2.2 - Cadre théorique de l'étude
L'aspiration massive des jeunes diplômés sans
emploi pour les services de volontariat ou autres similaires, l'attitude des
jeunes recrutés, les anticipations déçues, les angoisses
qui torturent les sortants et les frustrations qui habitent les anciens
volontaires rattrapés par leurs situations initiales de sans emploi
nécessitent d'être expliquées et bien comprises en vue
d'améliorations possibles. Les travaux des psychologues russes
Setchenov, Bechterev et Pavlov ont servi de fondements au behaviorisme
américain. Les uns et les autres substituent le comportement à la
conscience ; celui-ci est défini comme l'ensemble des réactions
adaptatives, objectivement observables qu'un organisme exécute en
réponse aux stimuli provenant de son milieu. D'une manière
habituelle on situe le départ du behaviorisme dans le manifeste
que John B. Watson publia en 1913. En fait, ce texte ne représente
ni un commencement absolu ni une totale nouveauté, car d'une part de
nombreuses recherches allaient dans le sens de cette affirmation doctrinale et
d'autre
15 Le décret n°667 du 31 décembre
2010 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de
l'Office Béninois des Services de Volontariat des Jeunes (OBSVJ),p3.
16 Charte Africaine de la Jeunesse, (2006).p4
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part celle-ci se plaçait dans une lignée
philosophique forte ancienne. En effet, un grand nombre de recherches
ponctuelles antérieures annonçaient la psychologie du
comportement.
Depuis 1950, les psychologues béhavioristes ont
mené une quantité impressionnante de recherches fondamentales
portant sur les diverses formes d'apparition et de maintien des comportements.
Ces recherches englobent : le rôle des interactions
précédent le comportement, comme la concentration et les
processus perceptifs ; les changements de comportement, comme la formation
d'aptitudes ; les interactions succédant au comportement, comme les
effets des récompenses ou des punitions ; et les conditions entourant
tous ces événements, comme le stress émotionnel
prolongé ou la privation d'éléments vitaux essentiels. La
conduite d'une personne, à un instant donné, constitue la
résultante de ses composantes personnelles et de sa perception de
l'environnement matériel ou humain. L'interrelation entre le jeune
chômeur en quête d'emploi et les offres du marché de travail
implique que tout comportement de l'un va entraîner une nouvelle
perception de l'autre. Ainsi, les interactions des éléments de
l'environnement ont des effets simultanés et multidimensionnels qui font
entrer en jeu : les statuts, les rôles, le sexe, les intentions, les
motivations, les anticipations, le contexte socioculturel, etc.
En effet, Nombre de béhavioristes classiques mettent
l'accent sur les relations avec l'environnement. Ils affirment que le
comportement de l'individu répond aux stimuli du milieu. Pour John
Browers Watson (1878-1958), ce que nous sommes c'est ce que nous faisons, et
nous faisons ce que le milieu nous a fait faire. L'homme n'est donc qu'un
organisme, qui pour vivre doit s'adapter à son milieu. Dans la
psychologie Watsonnienne, les inadaptations et les mauvaises adaptations sont
autant étudiées que les adaptations réussies. Le
développement et la modification du comportement sont sans arrêt
de la naissance à la mort. Nous trouvons chez lui une théorie
mettant l'accent sur les conduites apprises, le conditionnement, les situations
qui obligent les individus à agir et à réagir. Dans ses
travaux, le béhaviorisme de Watson accorde une certaine attention
particulière au déterminant interne du comportement. Il ne nie
pas le fait qu'il y a des aspects « intérieurs » du
comportement ; il réintroduit en conséquence des réflexes
naturels, des besoins fondamentaux comme la faim, la répugnance à
la douleur, la sexualité, le besoin d'approbation, etc. Le comportement
humain est vu par Watson comme une réaction globale. L'homme
réagit à une constellation de stimuli par une conduite totale. Il
s'agit là d'un postulat pouvant aider à mieux comprendre
l'attitude volontariste des jeunes victimes des effets pervers du chômage
et qui s'obligent à accepter sans condition toute opportunité
d'offre de travail temporaire.
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Mieux que les psychologues béhavioristes, les
théoriciens situationnistes affirment que « la conduite est
spécifique et que l'environnement est le lieu des renforcements, des
satisfactions et des frustrations de la personne. » (cf. les travaux
de Bowers, Murray, Hutteau...). Bowers (1973) élargissant le point de
vue restrictif des situationnistes, développe un courant
interactionniste qui postule que « les situations sont autant fonctions de
la personne que le comportement de la personne est fonction des situations
». Les interactionnistes vont alors procéder par l'analyse des
situations entre elles-mêmes, les sujets et les relations entre les deux.
Ce qui conduit à regrouper les situations selon leur nature et selon les
conduites qu'elles déclenchent.
Par cette conception, les béhavioristes, les
situationnistes et les interactionnistes se sont imaginé que le
comportement était provoqué par le stimulus. Or, après
avoir rappelé, avec toute la psychologie moderne ( psychosociologie et
cognitivisme), que ce n'est pas le stimulus, mais le besoin qui est le moteur
du comportement, après avoir souligné que les besoins se situent
à tous les niveaux et dans toutes les sphères de la vie
biopsychologique (besoins physiologiques, besoins affectifs, besoins sociaux,
besoins intellectuels, etc.) il importe de remarquer que, en fait, l'individu
poursuit toujours un « objet », une fin « objective » et
non la disparition du besoin. « L'homme affamé, dit
Claparède, désire du pain et non la disparition de sa faim
», l'individu amoureux désire un partenaire de l'autre sexe et non
la disparition de sa tension physiologique ; l'enfant solitaire désire
rencontrer un camarade de jeu et non la disparition simple de sa solitude ; le
diplômé sans emploi cherche en réalité un travail
rémunéré et durable et non une occupation
bénévole ou volontaire temporaire. Psychologiquement, c'est donc
l'intérêt plutôt que le besoin qui meut la conduite ;
l'intérêt étant ici défini comme la personne ou la
chose susceptible de satisfaire un besoin pour une personne donnée
à un moment donné. Il exprime donc une relation de convenance
entre le sujet et l'objet qui lui importe (intérêt) à un
moment donné. Il en résulte les postulats suivants :
a) une chose n'est jamais intéressante en
elle-même puisque l'intérêt est une relation. C'est une des
erreurs les plus redoutables des acteurs sociaux de s'imaginer que
l'intérêt que pouvait susciter le volontariat chez un jeune
diplômé sans emploi serait le même que chez un jeune
diplômé travaillant dans un emploi bien
rémunéré.
b) il n'y a pas d'intérêt sans besoin. Mais il
faut faire la distinction entre les besoins fondamentaux et les besoins
dérivés ou acquis. Pour les premiers, de nombreuses listes sont
proposées. Celle de Prescott qui parait la plus simple et la plus
pratique se rapporte aux trois grandes catégories suivantes : Les
besoins physiologiques qui naissent de la structure de l'organisme et du
maintien de son équilibre ; les besoins sociaux ou de « statuts
», qui naissent du désir de l'individu
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de s'établir parmi ses semblables, de réaliser
le sentiment de son « appartenance », et les besoins
d'intégration, qui naissent du contact de l'individu avec
l'environnement et des expériences qui en résultent pour lui.
c) les intérêts sont différents d'une
personne à l'autre, selon l'âge, le milieu, les expériences
vécues. Ce qui veut dire que les intérêts sont les facteurs
déterminants des choix individuels.
d) les intérêts spontanés servent
à créer des intérêts toujours nouveaux ; des
opportunités de moindre importance peuvent déboucher sur
d'excellentes situations inattendues. Ce qui veut dire que le volontariat sans
vouloir créer de l'emploi à tout prix peut bien déboucher
sur une insertion professionnelle satisfaisante du jeune diplômé
sans emploi.
La manifestation d'intérêt pour le volontariat
constitue une réponse à un besoin du jeune qui s'engage dans ce
service d'intérêt général. Ainsi, les postulats
découlant de la théorie de l'intérêt, mieux que les
conclusions des théories psychologiques du comportement, nous semblent
plus pertinents pour expliquer et mieux comprendre les motivations, les
anticipations, les satisfactions et les frustrations des jeunes volontaires
démobilisés.
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