VI- PROBLEMATIQUE ET/OU OBJECTIF DE LA RECHERCHE
Plusieurs réflexions menées sur le
processus de développement régional de l'Afrique centrale ont
fait le constat de l'échec des politiques publiques mises en oeuvre
jusqu'ici. Pour Béatrice HIBOU, l`histoire de l'UDEAC est celle de 30
ans d`échecs :
28 René Dumont,
Marie-France Mottin : « L'Afrique étranglée »
éd. Du Seuil, 1980 et 1982, pp32-35.
29 La plus part des articles
et ouvrages sur la gouvernance ne sont pas très récents et donc
ne ressortent pas les avancées du concept, (auteur)
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- échec de l'harmonisation des investissements
et de la répartition des coproductions,
- échec de la mise en oeuvre d'un
véritable tarif extérieur commun et d`une politique commerciale
et fiscale commune,
- échec de l'accroissement des échanges
communautaires etc.30
De même, les institutions financières
internationales telles que la Banque mondiale pensent que « le retard de
développement » de l'Afrique est dû à la mauvaise
gouvernance31.
Dans cette perspective, la question principale que
nous voulons dégager est celle de savoir si, la gouvernance
multi-niveaux élaborée dans le cadre du Projet de facilitation du
transport et du transit en zone CEMAC favorise l'intégration et/ou le
développement de la sous-région ? En d'autres termes, les
interactions public-privé mettant en scène des acteurs au niveau
international, sous régional et national permettront-elles de faire
aboutir l'expansion économique des pays de la zone CEMAC ? Si non
qu'elles sont les mesures correctives envisageables?
VII- HYPOTHESE DE RECHERCHE
Notre hypothèse de recherche consiste à
démontrer que la gouvernance multi-niveaux en construction dans le cadre
du Projet de facilitation du transport et du transit en zone CEMAC contribue
positivement au processus d'intégration et/ ou de développement
de l'Afrique centrale.
Aucune oeuvre humaine n'étant parfaite, les
insuffisances qu'on pourrait relever au cours de l'étude aussi bien dans
l'émergence du projet que sa mise en oeuvre feront l'objet des
suggestions en dernière analyse de ce travail.
VIII- CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
En partant du paradigme selon lequel une
théorie est un ensemble d'idée générale sur un
sujet donné, il est important d'un point de vue
épistémologique de cette analyse d'opérer un distinguo
entre deux types d'approches en théorie. Il s'agit entre autre de
l'approche
30 Beatrice HIBOU,
thèse de doctorat : « Contradictions de l'intégration
régionale en Afrique centrale » 2010, pp 66
31 Rapport de la Banque
mondiale sur l'Afrique publié en 1989 encore appelé rapport Berg,
lequel prône la bonne gouvernance comme condition nécessaire pour
le développement de l'Afrique.
18
19
explicative ou causale, qui vise à
découvrir les causes extérieures, et l'approche
compréhensive ou interprétative, selon laquelle l'on ne peut pas
connaitre les vrais raisons qui poussent quelqu'un à agir, on ne peut
que les interpréter ou les comprendre.
Dans la présente étude le cadre
théorique de la gouvernance, mieux encore de la gouvernance
multi-niveaux va se faire sous une approche explicative mettant en exergue les
causes des actions des différents acteurs pour lesquels nous cherchons
une meilleur compréhension du jeu et des enjeux en
présence.
En effet, le terme gouvernance apparait dans le
lexique de la politique internationale vers la fin des années 1980.Cette
période correspond en Afrique centrale a une époque où les
Programmes d'ajustements structurels (PAS), sont expérimentés
notamment au Cameroun, au Gabon bref dans la majeur partie des pays dits sous
développés et endettés.
Le terme gouvernance a également
été utilisé dans le domaine de la sociologie par
Selznick32 . Il retient l'attention de la Banque mondiale toujours
dans les années 1980 qui va en faire une conditionnalité d'aide
aux Pays pauvres et très endettés (PPTE). La BM qui avait
déjà adjoint l'adjectif « bonne » à gouvernance
dans les années 1980, va à partir de 1995 sous la
présidence de James Wolfensohn33
élargir à nouveau son interprétation de la bonne
gouvernance pour inclure dans ses programmes de développement : la lutte
contre la corruption et une délégation accrue de
compétences aux ONG.
En 1992, James Rosenau et Ernst-Otto font paraitre un
ouvrage intitulé : « Governance without Governance » ;
celui-ci va constituer une première tentative de conceptualisation de la
gouvernance, voire de la gouvernance multi-niveaux dans lequel les auteurs
affirment que : « les gouvernements n'ont pas le monopole des
activités traversant les frontières, qu'il existe d'autres
institutions et acteurs contribuant au maintien de l'ordre international et
participant à la régulation économique et sociale
». Ils soulignent également que : « les
mécanismes de contrôle des affaires publiques impliquent au niveau
local, national, régional et international
32 Selznick : «
Law, Society and Industrial Justice » 1969, (le terme renvoyait aux
procédures légales confinées au domaine public, et pouvait
être étendu au secteur privé concernant le droit du travail
dans le but de protéger les employés)
33 James Wolfensohn,
né à Sydney (Australie) le 1er décembre 1933, fut le
9ème président de la Banque mondiale ; En 1996, il a lancé
avec la collaboration du Fonds monétaire international, le premier
programme visant à alléger la dette des pays les plus pauvres du
monde, l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés
(PPTE), afin que ceux-ci puissent mieux répondre à leurs besoins.
Puis, en 1999, les résultats de cette première initiative ont
abouti à la décision officielle de doubler le montant de cet
allègement lors des assemblées annuelles du FMI et de la Banque
mondiale, et permis davantage de pays d'en
bénéficier.
un ensemble complexe de structures
bureaucratiques, de pouvoirs politiques plus ou moins
hiérarchisés (...) ».
Cette vision sera perceptible en Afrique dans les
années 1990, grâce aux enseignements tirés de
l'échec des Programmes d'ajustements structurels des années 1980,
conjuguées aux innovations dans le domaine des théories
économiques, institutionnelles, politiques et sociales qui ont
débouché sur une nouvelle perspective caractérisée
par une compréhension plus large et plus intégrée du
développement. L'avènement de la bonne gouvernance en Afrique
dans les années 1992, dont le cadre d'analyse a pris en compte
l'interdisciplinarité et la spécificité de chaque pays
dans la conduite des politiques publiques en matière de
développement a marquée une évolution.
Aujourd'hui, les pays de la zone CEMAC semblent
s'inscrire avec le PFTT dans la dynamique de la gouvernance multi-niveaux
à l'instar de l'Europe où le concept de « gouvernance
à multiples niveaux » (multi-level governance), permet la mise en
oeuvre des décisions communautaires à travers un jeu de
transaction complexe entre les autorités de Bruxelles, les Etats, les
différents niveaux de pouvoirs locaux et
régionaux34.
La gouvernance multi-niveaux possède quatre
propriétés : elle n'est pas un système de règle
ni une activité, mais un processus ; elle n'est pas formalisée
mais repose sur des interactions continues, elle n'est pas fondée sur la
domination mais sur l'accommodement ; elle implique à la fois des
acteurs publics et des acteurs privés35.
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