autochtones. Les réseaux « pré-polynésiens » dont nous avons évoqué l'existence, auront servi cette fois-ci de réseaux de propagation de la foi dans ces régions251(*). Ces mêmes réseaux serviront à atteindre les tribus les plus reculées notamment dans la chaîne centrale de la Grande-Ile calédonienne. La gestion cléricale commune aux deux territoires par les missionnaires de la Société de Marie, a favorisé de manière sporadique quelques échanges. Mais ces contacts entre indigènes de l'Est et indigènes de l'Ouest vont se concrétiser non plus à la manière traditionnelle mais seront organisés et planifiés. Souvenons-nous de L'arche d'Alliance, navire commandé par Auguste Marceau, un officier militaire, fait escale à Wallis en fin 1846. Son gouvernail se détache, le jeune Wallisien Salomone UHINIMA252(*) le découvre, et il obtient le passage sur le navire en récompense. C'est ainsi qu'il visite le Pacifique, le 21 janvier 1847, il découvre alors Pouébo. Au cours d'une escale en mai 1848, à Ouvéa, île Loyauté : « Grâce à la connaissance des mentalités indigènes et à quelques mots qu'il (en parlant de Salomone) avait surpris, éventa un piège des naturels et sauva la vie de tout l'équipage253(*). » Après les défaites missionnaires de Balade Pouébo, les responsables religieux incarnés par le père Rougeyron à ce moment là, décident de former des catéchistes indigènes kanak dans l'optique d'évangéliser de l'intérieur, les populations. Ainsi, dès mars1850 sur l'Elisabeth, 36 convives partent pour Futuna dont 23 catéchumènes de la mission de Yaté amené par le chef Michel, ainsi que 5 Wallisiens venus de Sydney que le père Rocher a embarqué avec lui, arrivent le dimanche 29 avril et sont accueillis chaleureusement par la population, formant selon Georges DELBOS une même famille. 254(*) Quelques mois plus tard, la réduction de Futuna est renforcée par 43 nouvelles personnes originaires de Pouébo arrivées le 08 septembre, dont le chef Hyppolite Bonou, Saléné son frère, avec Amabili et Manuel, ainsi que Gomène, Undo et Ouabat, ceux qui avaient tué le frère Blaise et qui se sont repentit .Ainsi le groupe constituait soixante six convertis, et le séjour durera plus de deux ans dans l'île où Saint Pierre Chanel fût le premier martyr catholique de L'Océanie. Il paraît qu'au terme de ce séjour spirituel et pédagogique, certains d'entre eux sont restés à Futuna pour y fonder une famille. Il serait bien entendu intéressant de savoir de quelles familles il s'agit ? On peut aussi faire allusion à ce Wallisien qui accompagna le Père BERNARD en 1858 pour installer une mission dans l'île d'Ouvéa. Ce Wallisien aurait servi d'intermédiaire entre le père et les populations locales, ce qui facilitait bien sûr les relations, bien qu'à ce moment là les guerres sévissaient la région. Ainsi la gestion vicariale englobait en 1836 toute l'Océanie Occidentale, la Polynésie occidentale et la Mélanésie comprise255(*). Cette vaste délimitation favorisa encore des déplacements inter îliens d'Océaniens dans le cadre évangélique. * 250 Mai 1840 le Révérend Thomas Health et ses compagnons par le Camden, lâche deux catéchistes Samoans à l'île Des Pins qui seront accueillis par le chef TOUAOUROU descendant de la lignée Xétiwan de la sixième génération. * 251 & témoignage de Taunga catéchiste originaire de Rarotonga qui a laissé un témoignage écrit. * 252 Angleviel opt.cité p 395-396 : Le commandant Marceau de l'arche d'alliance l'emmène en Europe et avec l'appuie du Mgr Enos afin qu'il poursuive une formation de prête. La correspondance des missionnaires de l'époque nous apprend que Salomone réside en France quatre ans sans avoir pu finaliser sa formation de prêtre * 253 Lettre du père PADEL, à V.MARZIOU, Apia, 28 août 1847, O.P.M de Lyon, publié par le bulletin de la Société des Océanistes, N°1, p 166. * 254 DELBOS, Georges, L'église catholique en Nouvelle Calédonie, Mémoires chrétienne. Edition Desclée-1993.p85-86. * 255 Georges DELBOS (1993) p 24. |
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