6. 1 Les conduites addictives, un objet de
représentations sociales pour les acteurs de terrain
Selon Moliner (1993), les objets qui apparaissent sous
différentes formes dans notre société sont ceux qui sont
le plus susceptibles de produire une activité représentationnelle
dans les groupes. Les conduites addictives constituent ainsi un objet de
représentation, notamment parce que, comme le souligne Jauffret-Roustide
(2009), elles suscitent des débats tant en ce qui a trait à sa
conceptualisation qu'en ce qui touche ses pratiques (Doise, 1986) :
« Si l'univers de dangerosité auquel les
toxicomanes sont associés persiste encore aujourd'hui dans l'opinion
publique et plus particulièrement dans le champ répressif, les
usagers de drogues font l'objet d'un changement sémantique à
l'intérieur du champ du soin aux toxicomanes. En effet, dans le cadre de
l'adoption du référentiel de réduction des risques au
début des années 1990, le toxicomane qualifié de malade et
de délinquant par la loi de 1970 a tendance à changer de
dénomination, il est de plus en plus fréquemment
désigné usager de drogues. Cette évolution
sémantique est révélatrice du changement en cours des
pratiques et des catégories légitimes, mais elle reste encore
aujourd'hui un enjeu de lutte de légitimité, les deux types de
catégorisations toxicomane et usager de drogues pouvant coexister
actuellement. » (p.114).
Suissa Amnon et Bélanger (2001) ajoutent que :
« La sociologie des professions nous enseigne
également que chaque formation sociale aura sa propre version du concept
de dépendance. Les pharmaciens auront tendance à comprendre le
phénomène comme une suite de réactions aux substances et
de la tolérance croissante du corps au produit, les physiologistes comme
un dysfonctionnement des organes et du métabolisme, les
généticiens comme une carence d'un gène spécifique,
les psychiatres comme un désordre biomédical ou une carence
neurochimique, les psychologues comme un symptôme de problèmes
sous-jacents ou d'estime de soi, les sociologues comme une réaction au
processus de régulation sociale et des contraintes inhérentes aux
rapports sociaux, etc. » (p.67).
Pour Abric (1976), les représentations sociales sont un
guide pour les pratiques sociales et celles-ci sont un facteur de
transformation des représentations sociales. « Les agents sociaux
-institutionnels et professionnels- dont le rôle et la fonction sont de
mettre en oeuvre des pratiques préventives ou d'intégration face
à l'exclusion sont bien entendu eux-mêmes porteurs de
représentations. [...] Chaque agent social par son expérience et
son système de valeurs, dispose d'une forme de connaissance de l'Autre,
donc d'une représentation qui fonctionne pour lui comme un
supposé savoir, qui va agir directement sur ses pratiques et le mode de
relation qu'il entretien avec le groupe concerné. » (Abric, 1996,
pp.17-18). En ce sens, connaître les représentations sociales
permet donc de mieux comprendre les pratiques et éventuellement les
modifier.
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