2. Qu'est-ce qu'une conduite addictive ?
4 De la toxicomanie aux conduites
addictives
La « toxicomanie », les « dépendances
», puis les « usages de drogues », ont d'abord
été
considérés comme un « fléau social
» (Vaille & Stern, 1955, cités par Beck, 2010, p.517), comme un
marqueur de marginalité sociale, de déviance. Mais, à
partir des années 1980, afin d'endiguer la propagation de
l'épidémie du SIDA, le phénomène a
été vu différemment, et une stratégie de
prévention et de santé publique a été mise en
place. La consommation de drogues a commencé à être
considérée comme une pathologie individuelle. La notion
d'addiction, apparaît à la fin des années 1980 dans le
monde médical et est largement reprise dans les politiques de
santé publique.
4 Prises de risques, conduites à risque, et
conduites addictives... Une question d'usages.
Avec l'application plus systématique du « paradigme
épidémiologique » (Peretti-watel,
2004, p.103) à l'étude des comportements humains
et la « médicalisation de l'existence » (Gori, 2006), on
assiste à la prolifération de la notion de
risque. Elle s'attache aussi bien aux grandes menaces
planétaires (destruction de la couche d'ozone, effet de serre...) qu'aux
comportements individuels qui ponctuent notre quotidien (tabagisme, conduite
automobile...). Derrière la prise de risque chez les jeunes, nous avons
une multitude de comportements dont « le trait commun consiste dans
l'exposition de soi à une probabilité non négligeable de
se blesser ou de mourir, de léser son avenir personnel ou de mettre sa
santé en péril. » (Jeffrey, Le Breton & Josy
Lévy, 2005, p.18). Cependant, ces comportements ne sont
pas listés une fois pour toutes et la liste s'allonge avec les nouvelles
données épidémiologiques. Ainsi,
dès qu'un facteur de risque découvert correspond à un
comportement, ce dernier devient une conduite à risque. Et, comme le
soulève Przygodzki-Lionet (2009), peu importe que l'individu ait ou non
le sentiment de prendre un risque, c'est à l'expert de déterminer
« objectivement » si sa conduite comporte ou non des
risques pour sa santé. Peretti-watel et Moatti (2009, p.18), parlent de
« mise en risque » du monde. Pour faire reculer
l'éventualité de la maladie, la mort, il devient
nécessaire de traquer le risque, quitte à stigmatiser ceux qui
transgressent « ce culte de la santé » (p.26) ; et ceci par le
biais la prévention.
Selon Dessez (2006), il faut différencier « Prises
de risques » et « Conduites à risque ». Il le fait selon
la fréquence des comportements. En effet, les «
prises de risques » seraient des comportements qui se
caractérisent par la mise en danger (de soi, de sa santé, de sa
vie, etc.). Les comportements d'essai ou d'expérimentation de substances
psychoactives font partie des prises de risques. Elles surviennent souvent dans
des « temps à côté » (Le garrec, 2002), les
temps de loisir à caractère festif ou amical,
quand se produisent des relâchements du contrôle social des
conduites et que de nouveaux rites individuels apparaissent. Tandis que «
Les conduites à risque » seraient des
comportements répétés de prises de risques qui
correspondent à une recherche de plaisir et au soulagement d'un malaise
intérieur. Elles se présentent sous des formes diverses qui sont
déterminées par les identités sexuées, les
contextes sociaux, les histoires de vie et les états psychopathologiques
: violences itératives, scarifications multiples, conduites suicidaires,
troubles des conduites alimentaires, addictions. Dany (2010), ajoute à
la prise de risques, la notion de perception consciente
(même si elle peut être inexacte) des probabilités non
souhaitées associées au comportement à risque ainsi qu'une
estimation de la gravité des évènements non
souhaités.
Les conduites addictives ont été définies
par Goodman, en 1990, comme « processus par lequel un comportement,
pouvant permettre à la fois une production de plaisir et écarter
ou atténuer une sensation de malaise interne, et employé d'une
façon caractérisée par l'impossibilité
répétée de contrôler ce comportement et sa
poursuite, en dépit de la connaissance de ses conséquences
négatives » (p.1403). Depuis quelques années on entend
parler de plus en plus d'addictions sans substances (mobiles,
consoles de jeux...), de cyberaddictions : par l'intermédiaire
d'Internet à travers les jeux d'argent en ligne, les jeux vidéo
massivement multijoueurs (World of Warcraft, Dofus...), les réseaux
sociaux (Facebook, Tweeter...). Les nouvelles technologies ont rejoint le banc
des conduites à risque. Notamment pour les risques de perturbation du
sommeil, d'isolement social et financiers... Ainsi, selon le Plan de prise en
charge et de prévention des addictions 2007-2011, la notion de conduite
addictive couvre aujourd'hui :
- Les conduites de consommation de substances psychoactives,
quelque soit le statut légal de la substance.
- Les addictions dites comportementales, ou addictions sans
drogues, qui correspondent à des comportements compulsifs, notamment le
workaholisme (les « accros » au travail), la dépendance aux
moyens de communication (Internet et e-mail, téléphone
portable...), le jeu pathologique...
La notion de conduite addictive s'inscrirait dans un continuum
de comportements d'usage. Ainsi, d'après les définitions de
l'Organisation mondiale de la santé (CIM 10) et de l'Association
américaine de psychiatrie (DSM IV), on distingue trois
catégories de Comportements d'usage : usage
simple (qui n'entraîne pas de dommages et peut être
expérimental, occasionnel ou régulier), l'usage
nocif/à risque (consommation qui implique, ou peut impliquer,
des dommages sanitaires, sociaux ou juridiques) et la
dépendance/conduite addictive
(comportement psychopathologique présentant des caractéristiques
biologiques, psychologiques et sociales ). Les principaux critères
contribuant à la définition de la dépendance sont le
désir compulsif de produit, la difficulté du contrôle de la
consommation, la prise de produit pour éviter le syndrome de sevrage, le
besoin d'augmenter les doses pour atteindre le même effet et la place
centrale prise par le produit dans la vie du consommateur.
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