Section 2 : LE TABLEAU RÉCAPITULATIF DE
L'OPÉRATIONNALISATION DES
CONCEPTS
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Concepts
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Dimensions du concept
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Composantes des dimensions
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Indicateurs des composantes
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1.
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La communication pastorale
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La communication verbale/ non-verbale ; la communication
digitale/ analogique
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Gestes, la proxémique, la posture, l'habillement, le
regard et le contact visuel, le rythme respiratoire, le bâillement,
etc.
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2.
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Le marketing religieux
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-le marketing direct ; -le marketing alternatif
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La publicité, la promotion des activités, les
relations publiques ;
Le buzz marketing, le street marketing, la guérilla
marketing et le
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Les campagnes religieuses, les émissions audiovisuelles,
des meilleures homélies, le partage de la Parole de Dieu de
porte-à-porte (modèle utilisé chez les Témoins
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39 WINDISCH, U., Op. cit., p. 25.
33
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marketing viral
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de Jéhovah, les prédications bibliques par avenue
(modèle CVB à l'Eglise Catholique)
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3.
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Le discours-enjeu
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-le discours stratégique ; -le discours affectif-
conflictuel40
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-Les textes argumentatifs, -les marques discrètes,
-les marques graphiques, -les marques de subjectivité
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-Les acquiescements, -les applaudissements, les sourires, etc.
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Dans le cadre de notre recherche, le discours d'intronisation
de l'Archevêque de Kinshasa peut être qualifié de
discours-enjeu. Une analyse plus fine permettra alors d'en ressortir les
éléments intelligibles.
Section 3 : CADRE THEORIQUE
A partir de nos théories de base, nous allons
bâtir une méthodologie propre et mieux adaptée pour cette
étude.
En fait, notre cadre théorique s'appuie sur un certain
nombre d'auteurs. Il y a d'abord le suisse Uli Windisch qui estime que la
communication est un processus conflictuel qui vise à mettre
l'interlocuteur ou le cible hors-jeu et K.-O., le «foutre» hors
40 Discours affectif-conflictuel chez Uli Windisch
renvoie à un discours véhément, au processus de
disqualifications en chaine. Aussi, aux relations souhaitées,
imaginaires ou purement fantasmatiques. Il s'en prend aux
représentations sociales que l'adversaire veut donner de lui-même.
C'est-à-dire il vise la destruction de leur identité sociale.
Dans la communication conflictuelle, le but poursuivi est que le public
haïsse et déteste ces représentations sociales. Sur le plan
pratique, ce discours est fait des messages courts.
34
lui, afin qu'il adhère sans contestation au message de
son partenaire, en rejetant sa propre thèse ou ses idées.
Ensuite, notre second soubassement théorique est la
théorie des marques de subjectivité de Catherine
Kerbrat-Orecchioni. Elle consiste à décrire les traces de
l'inscription du sujet parlant dans l'énoncé. Car pour cette
auteure « parler, ce n'est sûrement pas échanger librement
des informations qui « passent » harmonieusement,
indifférentes aux conditions concrètes de la situation
d'allocution et aux propriétés spécifiques des partenaires
de l'échange verbal »41.
Cela veut dire qu'à côté de la conception
informationnelle de l'échange verbal, il faut dorénavant compter
avec la pragmatique ou « la théorie des forces illocutionnaires, la
praxématique de Robert Laffont42, ou la «
sémanalyse » de Julia Kristeva. Tous ces auteurs, comme Orecchioni,
estiment que « dire », c'est en même temps « faire ».
Et, quelle que soit l'ambiguïté des termes employés, il
s'agit d'assimiler le langage à une « pratique », une «
praxis », une production, un « travail ».
Telle est notamment la thèse initiée par le
philosophe anglais John L. Austin (1911-1960).43 Il souligne que
« la pragmatique quitte le terrain des structures de la langue pour
s'intéresser à la parole et à ses effets dans le cadre
d'une communication. Pour elle, les actes de langage désignent des
énoncés en tant qu'ils agissent sur les autres ».
A part ces théories précitées, notre
étude va s'appuyer également sur la théorie de lutte
contre les concurrents en marketing. Elle est axée sur les efforts
d'auto-défense du leader en vue de se protéger par la mise en
place d'une double stratégie défensive. Car quand il se sent
attaquer dans ses positions traditionnelles, le leader peut, soit demeurer
41 KERBRAT-ORECCHIONI C., L'énonciation.
De la subjectivité dans le langage, Paris, Armand Colin, 2002, p.
10.
42 La praxématique, développée
par R. Laffont (1973) et son équipe à partir de 1970, se veut un
modèle dynamique de la production du sens qui tient compte de la tension
entre la pulsion communicative des sujets et la stabilisation d'un sens social.
(CHARANDEAU, Patrick et MAINGUENEAU, Dominique (sous dir.), Dictionnaire
d'analyse du discours, Paris, éd. du Seuil, 2002, p. 460.)
43 AUSTIN, L., J., Quand dire c'est faire,
Paris, Seuil, 1970, 1ere éd. 1960 cité par MUGARUKA, M., R.,
Op cit.
35
sur des positions fixes (défenses fixes), soit se
prémunir en bougeant (défenses mobiles).44
3.1. La théorie du K.-O. verbal d'Uli Windisch
Cette théorie développée par Uli Windisch
consiste à examiner comment un interlocuteur s'emploie à
disqualifier à la fois le discours et la personne ainsi que
l'identité de l'adversaire. Cette théorie laisse ainsi s'opposer,
dans un discours conflictuel deux interlocuteurs. Il y a toujours deux
interlocuteurs, chacun avec un contre-discours et tous les deux
développent un discours dirigé vers le public-témoin.
En effet, les objectifs poursuivis sont de combattre les
idées/ thèses émises par l'adversaire, faire triompher ses
propres idées/ thèses et les faire partager au
public-témoin.
Par ailleurs, dans un premier temps, le discours
développé par l'adversaire est modifié, faussé et
disqualifié. A ce niveau, le K.-O. verbal est provisoire parce que
l'autre va répondre. C'est-à-dire que le discours conflictuel
appelle une réponse, l'autre étant dans l'obligation de
répondre. On se trouve donc dans une perspective de conflit
discursif.
Cela dit, cette communication est conflictuelle aussi parce
qu'elle est définie par des rapports inégalitaires et
hiérarchiques. D'où l'émergence d'une relation de
domination. Cette production discursive du manipulateur, nous met devant une
double activité de disqualification par son discours : la
disqualification de la personne et celle de son discours. Cela veut dire qu'il
s'agit de la contestation et de la disqualification du discours rival, de la
place ou de la position défendue par l'adversaire et de la personne
même de l'adversaire.
En outre, le sujet manipulateur peut :
-Faire porter au sujet qu'il manipule la responsabilité
d'un discours que ce dernier n'a pas tenu ;
44 POMBO, N. A., Notes de cours de Promotions des
ventes, cours inédit deuxième Licence Communication des
Organisations, IFASIC, Kinshasa, 2009.
36
-Le mettre dans une place qui le met mal à l'aise et qui
n'est pas celle qu'il veut occuper.
Toutefois, il importe de noter que toute lutte pour une place
ou un discours oscille entre : l'autodéfense et l'attaque de l'autre.
Sur le plan pratique, cette théorisation d'Uli Windisch
nous met devant la nécessité d'éclaircir les formes du
discours conflictuel ainsi que le fonctionnement général du
discours conflictuel.
A. les marques discrètes : ce sont
les moyens de présenter les discours adverses tout en s'en distanciant.
S'intéresser à la forme extérieure du discours constitue
donc l'aspect statique de la démarche. On se focalisera par exemple sur
:
- Le lexique : vitupérants (termes injurieux,
dévalorisants, péjorés), les verbes déclaratifs,
les verbes de jugement (il est faux de dire que..., il est absurde
d'affirmer...), diverses formes de la négation, les propos non
assumés (soi-disant, prétendu, présenté comme,
contraire à, en apparence), les restrictifs (certes...mais), parfois
aussi les intonations45.
- Les marques graphiques : les guillemets, les
tirets, les parenthèses, les points d'exclamation, les points
d'interrogation, les points de suspension, les virgules, les majuscules, etc.
C'est-à-dire que la fréquence et l'apparition simultanées
de plusieurs d'entre elles exposent à une grande probabilité de
discours conflictuel. Le discours conflictuel intègre et rejette
à la fois. Il faut repérer sa dynamique, ses mécanismes de
fonctionnement interne.
B. Les stratégies discursives : ce
sont les moyens de traiter le discours adverse, l'intégrer en le
transformant et le manipulant. Par rapport à ces stratégies
discursives, on se trouve donc devant neuf cas de figures en termes de
manipulation au niveau du discours adverse.
45 WINDISCH, U., Op cit, p. 31.
37
- Le discours rapporté direct ou la citation
:
a) la citation d'une autorité
légitimée permet de mettre l'accent sur le renforcement de
sa position. Cela signifie que la légitimité du dire du sujet
manipulateur va grandissant et simultanément contribuer à
illégitimer le dire de l'adversaire. Il y a possibilité de
recourir à une sous-stratégie tendant à marquer la
citation (guillemets) tout en l'annulant (en supprimant les deux points) pour
mieux l'intégrer à son discours.
b) La citation d'une autorité illégitime
(affaiblissement de la position du rival) : on tente par un tel geste
d'assimiler le discours manipulé à un discours rejeté, et
par le rival ainsi que la très large majorité du
public-témoin. Il faut veiller à ce que l'assimilation ne soit
pas jugée excessive, sinon elle sera rejetée en même temps
que l'auteur par le public-témoin.
- Le discours rapporté indirect
:
On rapporte ce que l'adversaire semble avoir dit et non
comment il l'a dit. Reprendre le discours de l'autre sans le citer permet de le
disqualifier plus aisément. D'abord, recourir à l'utilisation des
verbes neutres (dire, déclarer, penser...) et ensuite, les marques plus
conflictuelles : prétendre, soi-disant...
- Les différentes formes de négation et de
réfutation :
a) La rectification : on cherche à rectifier
un contenu précédemment asserté par un rival.
b) La réfutation propositionnelle : on
cherche à réfuter un énoncé adverse ; cela
s'accompagne d'une justification ou d'une explication.
c) La réfutation prépositionnelle
porte sur les présupposés de l'énoncé
contesté. Ici, l'auteur ne désire même pas
pénétrer les arguments de l'adversaire ; il conteste les
fondements mêmes du discours adverse. Tout se passe comme si le locuteur
voulait éviter d'entrer dans le jeu de l'adversaire. En témoigne
l'expression « de toute façon » (quelque...que).
d)
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Le démasquage : le but est de porter le
non-dit de l'adversaire au su du public. On veut rétablir la
vérité qu'on affirme, vérité occultée par le
discours adverse.
e) Le masquage consiste à chercher à
supprimer ou taire, voire masquer les aspects de son idéologie qui ne
correspondent pas à la sensibilité du moment.
f) La concession, c'est l'adhésion apparente
et initiale à quelques énoncés adverses, avant la
manipulation. Le but à ce niveau est de ravir le public rival, en
faisant semblant de défendre ses arguments. On fait dire, en conclusion,
le contraire aux énoncés adverses. Il est possible de recourir
à deux formes de concessions : la concession très brève,
mais portant sur un contenu essentiel du discours adverse ; et ensuite, des
véritables assauts contre tous les arrangements de l'adversaire. Ces
assauts sont un élément fondamental car la concession n'est
qu'une stratégie.
g) Ironie et simulation : le but de ces deux figures
est de ridiculiser la personne du rival et son discours. On ne cherche pas
à contre-argumenter. On fait donc apparaître les autres comme
étant stupides, ridicules. Alors on se montre soi-même comme
intelligent. Ceci s'appelle coup double. C'est une constante dans le discours
conflictuel.
h) La représentation fantasmatique, c'est la
conclusion par une sorte de condensé péjoratif (transformation de
l'autre en être monstrueux). C'est-à-dire on reconstruit l'image
de l'Autre qui n'a plus rien à voir avec son discours. Le locuteur
véhicule de l'adversaire l'image qu'on veut de lui.
i) La stratégie de la guerre invisible : la
cible de l'attaque, l'adversaire n'apparaît jamais explicitement. Le
discours prend une forme didactique et se présente comme purement
informatif. Il faut là encore une connaissance du contexte et de la
situation extralinguistique46.
Qu'à cela ne tienne, à propos du fonctionnement
général du discours conflictuel, il est évident que l'on
s'intéresse à l'homme tel qu'il se comporte réellement en
société et au langage tel qu'il est effectivement parlé et
pratiqué dans la vie de tous les jours.
46 WINDISCH, U., Notes succinctes de l'ouvrage :
le K. O. verbal. La communication conflictuelle.
39
L'homme est sujet-acteur-social. D'où la notion de la
causalité circulaire développée par Uli Windisch. Faire
référence au quotidien, aux groupes sociaux et réseaux.
De ce qui précède, nous affirmons que la
théorie d'Uli Windisch porte sur l'énonciation et
cherche à repérer dans le langage :
- les traces, les marques sociales, culturelles, politiques...
que le sujet parlant (sujet de l'énonciation) laisse dans son
discours et qui permettent de le reconnaître ; le sujet parlant n'est pas
extérieur au texte, mais s'inscrit en son sein.
- le type de relation que le sujet parlant entretient avec son
propre discours ; le sujet parlant peut assumer ou non son discours, prendre de
la distance ou non.
- le récepteur qui est omniprésent dans
l'énoncé de l'émetteur. Il réalise une
écoute productive. Ce récepteur n'est pas passif, car
l'émetteur tient compte de son écoute pour modeler son message en
fonction d'elle. Dans l'énoncé de l'émetteur s'inscrit le
récepteur, qui motive le message du sujet énonciateur. L'on parle
alors de la construction du sens collectif sur la base des acteurs plutôt
individuels. C'est cela la Co-création du sens par l'émetteur et
le récepteur47.
Dans cette perspective, l'approche théorique d'Uli
Windisch se laisse compléter celle développée par
Catherine Kerbrat-Orecchioni. Portant sur
l'énonciation.
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