CHAPITRE PREMIER : CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE
Cette étape de notre recherche porte sur les approches
conceptuelle et théorique qui sous-tendent la présente
étude. Nous y ferons d'abord l'opérationnalisation des concepts
clés et, ensuite, un inventaire des théories de base applicables
dans la perspective de cette recherche. Il s'agit essentiellement de : la
théorie des marques de subjectivité de Catherine
Kerbrat-Orecchioni portant sur la subjectivité dans le langage ; la
théorie du K.-O. verbal d'Uli Windisch relative à la
communication conflictuelle ; et enfin, la théorie de lutte contre les
concurrents en marketing.
Section 1 : CADRE CONCEPTUEL
Dans cette section, nous procédons à la
définition des concepts de base de notre étude : la communication
pastorale, le marketing religieux et le discours-enjeu.
1. 1. LA COMMUNICATION PASTORALE
Le concept de « communication » a déjà
fait l'objet des maintes définitions. Ce mot souffre d'une
polysémie notionnelle au point que beaucoup d'auteurs n'ont pas
hésité de décrier ce fait. C'est le cas de Daniel
Bougnoux qui parle d'un champ empirique devenu si diffus et si
orphelin6.
Étymologiquement, le mot communication renvoie à
l'action de « rendre commun, d'être en relation avec, l'action de
communiquer, la chose communiquée, les moyens et les techniques de
communiquer... ». Et depuis son existence, ce terme connaît des
différentes mutations de sens.7
En réalité, la communication connaît
actuellement un vif intérêt de la part des organisations et de
leurs dirigeants. Cela est certainement dû au fait que les organisations
produisent et traitent un flux sans cesse accru d'informations, à tel
point que celles-ci sont devenues quasiment la ressource fondamentale de
l'organisation. C'est cette denrée
6 Lire à ce sujet : EKAMBO, D., J.-C.,
L'information et la communication. Du chronique à l'uchronique,
Paris, L'Harmattan, 2009.
7 EKAMBO, D., J.-C., « Nature(s) de la
communication » in Cahiers congolais de la communication, vol.
2, 1, Kinshasa, IFASIC, 2002.
10
qui détermine l'adéquation d'une organisation
afin de réussir dans un environnement concurrentiel.8
En règle générale, la communication
consiste en un échange de messages entre deux pôles :
l'émetteur et le récepteur. La communication est un processus par
lequel une information est transmise d'un émetteur à un
récepteur.9 Elle concerne un ensemble d'actions visant
à transmettre des messages à différents publics dans le
but de modifier leur niveau de connaissance, leurs attitudes ou leurs
comportements.10
En effet, la communication, en tant que telle, peut s'exercer
à plusieurs niveaux ou, du moins, répondre à plusieurs
types de situation. L'on distingue ainsi : la communication verbale! non
verbale ; la communication intra-personnelle! interpersonnelle ; la
communication de masse ou médiatisée ; la communication pastorale
; la communication d'entreprise appelée aussi communication
institutionnelle.11
Cela étant, notre vision de la communication sera
orientée vers la communication pastorale, particulièrement la
communication telle que développée par l'Église Catholique
de Kinshasa.
En tant que communication de la foi chrétienne, la
communication pastorale vise à communiquer à la manière du
Verbe de vie. Car Jésus - Christ a communiqué en parole et en
actes. Sa communication déborde la Parole tout en l'incluant. Pour lui,
communiquer c'est plus qu'exprimer des idées ou des sentiments : c'est
« s'exprimer » soi-même, c'est faire don de soi par
amour.12 La communication pastorale est expression et transmission
de l'expérience religieuse par les membres de la communauté
partageant les mêmes croyances et le même langage.
8 SFEZ, L., Dictionnaire critique de la
communication, Paris, PUF, p. 473.
9 GONGRAND, L'information dans les entreprises et
les organisations, Paris, 1990, p. 353.
10 PONS, C.M. , La communication : historique
d'une pratique et d'une science, in WILLET, G. , La Communication
modélisée. Une introduction aux concepts, modèles et aux
théories, Ottawa, éd. de renouveau pédagogique, 1994,
p. 48.
11 POMBO N., Notes de cours de Stratégies
de communication des organisations, cours inédit deuxième
licence, IFASIC, Communication des organisations, 2008.
12 Voir à ce sujet MUGARUKA, M. R., «
Évangile comme communication et Évangile de communication
», dans Revue Africaine des Communications sociales, Kinshasa,
Facultés Catholiques de Kinshasa, Vol. 1, n°1, 1996, p.
13-29.
11
Cela dit, le plus important à souligner est qu'en tant
que procès de communication, la transmission de la foi. Elle est
susceptible d'analyse scientifique, relève des règles
fondamentales et générales de la pragmatique sociale
objectivement observable et descriptible. Cette communication exige de la part
du Destinateur (locuteur) une certaine autorité (l'ethos), une
capacité à émouvoir (le pathos) et une force
d'argumentation (le logos). Pour exercer une influence réelle
sur son interlocuteur et le convaincre, il faut donc lui plaire,
l'émouvoir et l'instruire.
A ces atouts intrinsèques exigés du locuteur,
dus aux éléments psycholinguistiques et anthropologiques, il faut
prendre en considération le fait que communiquer c'est donc tenir compte
de son interlocuteur. A ce niveau, la communication, fut-elle pastorale ou non,
ne doit plus être considérée comme une action monodrone
allant du destinateur vers le destinataire. Car communiquer c'est créer
un espace interlocutif où l'interlocuteur devient co-auteur du discours.
Il n'est de communication, estime Richard Mugaruka, que dans cette dialectique
prenant en compte le feed-back, c'est-à-dire la réaction du
destinataire. Ce rapport est constitutif de la
discursivité.13
Cet aspect concernant le discours sur la communication
pastorale sera largement abordé au niveau de la section consacrée
au discours-enjeu.
Sur le plan historique, il faut retenir que depuis 1971, date
de la promulgation de l'instruction pastorale « Communio et Progressio
», les moyens de communication sociale ont consolidé leur
effectivité au sein de l'Église. S'est ainsi renforcée
l'application des techniques du marketing social en vue de viabiliser la
communication interne/ externe de l'Église. Cette communication se donne
néanmoins le devoir d'intégrer et de recevoir de la
«catéchèse des principes éthiques et des indications
concrètes susceptibles de l'humaniser et de la mettre davantage au
service de la vérité et de la promotion de la paix, d'un dialogue
respectueux entre les hommes et d'un monde plus juste et plus fraternel
».14
13 MUGARUKA, M., R., Catéchèse et
homilétique dans le champ de la communication. Pragmatique de la
communication de la foi, Kinshasa, éd. Paulines, 2004, pp. 190
-194.
14 MUGARUKA, M., R., Op. cit. p. 195.
12
Par ailleurs, comme communication institutionnelle, la
communication pastorale met en oeuvre des techniques et des moyens les plus
appropriés pour donner de l'organisation une image positive, attrayante
et valorisante à ses différents publics. Pour ce faire, elle a
recours à la fois aux techniques des hors média, et aux
médias traditionnels. Dans cette perspective, elle combine des
échanges formels et informels d'informations entre les acteurs qui
inter-agissent dans cette institution.
Cela étant, il devient utile de faire remarquer que
toute organisation, quoiqu'elle soit marchande ou non marchande, publique ou
privée, religieuse ou non, s'imposer d'intégrer l'esprit
marketing dans son fonctionnement. L'institution se considère ainsi
comme « un produit » qu'on offre dans un marché de
référence.
Qu'à cela ne tienne, la communication est un art qui se
réinvente chaque jour. Certes les codes de communication n'ont pas
changé, cependant il y a eu une nette évolution dans la
manière de les exprimer. Cela est dû en majeure partie à
l'avènement des Technologies de l'Information et de la Communication
ainsi que des exigences de plus en plus complexes des cibles marketing. Cette
dynamique pousse les organisations, particulièrement l'Église
à innover en matière de communication institutionnelle pour
pouvoir se démarquer des concurrents.
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