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Apéritif et sociabilité. Etude de la consommation ritualisée et traditionnelle de l'alcool( Télécharger le fichier original )par Anaà¯s Gayot Université d'Aix-en-Provence - Master 1 d'anthropologie sociale et culturelle 2007 |
c- Une obligation informelle
Cette tradition est caractéristique du système de don / contre-don étudié par Marcel Mauss. Nombre de chercheurs s'y réfère en observant ce devoir auquel on ne peut échapper. Offrir, accepter et rendre sont les obligations qui prouvent la bonne intégration au groupe de buveurs et l'acceptation des règles collectives auxquelles tous doivent contribuer. On remarque ainsi que cet échange de dons sous " forme désintéressée et obligatoire en même temps "213(*) est ancré dans la sociabilité des bars. L'abstinent, dans cet enjeu, est perçu comme un étranger qui ne participe pas à ces échanges d'alcool. Celui qui ne boit pas d'alcool subit ainsi la "pression sociale normative" mentionnée par Robert Chapuis214(*). Par conséquent, le "buveur d'eau" se voit écarté du cercle. Le système intégratif du don pourrait dans ces conditions se révéler comme une forme d'intolérance. Plus généralement, l'acte de boire et d'offrir à boire s'inscrit, souligne Robert Chapuis, dans une pratique d'échange. Cet échange passe, en premier lieu, par la communication et par la boisson comme un trait d'union à la relation établie. Il révèle ainsi la valeur socialisante de la boisson au même titre que la parole. C'est pourquoi refuser une invitation à boire ou négliger de retourner une invitation n'est pas convenable dans les moeurs de la sociabilité occidentale. Cela équivaut implicitement à "refuser l'alliance et la communion"215(*). De là, dépend subséquemment la cohésion du micro groupe renforcée par ce système de dons et de contre-dons. L'apéritif est le moment idéal pour mettre en avant, de manière spontanée mais codifiée, ces échanges. Bien qu'elle soit fortement conseillée, si la réciprocité n'est pas obligatoire c'est qu'on l'a convenue par avance. En revanche, sans être énoncée, il est d'usage de rendre l'invitation à l'apéritif dans un temps indéterminé, quand celle-ci s'organise en lieu privé216(*). * 213 _ MAUSS, Marcel. 1983. Sociologie et anthropologie, Paris : P.U.F. * 214 _ CHAPUIS, Robert. 1989. Op. Cit., p. 165. * 215 _ MAUSS, Marcel. Op. Cit. * 216 _ RIVIÈRE, Claude. 1995. Les rites profanes. Paris : PUF. Chap. XVIII : « Le cérémonial du manger », p. 205. |
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