Chapitre 3. La société civile congolaise
et la réforme du secteur de la sécurité
La sécurité est à ce jour entendue comme
un bien collectif dont la gestion est de la responsabilité de tous. En
tant que telle, sa compréhension élargie et formulée sous
le concept de sécurité humaine, complète celle restrictive
de sécurité des institutions et de leurs animateurs. C'est
seulement ainsi que les organes du secteur de la sécurité
(armée et police pour le cas de notre étude) sont
considérées comme des services au service de la communauté
nationale.
Prise pour un patrimoine commun, la sécurité
sollicite « la contribution spécifique d'un chacun dans une
synergie de laquelle doit se dégager un système de
sécurité qui soit en symbiose avec les exigences du respect des
droits humains, de la gouvernance démocratique, de la transparence et de
la redevabilité ».47Il apparaît dès lors
que la société civile a un rôle capital à jouer.
Bien plus, « la confiance du public dans le secteur de la
sécurité est vitale pour la création et le maintien
d'institutions démocratiques solides et indépendantes,
l'engagement d'organisations de la société civile (OSC)
crédibles dans le domaine de la politique de sécurité
contribue grandement à la responsabilisation et a la bonne gouvernance.
L'intercession par des groupes de la société civile
représentant des communautés locales et des groupements
d'intérêts permet a des acteurs parfois marginalisés de
s'exprimer ainsi qu'à ouvrir le processus de prise de décision a
un plus large spectre d'options. Les OSC ont un rôle vital a jouer non
seulement dans l'établissement des démocraties, mais aussi au
sein des états non démocratiques, sortant d'un conflit ou d'un
régime autoritaire et dans lesquels les activités des OSC peuvent
encore avoir un impact sur la prise de décision des élites qui
monopolisent le processus politique »48
Dans ce chapitre, nous essayerons de saisir le rôle de
la société civile dans la RSS (section 1) et nous en ferons une
illustration par la présentation du Réseau pour la Réforme
de la Sécurité et de la Justice (Section 2).
Section 1. Le rôle de la société
civile dans la réforme du secteur de la sécurité
Comme le rappelle le Professeur MBELA déjà
cité ci-haut, « l'objectif global de la réforme était
de doter la RDC des moyens et des capacités de développer un
système efficace de sécurité qui se conforme aux normes
démocratiques, aux principes de la bonne gouvernance et a la
règle de l'Etat de droit pour le bien être des populations
»49. Et dans notre pays, la société civile a
été l'acteur qui s'est le plus engagé dans la
détermination des objectifs qui devaient être fixés au
processus de la RSS, plus celui qui a davantage travaillé pour la
construction d'une paix durable et d'un Etat légitime.
Les développements de cette section consisteront d'une
part à la définition du concept de société civile
(paragraphe 1) et d'autre part à la présentation de son
rôle dans la RSS (paragraphe 2).
§1. Définition de la société
civile
Des livres entiers ont été écrits sur la
signification de la « société civile »50 et
la définition de ce concept s'est avérée une tâche
complexe et parfois un processus controversé. Le secteur de la «
société civile » a été libellé le
« troisième » secteur, le secteur «
bénévole », le secteur « non lucratif ~, le secteur
« caritatif ~ ou « indépendant ~ et « l'économie
sociale ~. Aucune définition ne peut faire l'unanimité a ce
sujet. Dans le cadre de ce travail, nous considérons celle donnée
par le Centre
17
47 Mbela Hiza Mulanassan, La réforme de la Police
Nationale Congolaise dans le processus de la refondation de l'Etat :
défis et perspectives, Editions MES, Kinshasa, 2012, p.24
48 Contrôle public du secteur de la sécurité,
guide pratique pour les organisations de la société civile, PNUD,
2008, p.3
49 Mbela Hiza Mulanassan, ibidem, p. 64
50 De nombreuses études ont tenté de
définir la société civile et de catégoriser les
organisations de la société civile. Pour des exemples voir le
Projet de Manuel sur les Organisations sans but lucratif de l'ONU, Centre Johns
Hopkins pour les Etudes sur la Société civile ; Ecole d'Economie
de Londres, Centre pour la Société civile ; Indice CIVICUS de la
Société civile.
pour le contrôle des Forces Armées (DCAF): «
La société civile renvoie généralement à
cette sphère d'actions collectives et volontaires, menées par des
citoyens, et qui se développent autour d'intérêts, de buts
et de valeurs partagés. Ce terme recouvre la façon dont les
citoyens s'associent pour mener leur existence, pour exprimer leurs opinions,
poursuivre leurs intérêts, échanger de l'information et
ménager leurs différences, en créant des relations et des
institutions sociales qui sont aussi diverses que les gens qui les ont
établies aux niveaux local, national, régional et international.
Les syndicats, les groupes environnementaux, les congrégations
religieuses, les instituts de recherche et les mouvements de base populaires et
indigènes sont autant d'exemples d'organisations de la
société civile ».51
L'implication des organisations de la société
civile (OSC) sur le terrain est a ce jour indéniable. Elles disposent de
ce fait souvent d'informations de première main, et parfois même
elles sont les seules ou les dernières à avoir accès
à certaines régions ou à certaines populations. Le cas
congolais corrobore bien à cet égard ce qui a été
observé des zones peu accessibles du Liberia, de l'Ouest de la
Côte d'Ivoire ou du nord de l'Ouganda.
Grâce aux relais dont elles disposent dans certaines
situations, elles sont les acteurs les plus aptes a jouer un rôle
précieux d'alerte précoce. Ceci a été le cas, par
exemple récemment à propos de la situation humanitaire au Darfour
où ce furent des organisations comme Médecins sans
Frontières et bien d'autres qui ont lancé les premiers signaux
d'alerte. Il est bien reconnu maintenant que l'engagement sur le terrain des
grandes ONGs contribue pour beaucoup à leur légitimité. A
ce titre, elles jouent un vrai rôle d'éveil des consciences sur
des drames comme les atteintes aux Droits de l'Homme, les situations de vie
difficiles de réfugiés, le recrutement des enfants soldats
etc...
La réussite de la gouvernance démocratique
dépend de l'existence tant d'un Etat solide que d'une
société civile saine et active. « Des taux
élevés de participation citoyenne sont un élément
essentiel de la gouvernance participative qui, de nos jours, porte de plus en
plus sur la création d'institutions démocratiques
intégratrices et a l'écoute et l'augmentation des
possibilités pour la participation citoyenne »52.
Les organisations de la société civile apparaissent
donc comme des
partenaires incontournables des décideurs politiques car
elles sont les mieux placées pour détecter les besoins des
populations en termes d'aide au développement.
En règle générale, la société
civile intervient pour :
- Permettre une meilleure participation des citoyens dans la
gestion des affaires53 ; - Répondre aux besoins sociaux, y
compris la prestation des services ;
- Donner une voix aux groupes les plus
vulnérables54 ;
- Surveiller les résultats des actions des
gouvernants55 ;
- Servir de partenaire a l'Etat et au monde des affaires...
La situation de la société civile congolaise est
bien particulière. Emanation des mouvements et groupements politiques,
les OSC du pays demeurent bien fragiles. Elles sont en fonction des
intérêts
51 Contrôle public du secteur de la sécurité,
guide pratique pour les organisations de la société civile,
ibidem p. 8
52 Le rôle de la réforme juridique en soutien
à la société civile : Document d'orientation, Centre
international de droit des associations à but non lucratif et Programme
des Nations Unies pour le Développement, Août 2009, p. 5
18
53 Formation des enseignants d'éducation civique et des
acteurs de la société civile sur réforme de la
sécurité en RDC, in www.societecivile.cd/node/4545
54 Déclaration du COJESKI-RDC relative à la
persistance de l'insécurité et des conflits armés dans la
province de l'Equateur en RDC, in www.societecivile.cd/node/4298
55 Autopsie de la déliquescence de l'armée
congolaise et pistes d'une véritable réhabilitation du Congo dans
le concert des nations, in www.societecivile.cd/node/4334
soit alliés soit adversaires du politique qui, au
gré des enjeux et des intérêts, les soutiennent ou les
combattent. En raison de leur faiblesse, leur impact dans la vie politique,
économique et sociale du pays est demeuré limité.
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