B - LES CONSEQUENCES ET LES PERSPECTIVES
Compte tenu de la situation de dépendance
à l'emprunt externe qui pèse sur les Etats de la CEMAC, on est
enclin à remettre en cause tout au moins pour ce qui concerne la Banque
mondiale avec le PFTT, l'idée selon laquelle dans la gouvernance
multi-niveaux il n'y a point de rapport de domination tel que l'avait
exprimée Marie-Claude Smouts, Dario Batistella, Pascal
Vennesson55. Cette remise en cause qui n'est pas la négation
du principe énoncé d'une absence de domination, mais sa remise en
cause en pratique pour relever simplement que l'exemple que nous offre la mise
en oeuvre du PFTT avec la Banque mondiale a l'initiative de
l'élaboration des procédures applicables ; l'octroi des moyens
nécessaires pour le financement ; le suivi de l'exécution des
directives en vigueur, cache mal une inégalité dans les rapports
entre cette institution et les pays bénéficières. Toute
chose qui ne rentre pas dans la vision de la gouvernance multi-niveaux et donne
raison à Marie Claude dans : « Du bon usage de la gouvernance
» lorsqu'elle soutient que, le concept de gouvernance est lié
à ce que les grands organismes de financement en on fait ; un outil
idéologique pour une politique de l'Etat au minimum.
L'incapacité des gouvernements de la sous
région à initier et financer les projets sans tendre la main
à l'aide ou l'emprunt extérieur perpétue l'idée
selon laquelle les Africains sont les éternels
assistés.
De même, la dette des Pays Africains est devenue
un véritable caillou dans la chaussure qui gène la marche vers
l'émergence. En 2002, la dette extérieure de l'Afrique
subsaharienne s'élevait à 204 milliards de dollars ; elle a donc
été multipliée par 3,4 depuis 1980. Toujours en 2002,
l'Afrique subsaharienne s'est saignée aux quatre veines pour rembourser
la somme de 13,4 milliards de dollars au titre du service de la dette (capital
+ intérêts). Si on considère la période entre 1980
et 2002, c'est plus de 250 milliards de dollars qui ont été
remboursés, soit quatre fois la dette de 1980. Ainsi, pour 1 dollar
dû en 1980, l'Afrique en a remboursé quatre mais elle en doit
encore quatre. Entre 1998 et 2002, les pouvoirs publics d'Afrique subsaharienne
ont reçu en prêts 34.826 millions de dollars tandis
55 Marie-Claude Smouts, Dario
Batistella, Pascal Vennesson « Dictionnaire des relations internationales
», Paris Dalloz, 2è éd, 2003, p251.
44
qu'ils ont remboursé 49.273 millions de
dollars. Bref, ils ont transféré en faveur des créanciers
du Nord, plus de 15.000 millions de dollars (transfert net négatif sur
la dette publique).Chaque année, l'Afrique subsaharienne paie au titre
du service de la dette plus que l'addition des budgets de santé et
d'éducation de toute la région.56
Des inquiétudes profondes persistent quant
à la volonté et la capacité des dirigeants Africains
à laisser aux générations futures des Etats
économiquement émergents, socialement en paix et politiquement
gouvernables.
Si l'on considère l'analyse faite par Eric
TOUSSAINT, pour rembourser sa dette extérieure entièrement
libellée en devises fortes, l'Afrique subsaharienne doit utiliser une
partie considérable de ses revenus d'exportation. Aussi le rapport entre
le montant de la dette et les recettes annuelles d'exportation constitue-t-il
un indicateur pertinent de la gravité de la situation. La dette
représentait en 2000, environ 250% des revenus d'exportation du
sous-continent (Afrique du Sud mise à part).
Tableau 2. : Quelques pays dont la dette
représentait plus de 300% des revenus d'exportation en 1999 (World Bank
DGF 2001).
Cameroun
|
418 %
|
République Centrafricaine
|
592 %
|
TCHAD
|
362 %
|
Ethiopie
|
588 %
|
Guinée
|
428 %
|
Guinée Bissau
|
1 604 %
|
Mali
|
430 %
|
Eu égard à ce qui précède,
il y a urgence de penser le développement de l'Afrique autrement. Il est
déterminant d'aller vers une vision du développement local qui
privilégie le choix des solutions propres avec des ressources locales.
C'est véritablement dans une approche interculturelle de
l'écodéveloppement que l'Afrique centrale doit se s'orienter pour
non pas rattraper l'écart de croissance qui le sépare des pays
dits développés, mais bâtir sa vision de
croissance.
56 Eric TOUSSAINT : «
Endettement de l'Afrique subsaharienne au début du XXIe siècle.
L'Afrique : créancière ou débitrice ? »
45
En effet, vouloir penser l'intégration de
l'Afrique au moyen des politiques publiques régionales demeure une
heureuse initiative. Mais pour qu'elle soit efficace c'est- à-dire pour
qu'elle réponde aux besoins des populations il est nécessaire
qu'elle puise sa source dans les piliers fondamentaux du développement
tel que perçu de l'Afrique : la solidarité sociale,
l'efficacité économique, la responsabilité
écologique, la responsabilité interculturelle. Ces
éléments qui caractérisent le développement durable
doivent au niveau de l'Afrique ouvrir la voie à
l'écodéveloppement. Dans ce sens (Ignacy Sachs, 1980),
conçoit l'écodéveloppement comme « un
développement des populations par elles mêmes, utilisant au mieux
les ressources naturelles, s'adaptant à un environnement qu'elles
transforment sans le détruire ».
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