
INTRODUCTION GENERALE

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I- CONTEXTE GENERAL DU SUJET
L'évocation de l'intégration de la
sous-régionale Afrique centrale fait à chaque fois allusion aux
coûts du transport élevés, aux tracasseries
policières, aux lenteurs dans le dédouanement et aux longs
délais de livraison des marchandises1. On observe que de
nombreux secteurs souffrent d'un déficit de volontarisme
intégrateur : les politiques en matière d'agriculture,
d'industrie, de l'énergie et des ressources naturelles manquent de
cohésion régionale malgré l'adoption en 2010 du Programme
économique régionale (PER) 2 par les chefs d'Etat de
la CEMAC.
En effet, l'attachement aux limites territoriales de
certains leaders d'opinion, l'absence de volonté politique chez
d'autres, les velléités hégémoniques dans quelques
Etats, l'inobservation des us et coutumes en matière
diplomatique3, sont autant de contradictions qui font admettre avec
Chtourou que : « La pensée économique porte lourdement
l'impact du raisonnement dichotomique en termes d'oppositions»
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Selon les statuts du traité signé le 16
mars 1994 à N'Djamena entre le Cameroun, le Tchad, la RCA, le Gabon, le
Congo et la Guinée Equatoriale créant la Communauté
économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC),
entré en vigueur le 25 juin 1999 à Malabo en Guinée
Equatoriale en son article1, la mission essentielle de la Communauté est
de promouvoir un développement harmonieux des Etats membres dans le
cadre de l'institution de deux Unions : une Union économique et une
Union monétaire. Dans chacun de ces deux
1Cameroon Tribune :
N° 10124/6325 du jeudi 28 juin 2012, p11 : « Corridor
Douala-Ndjamena-Bangui ; on veut améliorer le transit ».
NDOUYOU-MOULIOM (Auteur).
2 Le PER avait
été adopté par les six chefs d'Etat de l'Afrique Centrale
au cours du 10ème Sommet de la CEMAC tenu en janvier 2010 à
Bangui. L'ambition poursuivie par cet outil était de renforcer le
processus d'intégration et de faire de la CEMAC une zone
économique émergente à l'horizon 2025. Le PER repose sur
cinq piliers de croissance, à savoir : l'énergie,
l'agro-industrie, l'économie forestière, l'élevage et la
pêche, les mines et la métallurgie. Lire : « Le Financier
d'Afrique », N°281 du 21 août 2012, p 6.
CEMAC : « Programme économique
régionale 2009-2015 », Volume1, rapport d'étape, janvier
2009
3 Des citoyens de la zone
CEMAC ressortissants du Cameroun sont régulièrement
chassés du territoire des pays voisins tels la Guinée
Equatoriale, le Gabon au mépris de l'appartenance à une
même communauté économique. Tout récemment encore le
21 mars 2012 le Président de la commission de la CEMAC le Camerounais
NTSIMI Antoine a été déclaré persona non grata en
RCA pourtant siège de la CEMAC.
4 CHTOUROU N : «
Essai d'Analyse Economique de l'Etat dans la problématique du
Développement », Thèse de Doctorat, Université de
Nice-Sophia Antipolis, Décembre 1993.

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domaines, les Etats membres entendent passer d'une
situation de coopération, qui existe déjà entre eux,
à une situation susceptible de parachever le processus
d'intégration économique et
monétaire5.
Au regard du niveau de réalisation de ces
missions et exception faite de l'intégration financière, il est
difficile de dire que cette organisation sous régionale,
émanation de la volonté créatrice des Etats membres se
rapproche de ses objectifs douze ans après sa
création.
Pourtant, dans le contexte de mondialisation qui
caractérise ce 21ème siècle courant, l'intégration
régionale des Pays en voie de développement (PVD), apparait
être « l'unique unité de survie »6. Dit
autrement, il n'est plus possible de penser le développement dans les
seules limites territoriales de l'Etat.
Dans le même ordre d'idées, et reprenant
la célèbre formule de Daniel Bell (1976), « l'Etat
était devenu trop grand pour les petits problèmes et trop petit
pour les grands », les gouvernements de la zone CEMAC affichent une
certaine incapacité à apporter les solutions aux besoins des
populations. Pour faire face à cette léthargie institutionnelle,
de nouveaux acteurs voient le jour dans la gestion des affaires publiques,
donnant lieu à un type nouveau de gouvernance.
La gouvernance-multi-niveaux puisqu'il s'agit d'elle,
a été mise en oeuvre dans un espace d'intégration comme
celui de l'Europe et semble en construction dans le cadre du Projet de
facilitation du transport et du transit en zone CEMAC (PFTT).
La gouvernance multi-niveaux dans le monde en
général, et dans la zone CEMAC en particulier, traduit les
mutations contemporaines des Etats. Elle serait liée à
l'idée selon laquelle, les Etats n'ont plus le monopole de la conduite
des affaires publiques et qu'il existe d'autres acteurs, d'autres instances qui
contribuent à la réalisation des activités à
l'échelle locale, régionale et mondiale.
Dans un article publié en 2009, Vincent
Dubois7 affirme qu'au gouvernement de la société
piloté par les Etats, va succéder une gouvernance à
laquelle participeront de manière variable, un ensemble d'acteur public
et privé situé tant au niveau local et supranational que
national.
5 Site web de la CEMAC
consulté en mars 2012.
6 Bertrand Badie et Marie
Claude Smouts, « Le retournement du monde », Paris, éd.
Presse de science Po-Dalloz, 1999.
7 Vincent Dubois «
L'action publique » 2009, p 1.

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Eu égard à ce qui précède,
nous pouvons comprendre l'intervention de la Banque mondiale dans le
renforcement de l'intégration régionale, par l'octroi des dons et
des crédits en vue du développement économique des sous-
régions.
En guise d'illustration on peut
évoquer:
- le projet pilote dans trois pays d'Amérique
centrale et du Sud destiné à enrayer la dégradation des
forêts et des milieux nationaux, où l'objectif était
d'évaluer l'effet de mesures incitant les éleveurs à
adopter des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement comme la
plantation d'arbres et de graminées à croissance
rapide.
- L'Europe du Sud -Est avec l'aide à huit pays
pour bâtir des infrastructures et améliorer les systèmes
d'informations et le régime des douanes, afin de réduire le
coût des échanges et du transport non lié aux droits de
douane et de diminuer la corruption aux postes frontière. L'objectif de
cette opération étant de favoriser l'intégration
économique de ces pays.
- L'Afrique australe où la Banque mondiale a
apporté son appui à la modernisation d'une centrale
hydroélectrique et à la construction des lignes de transport
d'électricité dans le cadre de la création d'un
marché régional de l'électricité dans la
sous-région.8
Si ces exemples d'initiatives régionales
démontrent suffisamment l'implication de la Banque mondiale en
matière de projet intégrateur, ceux-ci motivent davantage
l'Afrique centrale à s'y engager avec le Projet de facilitation du
transport et du transit en zone CEMAC.
Vue de manière globale, le PFTT s'inscrit dans
le cadre de la poursuite des Objectifs du millénaire pour le
développement (ODM), et de la mise en oeuvre des engagements pris
à la conférence d'Almaty au Kazakhstan en faveur des pays sans
littoral marin9.
8 Rapport de l'Independent
Evaluation Group, sur l'évaluation de l'appui de la Banque aux
programmes de
Développement Régionaux (2007)
9 Cheick Sidi Diarra
(Secrétaire général adjoint et Haut Représentant
UN-OHRLLS) et Anders B. Johnson (Secrétaire général Union
interparlementaire) in : « Mobilisation des parlements en faveur du
Programme d'action de Bruxelles pour les pays les moins Avancés
»
(...) La Déclaration et le Programme
d'action : partenariats conçus pour répondre aux besoins
spéciaux des pays en développement sans littoral, qui ont
été adoptés à la Conférence
ministérielle des Nations Unies de 2003 à Almaty, Kazakhstan,
traduisent le ferme engagement pris par la communauté internationale de
répondre aux besoins et problèmes spéciaux des pays en
développement sans littoral comme le préconisait la
Déclaration du Millénaire des Nations Unies.
Singulièrement, le PFTT vise à faire
aboutir le processus d'intégration de la zone CEMAC, en mettant en place
les facilités nécessaires à la création d'un
marché intracommunautaire et son ouverture au marché
extracommunautaire. Autrement dit, l'objectif du projet est entre autre
d'améliorer le niveau des services sur les corridors et de lever les
entraves à la circulation des biens, de réduire les coûts
générés du transport dans les pays de
l'hinterland.
Les six chefs d'Etats de la zone CEMAC ont alors
adopté ce programme, par décision10 au cours d'une
séance du 10 mars 2006 à Bata en Guinée Equatoriale.
Prévu pour être exécuté pendant une durée de
cinq (05) ans, le projet pilote qui a globalement démarré en
2008, s'articule respectivement dans chaque pays autour des activités
suivantes :
Au Cameroun :
- Aménagement et/ou Renforcement des routes des
corridors,
- Amélioration du chemin de fer
Douala-Ngaoundéré,
- Aménagements connexes,
- Actions et mesures de Facilitation du Transport et du
Transit,
- Appui Institutionnels et Gestion du
programme.
Parmi les structures directement impliquées
dans la réalisation des activités du projet, il y a le
Ministère des Travaux publics pour le volet infrastructure, tandis que
pour celui de la facilitation on retrouve le Ministère des transports
avec la participation du Port autonome de douala (PAD), la
société de transport par voie ferroviaire CAMRAIL, la Direction
générale des douanes (DGD), et le Guichet unique des
opérations du commerce extérieur (GUCE).
Dans la composante TCHAD :
Il s'agit de :
- L'entretien du tronçon Bongor- Eré long
de 83km ;
- L'entretien routier sur 180 km :
N'Djamena-Moundou-frontière Cameroun L'étude sur la connaissance
des délais et coût sur le corridor Douala - N'Djamena
;
- La mise en place d'une Société de
Manutention du Tchad (SMT).
En RCA :
- Le renforcement de 69 km de la route
Yaloké-Bossempbélé ;
10 Décision
N°12/06-UEAC-160-CM-14 Portant création d'un Comité de
Coordination et de Suivi de la mise en oeuvre du Programme régional de
facilitation des transports et du transit en zone CEMAC, signé à
Bata le 11 mars 2006 par le Président du Conseil des Ministres Marcelino
OWONO EDU. (
http://www.izf.net/pages/bulletins-officiels-cemac/2277/)

6
- Le renforcement de 90 km du tronçon
Bossemptélé-Baoro ;
- La réalisation d'un prototype de gare
routière à Bouar.
- La construction d'un hangar de déchargement
à Gamboula ;
- L'étude de mise en oeuvre d'un plan de
sécurité routière.
A la CEMAC :
- L'assistance technique à la commission pour le
suivi et la coordination
générale du programme et pour le suivi et
la mise en oeuvre du volet
facilitation ;
- L'assistance technique à la commission pour la
gestion et la mise en oeuvre de
l'union douanière ainsi que l'entrée en
vigueur du programme de commerce et
de transport de la CEMAC ;
- L'assistance technique aux douanes des trois pays
;
- Le renforcement des capacités et fonctionnement
de la coordination du
programme à la CEMAC, aux directions des routes
et transports des trois
pays ;
- L'audit financier et comptable du
programme.
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