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Apéritif et sociabilité. Etude de la consommation ritualisée et traditionnelle de l'alcool( Télécharger le fichier original )par Anaà¯s Gayot Université d'Aix-en-Provence - Master 1 d'anthropologie sociale et culturelle 2007 |
B - ... au péchéDevant les regards sociaux dont Véronique Nahoum-Grappe fait allusion dans un article intitulé « Les "santés" du crocodile en larmes, ou quelques hypothèses sur l'histoire du buveur », l'historienne et anthropologue s'interroge sur l'histoire du buveur. L'"ivrogne", le regard de ses voisins mais aussi les autorités religieuses, morales et scientifiques, par des constats et jugements, ont constamment influencé l'image des "buveurs". Si la tendance bourgeoise a contribué à cette image par des réprobations mondaines (décrites dans la prochaine partie), les condamnations morales et religieuses ont fortement pesé sur les représentations collectives de l'enivrement. a- De sévères répressions
Le procédé de la distillation et la plupart des apéritifs sont conçus par les moines. Ces derniers ont un lien privilégié avec le vin, en revanche l'Église condamne fermement l'ivrognerie. Les historiens Gilbert Garrier ou Thierry Fillaut, pour ne citer qu'eux, évoquent cet interdit de l'ébriété dénoncée dans les sermons au peuple. Qu'il s'agisse de la période gallo-romaine, du Moyen Âge ou du XIXe siècle, les prêtres proscrivent les toasts portés aux vivants, aux morts, aux saints et aux anges. Les évêques vitupèrent dans leurs sermons contre l'ivrognerie qui "use le corps et dégrade l'âme" relève Gilbert Garrier37(*). En effet, au Moyen Âge le peuple s'enivrait beaucoup lors des fêtes. Hormis ces moments, les dérives de l'ivresse furent l'objet d'une sévère répression. Par ailleurs, Charlemagne puis François 1er avaient institué des peines allant des châtiments corporels à l'exil38(*). Aussi, les blasphèmes dus à l'ivresse étaient jugés plus graves que les homicides ou autres inconvénients provoqués par l'ébriété. b- L'ivresse, un péché mortel"S'enivrer est un péché capital" explique Thierry Fillaut. Dans Les veillées d'un presbytère publiées à Vannes en 1848, l'historien cite les fautes conduites par l'ivresse : "perte de temps, paroles obscènes ou insensées, chansons infâmes, médisances, calomnies, violation du secret, actions impudiques, blasphèmes, colères, rixes, homicides, vols, outrages faits aux pères et mères, négligence de ses devoirs, mépris des lois de l'Église, scandale du prochain et peut-être encore bien d'autres péchés."39(*) La pensée religieuse est ainsi présente dans les textes moraux et normatifs, le Dictionnaire des cas de conscience, régulièrement mentionné par les chercheurs, réprouve les comportements excessifs faisant offense à Dieu. Celui du Père Pontas, paru en 1758, condamne l'ivresse comme un "péché mortel". Il dit : "si le vin est un présent de Dieu l'usage immodéré du vin est une invention du Diable"40(*). Il est toutefois considéré comme un réconfort pour le travailleur, une récompense de l'effort. * 37 _ GARRIER, Gilbert. 1998. Histoire sociale et culturelle du vin. Paris : Larousse, p.37. * 38 _ CHAPUIS, Robert. 1989. Op. Cit., p. 55. * 39 _ FILLAUT, Thierry. 1990. « L'Église catholique et l'anti-alcoolisme en Basse Bretagne à la veille de la 1ère guerre mondiale ». Paris : l'Harmattan, p. 123. * 40 _ GARRIER, Gilbert. 1989. Op. Cit., p. 114. |
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