CONCLUSION GENERALE
Le Burundi, à l'instar d'autres Etats, n'a pas fait
sourde oreille à l'incrimination des crimes de guerre. Cela se fait
remarquer depuis son adhésion aux divers instruments juridiques
internationaux en la matière. L'adoption de la loi n°1 / 004 du 8
mai 2003 portant répression du crime de génocide, des crimes
contre l'humanité et des crimes de guerre ; l'adoption de la loi
n°1 / 05 du 22 avril 2009 portant révision du code
pénal burundais, montrent d'ailleurs la détermination du
législateur burundais à réprimer ces genres de crimes.
L'intérêt de notre étude a été de
déterminer si le Burundi en adoptant ces différentes lois, a
honoré réellement ses engagements conformément à
ces conventions internationales auxquelles il est partie.
Nous nous sommes employé à analyser le processus
d'identification de la notion du crime de guerre et les développements y
relatifs nous ont permis de constater que le crime de guerre est une notion qui
a connu une lente évolution quant au processus de sa définition
à travers divers instruments juridiques tant nationaux
qu'internationaux. Les premiers pas ont commencé avec la
rédaction du code du professeur Francis Lieber en 1863 mais il a fallu
attendre les statuts des tribunaux militaires (le « manuel
d'oxford » en 1880, la commission des responsabilités pour les
puissances alliées à l'issue de la 1ère G.M.,
le traité de Versailles, etc.) qui ont donné pour la
1ère fois la définition du crime de guerre
après la 1ère G.M. Mais, à ce stade-là,
cette notion n'avait pas acquis un sens clair. Pour lever ces équivoques
autant que faire se peut, il nous a paru plus que nécessaire de nous
référer aux statuts des T.M.I de Nuremberg et de Tokyo, aux
conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977,
aux statuts des T.P.I ad hoc ainsi qu'au statut de la C.P.I. Cette
analyse nous a permis de constater que la 2ème G.M constitue
une pierre angulaire dans le développement de la notion de crime de
guerre car l'articulation la plus détaillée et la plus
récente constituant la définition de crimes de guerre
donnée par la C.P.I n'est qu'une codification des différentes
sources datant de la 2ème G.M à savoir les statuts des T.M.I de
Nuremberg et de Tokyo, les conventions de Genève de 1949 et leurs
protocoles additionnels de 1977 ainsi que les statuts des T.P.I ad
hoc.
Dans le second chapitre, l'accent a été mis sur
la consécration du crime de guerre en droit burundais. Dans cette
perspective la définition, les actes constitutifs et les
éléments du crime de guerre ont retenu notre attention car le
risque de prendre d'autres crimes internationaux pour crime de guerre n'en
demeure pas moins fréquent. Après avoir analysé l'article
198 du nouveau code pénal burundais, on a remarqué que la
définition du crime de guerre donnée par le législateur
burundais s'inspire de celle de la C.P.I en raison de sa plus ou moins grande
précision et de celle du T.P.I.R du fait que le Burundi et le Rwanda
présentent des cas similaires en ce qui concerne le crime de guerre.
L'identification du crime de guerre parmi les autres
infractions internationales qui sont le crime de génocide et les crimes
contre l'humanité, nous a permis de constater que le crime de guerre se
distingue de ces autres crimes à plusieurs égards.
Pour les crimes contre l'humanité, ses
éléments matériels propres sont « une attaque
généralisée et systématique, lancée contre
une population civile. » tandis que le crime de guerre rentre dans
« un contexte de conflit armé. » Pour ce dernier, le
moment de sa commission importe, ce qui n'est pas le cas pour les crimes
contre l'humanité. Le temps est une condition nécessaire pour
qu'il y ait crime de guerre alors que les crimes contre l'humanité
peuvent se commettre avant, pendant voire après la guerre.
L'incrimination des crimes contre l'humanité vise la protection de toute
la population civile contre les actes inhumains susceptibles d'être
commis avant, pendant ou après la guerre au moment où
l'incrimination du crime de guerre vise à limiter les méthodes et
moyens de guerre.
Quant au génocide, « la destruction en tout
ou en partie d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux... »
est son propre élément matériel à la
différence du crime de guerre qui nécessite « un
contexte de conflit armé». Contrairement aux crimes de guerre, le
caractère civil, la nationalité ou la situation des victimes
n'importent pas. En plus, en ce qui est du génocide, la norme qui
l'incrimine excède le domaine d'application du droit humanitaire, elle
protège des groupes humains déterminés contre les
atteintes commises en temps de guerre ou en temps de paix.
L'incrimination des crimes de guerre vise à
protéger les groupes ciblés et limiter les méthodes et
moyens de guerre tandis que l'incrimination du génocide vise à
protéger de la destruction les groupes ciblés par la norme.
L'analyse des actes constitutifs du crime de guerre s'est
avérée incontournable. En effet, nous avons retenu que les actes
constitutifs des crimes de guerre sont à regrouper en quatre
catégories à savoir : les infractions graves aux conventions
de Genève du 12 août 1949, les autres violations graves des lois
et coutumes applicables aux conflits armés internationaux, les
violations graves de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève
du 12 août 1949 ainsi que les autres violations graves des lois et
coutumes applicables aux conflits armés internes.
Quant aux éléments constitutifs du crime de
guerre, le crime de guerre nécessite quatre éléments
à savoir l'élément légal, l'élément
de contexte, l'élément moral et l'élément
matériel. Notre constat est que le crime de guerre, contrairement aux
autres crimes de droit commun, exige l'élément de contexte qui
n'est rien d'autre qu'un conflit international ou non international.
Dans le troisième et dernier chapitre consacré
à la répression du crime de guerre, le développement des
règles de compétence et de procédure nous a permis de
constater qu'il existe des règles particulières dans ce sens que
les crimes de guerre font partie des crimes internationaux pour lesquels le
champ d'application des règles de compétence doit
nécessairement déborder celui du droit interne applicable aux
infractions de droit commun. Etant un crime qui lèse la
communauté toute entière, il existe une compétence
répressive sur le plan national et international. En plus certains
éléments à savoir la prescription, l'amnistie, la
grâce, la politique et la non rétroactivité de
l'incrimination ne sont pas opposables tant en droit interne qu'en droit
international.
S'il existe des Etats qui ont déjà adopté
une législation interne conforme à la réglementation
internationale sur les crimes de guerre, l'Etat du Burundi en fait partie.
Mais nous regrettons cependant qu'aucun de ces crimes n'a
à ce jour déjà fait l'objet d'une décision
judiciaire alors qu'il ne fait ombre d'aucun doute que le Burundi a
été le théâtre de nombreux crimes, dont certains des
plus graves sont susceptibles d'êtres qualifiés de crimes de
guerre. Cela s'explique par le fait que le législateur burundais a
toujours préconisé une législation contenant en elle
même les germes de son inefficacité. D'une part, la loi
n°1/004 du 08 mai portant répression du génocide, crimes
contre l'humanité et crimes de guerre n'a jamais servi d'aucune
répression effective des crimes de guerre parce que ses articles 21
alinéa 1, 33 et 35 subordonnaient la répression de ces crimes
à la création d'une commission d'Enquête Judiciaire
Internationale dont le rôle est d'établir l'existence de ces
actes. Rappelons que la mission Kalomoh a vite écarté la mise en
place de cette commission mais a proposé la création d'un double
mécanisme, à savoir un mécanisme non judiciaire sous forme
d'une commission vérité-réconciliation et un
mécanisme judiciaire sous forme d'une chambre spéciale au sein de
l'appareil judiciaire burundais, qui seraient composées d'un personnel
international et national. Cette suggestion a été
approuvée par l'Etat du Burundi dans la séance du conseil de
sécurité de l'O.N.U du 15 juin 2005.
D'autre part, l'article 623 de la loi n°1/05 du 22 avril
2009 portant révision du code pénal burundais ne vient que
réaffirmer l'idée du législateur antérieur car
« les lois particulières dont certaines dispositions
pénales ont été intégrées dans le
présent code restent en vigueur pour autant qu'elles ne sont pas
contraires à la présente loi ». Par conséquent,
aussi longtemps que le processus prévu par l'Etat du Burundi d'envisager
la création d'une commission vérité-réconciliation
et d'une chambre spéciale au sein de l'appareil judiciaire burundais
reste en cours de sa réalisation, le juge burundais aurait toujours du
mal à se saisir du dossier pénal dont les crimes de guerre
constitueront les chefs d'accusation.
A cet égard, nous saluons quand même le pas
déjà franchi par l'Etat du Burundi pour les démarches en
cours visant la mise sur pied d'une commission
vérité-réconciliation ainsi qu'une chambre spéciale
intégrée à la justice burundaise spécialement
chargée de réprimer lesdits crimes.
Pour y parvenir, l'Etat burundais devrait en tout état
de cause répondre d'une manière satisfaisante à certaines
exigences fondamentales entre autres une réelle volonté politique
des autorités burundaises à ce que ces crimes soient
réprimés ; la mise en place de l'observatoire national pour
la prévention et l'éradication du génocide, des crimes de
guerre et des crimes contre l'humanité comme le prévoit notre
constitution ; un personnel de mains propres au sein de toutes les
commissions visant à mettre en place les mécanismes de la justice
transitionnelle ; un système judiciaire qui doit être
indépendant, impartial, doté de ressources humaines
spécialement qualifiées et de moyens matériels et
financiers à la hauteur de sa noble mission ;
l'établissement de responsabilités
différentiées ; la réparation des préjudices
subis par les victimes ainsi que l'assistance étrangère notamment
sous forme d'extradition des présumés responsables des crimes en
cause.
Qui plus est, la répression du crime de guerre ainsi
que d'autres crimes graves nécessitent des juges
spécialisés en droit international. A cette fin, nous
recommandons à l'Etat du Burundi d'entreprendre la formation des
magistrats spécialisés pour mieux réprimer les crimes
internationaux en général et les crimes de guerres en
particulier.
Ainsi, nous pensons que l'Etat du Burundi parviendrait
à honorer réellement ses engagements conformément à
toutes les conventions internationales en matière des crimes de guerre
auxquelles il est partie.
En mettant fin à notre modeste contribution, nous nous
excusons auprès du lecteur qui ne trouvera pas tous les détails
qu'exigeait un tel travail, les défaillances humaines étant de
nature, la largeur du domaine s'ajoutant. Nous reconnaissons que nous ne
pouvons pas épuiser un sujet aussi riche en idées et toujours
d'actualité que le crime de guerre, nous reconnaissons n'avoir pas
totalement satisfait nos ambitions ni la curiosité du chercheur qui
pourra probablement enrichir ce sujet combien délicat. C'est ainsi que
nous espérons que de recherches ultérieures viendront
améliorer notre modeste travail.
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