Du crime de guerre et sa répression en droit positif burundais( Télécharger le fichier original )par Viateur BANYANKIMBONA Université du Burundi - Licence 2012 |
§2. Analyse de la loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénalburundaisDans le souci de lui assurer davantage de visibilité, le législateur burundais a intégré dans la loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal burundais quelques dispositions répressives de la loi n°1/004 du 08 mai portant répression du génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Cependant, si on essaie d'analyser le contenu de l'article 623 de la loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal burundais qui stipule que : « Les lois particulières dont certaines dispositions pénales ont été intégrées dans le présent code restent en vigueur pour autant qu'elles ne sont pas contraires à la présente loi », il importe de souligner à juste titre que cette disposition ne vient que réaffirmer l'idée du législateur antérieur. Ainsi, à la lumière de cette disposition, tout le reste des dispositions de la loi n°1/004 du 8 mai 2003 en rapport avec la procédure ou d'autres aspects, en l'occurrence les articles 21 alinéa 1, 33 et 35 de cette loi restent bel et bien en vigueur. La seule limite est de ne pas être contraire à la loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal burundais. A ce niveau, l'on s'aperçoit que le législateur burundais semble hésiter quant il s'agit de la répression à satisfaction des crimes de guerre. Peut-on aller jusqu'à se demander si le législateur burundais est déjà tombée par erreur dans le sens de considérer que les crimes de guerre qui ont été commis au Burundi resteront des crimes qu'on ne peut punir ni pardonner ?
En tout état de cause, le législateur burundais devrait éviter tout obstacle à la répression des crimes de guerre, car « rien n'est plus néfaste qu'une justice inefficace136(*) ». §3. La commission d'enquête judiciaire internationaleConformément à l'accord d'Arusha et suite à la demande du gouvernement burundais et du conseil de sécurité des Nations unies, le secrétaire général de l'O.N.U a finalement envoyé au Burundi une mission d'évaluation appelée Mission Kalomoh avec pour mandat « d'examiner l'opportunité et la possibilité de créer une commission d'enquête judiciaire internationale137(*) ». A la fin de son mandat, cette mission a recommandé à l'O.N.U., la création d'un double mécanisme, à savoir un mécanisme non judiciaire sous forme d'une commission vérité-réconciliation et un mécanisme judiciaire sous forme d'une chambre spéciale au sein de l'appareil judiciaire burundais, qui seraient composées d'un personnel international et national138(*). Quant à son mandat, la commission-vérité serait chargée d' « établir les faits et (...) déterminer les causes et la nature du conflit au Burundi, qualifier les crimes commis depuis l'accession à l'indépendance en 1962 et établir l'identité des coupables des actes de (...) crimes de guerre au cours des divers cycles du conflit 139(*)». Il est toutefois précisé que « l'action de la commission vérité-réconciliation ne constituerait pas une enquête pénale ou judiciaire 140(*)». S'agissant de la chambre spéciale intégrée à l'appareil judiciaire burundais, elle serait constituée par un ou plusieurs collèges de trois juges siégeant en première instance et par un collège d'appel de cinq juges. Elle serait également mixte dans sa composition avec une prédominance des juges internationaux, un procureur international et un greffier, le bureau du procureur et le greffe comprenant un important élément international141(*). Ainsi, ces propositions de la « mission kalomoh » ont été approuvées par l'Etat du Burundi dans la séance du conseil de sécurité de l'O.N.U tenue en date du 15 juin 2005142(*). Il convient de remarquer que la mission Kalomoh n'hésite pas à écarter d'abord l'établissement d'un tribunal pénal international au Burundi à l'instar des deux tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) et pour le Rwanda (T.P.I.R.). Ces derniers sont rejetés du fait de leur caractère particulièrement « budgétivore », leur lenteur et leur situation géographique à l'extérieur des pays dans lesquels les crimes ont été commis143(*). La forme du tribunal spécial pour la Sierra Léone est également écartée par cette mission pour motif que ce tribunal n'est pas intégré à l'appareil judiciaire sierra léonais et qu'il connaît un problème de financement144(*). La forme finalement retenue par cette mission est celle de la chambre des crimes de guerre de la Cour de Bosnie-Herzégovine à raison que celle-ci présente les avantages d'être non seulement située dans le pays où les crimes ont été commis mais aussi de faire partie intégrante de l'appareil judiciaire interne. Cette forme préférée par ladite mission est un nouveau mécanisme que certains qualifient déjà de justice de troisième génération (après les T.P.I ad hoc et le modèle mixte de la Sierra Léone, hormis la C.P.I.)145(*) A notre avis, nous pensons qu'aucune de ces formes n'est sous l'abri des critiques, par conséquent, quelque soit la forme empruntée, son contenu doit être inclus mutatis mutandis dans le droit positif burundais en vue de l'adapter au contexte socio-politique que connaît le Burundi. Cependant nous n'allons pas clore ce chapitre sans exprimer notre doute sur l'amnistie dans le cadre des politiques de la réconciliation nationale bien que le Burundi ait ratifié la convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre146(*), que l'accord d'Arusha exclut toute loi d'amnistie qui viserait les crimes de guerre147(*)et que la loi n°1 / 05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal au Burundi consacre explicitement leur imprescriptibilité (Art.150). Etant « une mesure de clémence que les autorités au pouvoir sont invitées, par le droit des conflits armés à accorder de la manière la plus large possible, à la cessation des hostilités d'un conflit armé non international aux personnes qui auraient pris part au conflit ou qui auront été détenues ou internées pour les motifs en relation avec le conflit armé »148(*), le risque de voir les responsables des crimes de guerre bénéficier cette amnistie ou d'une autre mesure analogue reste évident. Ainsi, à notre sens, certains éléments de notre contexte socio-politique expliquent notre affirmation : - Le fait que la majorité de toutes les composantes ethniques de la population burundaise serait favorable à une telle amnistie. - Face à la pauvreté, au chômage, à l'insécurité, etc, la question de la répression à satisfaction des crimes de guerre n'a pas de clientèle parmi les besoins prioritaires de la population encore moins des gouvernants. Les ressources financières actuelles ou probables dans l'avenir ne permettent pas de satisfaire aux besoins même les plus urgents. - Certaines personnes présumées responsables de ces crimes sont perçues comme des leaders politiques, ayant même été plus ou moins victimes de ces mêmes crimes. - Certaines personnes faisant partie de la classe dirigeante au sein des institutions politiques, militaires et de la police, aussi bien les anciennes que les nouvelles n'ont pas des mains propres dans les crimes de guerre. -Les interférences extérieures, l'expertise adéquate inexistante en matière d'enquête sur le crimes de guerre, les moyens d'action insuffisants ainsi que l'absence de mécanisme de protection des témoins constituent un obstacle non moins sérieux. Notre inquiétude de voir les criminels de guerre bénéficier de l'amnistie ou du pardon dans le cadre des politiques de la réconciliation nationale est d'autant plus réelle qu'au sein du conseil de sécurité de l'O.N.U., les avis sont partagés sur le principe de « ne pas sacrifier sur l'autel de la réconciliation et du pardon les impératifs de justice et (...) d'éviter que cette réconciliation ne revienne à cautionner l'impunité ». Ainsi, les uns soutiennent que « la paix sans réconciliation ne saurait être durable mais que certains crimes sont si odieux qu'ils doivent être jugés et punis » tandis que d'autres avancent qu' « aucun crime ne devrait devenir un obstacle infranchissable pour l'établissement de la paix »149(*). Même au Rwanda, le T.P.I.R n'a jamais jugé un dossier relatif aux crimes de guerre commis par le F.P.R tandis que le T.P.I.Y n'a même pas la compétence de juger les crimes de guerre de sa compétence commis par les militaires de l'OTTAN150(*). De ces observations, rien ne nous empêche d'affirmer que les volontés politiques de l'Etat concerné n'en demeurent pas moins un facteur déterminant quant à la répression à satisfaction des crimes en question. Il s'avère évident que la communauté internationale devrait user de tous les moyens possibles pour inciter autant que faire se peut les Etats de prôner la répression efficace des crimes de guerre au détriment des réalités politiques des uns des autres. A notre humble avis, pour parvenir à la réconciliation nationale, la répression des crimes en général et particulièrement le crime de guerre constitue la meilleure alternative. Cependant, nous partageons le même avis avec certains membres du conseil de sécurité des Nations Unies qui soutiennent qu'aucun crime ne devrait devenir un obstacle incontournable pour l'établissement de la paix. Si par hasard la répression efficace des crimes de guerre ne ferait que plonger encore le Burundi dans un conflit armé non international, vaux mieux opter pour la justice transitionnelle, « un éventail complet des divers processus et mécanismes mis en oeuvres par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé en vue d'établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation151(*) » car la paix est d'une valeur inégalable. Cette forme de justice, contrairement à la justice traditionnelle, a le mérite de prôner le pardon qui est une condition de la réconciliation. Cela étant, nous espérons quand même que les démarches déjà entretenues pour la mise en place de la commission vérité-réconciliation, constituent le début d'un processus dont la création de la chambre spéciale intégrée au sein de l'appareil judiciaire burundais ayant la compétence de juger les criminels de guerre sera naturellement la deuxième étape.
* 136 International IDEA (International Institut for Democraty and International Assistance), «La réconciliation après un conflit violent», Résumé du manuel 2004, p.16. * 137 Conseil de sécurité, S/2005/158, p.1. * 138 Conseil de sécurité, S/2005/158, par.53. * 139 Conseil de sécurité, S/2005/158, par.55 b). * 140 Conseil de sécurité, S/2005/158, par.56 c) in fine. * 141 Conseil de sécurité, S/2005/158, par.56 c) in fine. * 142 Conseil de sécurité, S/RES/160.6 (2005), p.1. * 143 Conseil de sécurité, S/2005/158, par.5 in fine. * 144 Conseil de sécurité, S/2005/158, par.59. * 145 MORATTI (M.) et HETTINGA(B.), « Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine »,International Justice Tribune, Septembre 2005, p.1. * 146 Voir la loi n°1 / 005 du 16 juin 2000 portant Adhésion de la République du Burundi à la convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. * 147 Art.26.1. de l'accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation nationale au Burundi du 28 août 2000. * 148 Art.6 du protocole relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux-Genève, 8 juin 1977 in Dictionnaire du droit international humanitaire des conflits armés, Genève, 1998, p.19. * 149 Communiqué de presse CS / 2620 du 26 janvier 2004, in « Impliquer d'anciens belligérants dans les processus de paix tout en luttant contre l'impunité » : Le Conseil de Sécurité », p.3. * 150 NAHAYO (A.), op., cit., p.29. * 151 Rapport du Secrétaire général des Nations-Unies devant le Conseil de sécurité « Rétablissement de l'Etat de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit », Doc. S / 2004 / 616, 2 août 2004, p.7 parag.8. http:// www. Droit constitutionnel. Org / congrès Paris / com C5 / Hourquebie TXT. Pdf, visité le 26 avril 20011. |
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