Du crime de guerre et sa répression en droit positif burundais( Télécharger le fichier original )par Viateur BANYANKIMBONA Université du Burundi - Licence 2012 |
iii. Le caractère inamnistiable des crimes de guerreL'amnistie est l'acte par lequel le pouvoir législatif interdit d'exercer ou de continuer des poursuites pénales et efface des condamnations prononcées87(*). Le même article ajoute que les crimes de guerre ne peuvent faire objet d'aucune loi d'amnistie. Il est logique que des crimes imprescriptibles soient a fortiori inamnistiables88(*). Les crimes de guerre étant imprescriptibles, ils doivent être considérés aussi comme inamnistiables car les conséquences de l'amnistie sur l'impunité sont plus étendues que celles de la prescription. En amnistiant certains faits, le législateur supprime leur caractère pénalement délictueux tandis que la prescription, loin de supprimer l'illicéité d'un fait au plan pénal, se borne simplement à éteindre soit l'action publique et l'action civile relative à ce fait, soit l'obligation pour le condamné de subir la peine prononcée à la suite de ce fait89(*). iv. Le caractère non graciable des crimes de guerreLa grâce consiste dans la remise totale ou partielle par le pouvoir exécutif de l'exécution des peines prononcées ou dans leur commutation en d'autres peines moins graves déterminées par la loi90(*). Nous pensons qu'il ne laisse aucun doute qu'un crime inamnistiable soit a fortiori non graciable. C'est d'ailleurs dans le même ordre d'idées que l'article 170 de notre code pénal stipule que la grâce n'éteint pas les peines prononcées contre les crimes de guerre. De plus, la grâce amnistiante qui est la combinaison de la grâce et de l'amnistie à laquelle le législateur recourt pour introduire plus de justice dans l'application de l'amnistie91(*), doit subir le même sort que l'amnistie et la grâce, par conséquent, est inapplicable en matière des crimes de guerre. v. Le caractère non- rétroactif de l'incrimination des crimes de guerreLa jurisprudence internationale nous montre que certaines institutions comme le T.M.I ont repoussé toute exception fondée sur la non-rétroactivité des incriminations en la matière sur base notamment du fait qu'il existait déjà une longue pratique jurisprudentielle de répression de ces violations. Aujourd'hui, l'art.7, §2 de la convention européenne des droits de l'homme et l'art.15 §2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques disposent de manière générale que le principe de la non rétroactivité des lois pénales ne fait pas obstacle à la poursuite et à la condamnation des personnes convaincues d'avoir commis des faits « réputés criminels d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations » 92(*). Selon le professeur David, ce principe devrait sans doute pouvoir s'appliquer à l'ensemble des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Nous sommes du même avis. Soulignons en passant que le fait que la compétence de la C.P.I soit limitée ratione temporis aux crimes commis après son entrée en vigueur(art.11 de son statut), constitue un défis majeur qu'il fallait relever pour rendre efficace la répression des crimes de guerre.
Cependant, cette limitation est sans préjudice des incriminations existant en droit interne ou international. (art.10 et 28 §3) Le législateur burundais devrait alors éviter toute tentative de limiter la compétence ratione temporis du système juridique prévu pour la répression des crimes en question au moment où la chambre spéciale intégrée à l'appareil judiciaire burundais sera créée afin qu'aucun criminel de guerre ne puisse s'échapper à la justice. vi. L'immunité de l'auteur des crimes de guerre Malgré les hésitations qui planent toujours dans la jurisprudence et dans la doctrine en ce qui concerne l'immunité d'un gouvernant étranger en matière des crimes de guerre, il y a l'autorité incontestée des travaux de la commission de la C.D.I qui, depuis 1950, dans ses principes de Nuremberg et ensuite dans ses divers projets de codes des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, avait toujours écarté l'exception fondée sur l'immunité pénale de l'auteur d'un crime contre la paix, d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité93(*). A l'instar de la pratique en la matière, la C.D.I ne faisait aucune différence entre gouvernant en exercice et ex-gouvernant, entre tribunal international et tribunal interne, entre immunité ratione personae et immunité ratione materiae94(*) .
Le législateur burundais exclut d'une part les crimes de guerre des infractions faisant objet d'immunité du fait que l'immunité provisoire de poursuite en faveur des dirigeants politiques rentrant d'exil en 2003 était limitée aux crimes à mobiles politiques dont sont explicitement exclus les crimes de guerre95(*). D'autre part, il semble hésiter lorsqu'il confirme que l'immunité provisoire des combattants du C.N.D.D.-F.D.D., les forces de sécurité du gouvernement burundais, ainsi que les mouvements armés signataires de l'accord de cessez-le feu du 7 octobre 2002 exclut explicitement des bénéficiaires de cette immunité les combattants et militaires coupables de génocide et de crimes contre l'humanité96(*). Les crimes de guerre étant donc implicitement couverts par cette immunité ! Notons enfin qu'à l'heure où nous sommes, les immunités provisoires de tous les leaders et combattants du C.N.D.D.-F.D.D., des forces de sécurité du gouvernement burundais97(*), des combattants des mouvements armés signataires de l'accord de Cessez-le feu du 7 octobre 2002 ont pris fin avec les élections présidentielles de 200598(*) tandis que l'immunité accordée aux leaders et combattants du F.N.L en 2008, a vu sa fin avec les récentes élections présidentielles de 201099(*). Nous espérons alors que le système juridique préconisé par le législateur burundais quant à la répression des crimes en question ne considérera en aucun cas toute exception fondée sur l'immunité. B. Limitation des causes de justificationCompte tenu de la gravité des crimes de guerre, les causes classiques de justification dont les accusés peuvent se prévaloir en droit commun ne sont pas prises en considération. C'est notamment le cas de commandement de la loi ou de l'autorité et l'état de nécessité. * 87 Art.171 de la loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal burundais in « B.O.B. » n°4 bis/2009. * 88 DAVID (E.), Principes..., op.cit., 3ème éd., p.828. * 89 DAVID (E.), Principes..., op.cit., 3ème éd., p.828. * 90 Art.161 de la loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal burundais in « B.O.B. » n°4 bis/2009. * 91 Art.177 de la loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal burundais in « B.O.B. » n°4 bis/2009. * 92 DAVID (E.), Principes..., op.cit., 3ème éd., p.832. * 93 Idem, p.836. * 94 DAVID (E.), Principes..., op. cit., 3ème éd., p.836. * 95 Art.22.2.c) du deuxième protocole de l'Accord d'Arusha. * 96 Art.6 du décret-loi n°100/023 du 23 mars 2004 portant modalités d'application de l'immunité provisoire prévue par l'Accord Global de Cessez-le feu du 16 novembre 2003. * 97 Art.2, 1° et 2° du Protocole de Prétoria du 2 Novembre 2003 sur les questions restées en suspens en vue du partage des pouvoirs politiques de défense et de sécurité au Burundi. * 98 Art.7 du Décret n°100/023 du 23 mars 2004 portant modalités et application de l'immunité provisoire prévue par l'Accord Global de Cessez-le feu du 16 novembre 2003. * 99 Voir l'accord global de cessez-le-feu entre le Gouvernement de la République du Burundi et le PA.LI.PE. HUTU- F.N.L. du 07 septembre 2006 in « B.O.B » 2006. |
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