La pratique du pentecôtisme et le développement intégral des fidèles lushois( Télécharger le fichier original )par Armand PASULA N'KUKITER Université de Lubumbashi - Diplôme d'études approfondies 2010 |
3.2.11.6 Servir Dieu avec ses biensL'enseignement porté sur ce thème fait croire que la richesse matérielle terrestre constitue un handicap pour les chrétiens pour accéder au royaume des cieux. C'est pourquoi il faut se débarrasser des biens matériels en les mettant au service de Dieu. Jésus-Christ, qui est le modèle des chrétiens, a parlé abondamment des richesses matérielles. En effet, une parabole sur deux a trait à l'argent ou aux biens matériels : dans chaque cas, il traite sans la moindre gêne de l'acquisition, de la gestion ou du mauvais emploi de ces richesses. A titre illustratif, nous citons le passage tiré du livre de Matthieu 6 : 19-21 qui stipule : « Ne vous amassez pas de trésor sur la terre où les vers et la rouille détruisent et où les voleurs percent et dérobent, mais amassez des trésors dans le ciel où ni les vers ni la rouille ne détruisent et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur ». De ce qui précède, Hubert BUNTINX56(*) considère l'Eglise comme une institution sociale. Il examine dans quelle mesure les solutions qui ont pu être utilisées efficacement à la gestion des entreprises peuvent être transposées et appliquées à l'organisation de l'Eglise. Sa réponse, à ce sujet, est affirmative : bien des techniques de management (direction par objectif, délégation des pouvoirs, gestion participante, organisation du travail) peuvent et doivent devenir des pratiques courantes dans la gestion des affaires ecclésiastiques. En faisant cette comparaison de la gestion d'une entreprise (commerciale, industrielle, etc., par exemple) avec celle de l'Eglise, BUNTINX, sait que sa comparaison ne peut être rigoureuse. Son but est ailleurs de signaler aux autorités ecclésiastiques et aux fidèles l'existence de ces techniques de gestion, non pas pour donner plus de pouvoir aux prêtres sur les fidèles, mais plutôt pour humaniser les structures de l'Eglise et permettre à celle-ci de mieux encore remplir sa mission. De son côté, André ADOUL57(*) fait une constatation selon laquelle la plupart des chrétiens ne semblent pas avoir une notion très précise du don et de sa destination. Aussi se montrent-ils en général peu généreux. Certainement par ignorance. Ils n'ont pas pris le temps de se pencher sur la question (...) à moins qu'un enseignement approprié leur ait manqué. Sans doute à leur décharge, n'a-t-on pas pris soin de les éduquer dès leur conversion afin qu'ils prennent de bonne heure l'habitude de « mettre de côté la part du Seigneur ». Nous savons que les enseignements de référence que les chefs des communautés pentecôtistes utilisent pour assurer leur bonheur ici sur la terre sont nombreux et variés. Néanmoins, comme le souligne ADOUL, en gardant le silence sur ces questions, on en fait un sujet tabou. Qu'on ne s'étonne pas alors si les chrétiens sont si peu motivés lorsqu'il s'agit de donner. Qui, par exemple, a une idée du montant de l'offrande recueillie le dimanche matin, la somme versée à un visiteur de passage : évangéliste ou missionnaire, de l'importance du don consacré à l'oeuvre qui soutient l'Eglise ? Les enseignements sur la foi, l'amour, le péché, le pardon, le royaume des cieux, bref sur le spirituel, sont véhiculés à petite vitesse ou presque pas, selon les communautés pentecôtistes enquêtées, au profit de ceux portant sur la bénédiction matérielle, le miracle, etc. Pourtant, Jésus-Christ, voyant le danger que couraient les pharisiens à propos du comportement analogue, les a prévenus en ces termes : « Malheur à vous pharisiens, parce que vous payez la dîme de la menthe, de la rue et de toutes les plantes potagères, et que vous négligez la justice et l'amour de Dieu ! » (cf. Luc 11 : 42 et Matthieu 23 : 23). Dans son étude sur la quête du divin en Afrique, Augustin NTIMANKANZA58(*) insiste sur les adaptations mercantiles et polythéistes des enseignements des Eglises de réveil. Selon lui, le message évangélique est repris et adapté non pas à la culture africaine ni à sa religion, mais bien sûr aux attentes des individus concrets en temps d'épreuve et de crise. Cela est important. L'homme de Dieu ne reprend pas tout le message. Il choisit des passages positifs, c'est-à-dire ceux qui ne renvoient pas à des événements malheureux comme « la croix », les épreuves physiques, la maladie, etc, parce que ce sont, justement, de ces maux et épreuves que les adeptes veulent être libérés, eux qui ont longtemps porté leurs croix de misère et de déchéance. On comprend donc que dans ces mouvements, on fasse très peu allusion à la passion du Seigneur ; et si l'on appelle à sa naissance modeste, c'est pour montrer comment, par générosité envers Dieu, le Père l'a élevé au-dessus de tous. L'accent n'est pas mis sur cette naissance modeste, mais bien sur l'élévation, la grandeur acquise. Nous estimons que ces quelques enseignements pris en compte, sur lesquels les communautés pentecôtistes s'appuient, ne sont qu'indicatifs et illustrent la grande tendance que prennent ces derniers par ce temps qui court. Il nous revient maintenant d'évoquer les mécanismes ou stratégies utilisées par les communautés pentecôtistes pour véhiculer leurs enseignements. Le premier cadre qui sert de diffusion de ces enseignements, c'est le lieu de culte (église, temple,...) où, en dehors des cultes ordinaires, sont organisés les campagnes d'évangélisation, les séminaires, les conventions auxquels prennent part plusieurs personnes invitées ou non. En outre, sous l'influence de son environnement sociétale (Lubumbashi) en mutation sur la voie de la modernité les communautés pentecôtistes recourent aux médias tant publics que privés. Elles achètent des tranches d'émission à la radio et à la télévision locales, et certaines d'entre elles ont créé leurs propres chaînes de radio et/ou de télévision. On peut citer la Radiotélévision Interconfessionnelle Viens et Vois (R.T.I.V.), la Radiotélévision Canal de vie, la Radiotélévision Evangélique Africaine (R.T.V.A.), la Radiotélévision WANTANSHI, la Radiotélévision HOZANA, etc. Néanmoins, leur usage se fait conformément aux normes modernes ; d'où le mélange des programmes religieux (cérémonies, prédications, louanges et adorations, etc.) et profanes (publicités commerciales, communiqués privés et officiels, danses folkloriques et modernes, etc.). * 56 H., BUNTINX, L'église et le management, éd. Hommes et techniques, Paris, 1971, p15. * 57 ADOUL, A., Dieu et mes sous, éd. L.L.B., Paris, 1984, p.10 * 58 NTIMA NKANZA, « La quête du devin en Afrique : autopsie d'une crise et grille de lecture », in Congo-Afrique, n° 429, novembre , Kinshasa, 2008, p.768. |
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