Introduction
Ce mémoire répond à une demande de
diagnostic pour l'Atelier Santé Ville (ASV) d'Aix en Provence. Les ASV
ont pour but de réduire les inégalités sociales de
santé à un niveau local. Selon Joubert, Chauvin et Richard
(2010), les diagnostics locaux sont l'un des outils clés des ASV. Ils
servent à explorer des facteurs de vulnérabilité de la
population (ici les jeunes) et les facteurs facilitateurs. Cette année,
la thématique « addictions » précédemment
gérée de façon indépendante, est ajoutée au
champ d'intervention de l'ASV. Il est donc nécessaire de recueillir des
données locales. La demande de diagnostic est intégrée au
cadre de l'action RAAP (Réseau Adultes-Acteurs de Prévention des
conduites à risque des jeunes) du Contrat Urbain de Cohésion
Sociale de la ville d'Aix en Provence, menée par le PAEJ et TREMPLIN
(Annexe 1). Ainsi, le diagnostic portera sur la thématique « jeunes
et addictions », en consultant les acteurs de proximité en charge
de la population jeune du territoire sur leurs représentations de la
situation, leurs besoins et attentes en terme de prévention des
conduites à risque. L'accent étant particulièrement mis
sur les comportements addictifs : alcool, tabac, substances illicites et
addictions « sans produits » (jeux, nouvelles technologies).
Nous proposons donc de répondre à cette demande
en nous appuyant sur des théories de la psychologie sociale de la
santé. Selon Morin et Apostolidis (2002, p.465), « La Psychologie
Sociale de la Santé propose un ensemble de savoirs dans le domaine de la
santé et de la maladie s'appuyant à la fois sur les outils
théoriques et méthodologiques de la Psychologie (Psychologie
Sociale, Psychologie de la Santé, Psychologie Clinique) et sur les
approches des Sciences Sociales (Épidémiologie, Sociologie,
Économie, Anthropologie, ...). Elle est centrée sur
l'étude et la résolution des problèmes de santé
dans les différents contextes sociaux et culturels dans lesquels ils se
manifestent. »
Nous nous sommes donc appuyés méthodologiquement
sur la triangulation et sur une approche psychosociale des conduites addictives
des jeunes. Grâce à ces concepts, nous nous proposons d'apporter
un éclairage sur l'approche des professionnels au sujet des conduites
addictives des jeunes sur le territoire Aixois.
Contextualisation de la recherche
1. Qu'est-ce qu'un jeune ? Un ou plusieurs jeunes ?
C'est entre la fin XIXe et le début du XXe
siècle, avec le développement de l'enseignement secondaire, que
l'on a vu apparaître, chez les jeunes de milieux aisés, une
période de transition entre l'enfance et l'âge adulte. Naît
la notion d'adolescence. Cette période de transition va ensuite,
après la seconde guerre mondiale, se répandre progressivement,
avec la massification de l'enseignement, à l'ensemble des couches
sociales. Dans son appréhension, l'adolescent est alors
psychologisé, marginalisé. En effet, limitées à cet
aspect pubertaire, les études du XIXe siècle sur l'adolescence se
sont attelées à déceler les « troubles causés
par la puberté » (goût du viol, agitateur politique, etc.)
afin d'essayer d'y remédier. L'approche psychologique de la
première moitié du XXe siècle va continuer dans cette
direction en focalisant sur la « crise d'adolescence », ou
« crise d'originalité juvénile » (Hall, 1905
& Debesse, 1941, cités par Evart-Chmielnski, 1958, p.419). Dans
l'entre deux guerres, avec Parsons (1942 cité par Galland, 2002),
naît la sociologie de la jeunesse aux États-Unis
et il faut attendre la fin des années 60 pour que cette
appréhension réductrice de « période de crise »,
soit remise en question. Avec Edgar Morin, (1962, 1965, cité par
Galland, 2011) la jeunesse est appréhendée sous un angle
culturaliste : la jeunesse comme sous-culture. Puis, en 1980, Bourdieu, propose
une vision idéologique : « la jeunesse n'est qu'un mot. »
(p.143). La catégorie jeunesse est analysée comme l'enjeu et le
résultat de luttes de pouvoir et de classement entre les
générations. Mais les visions fonctionnalistes, culturalistes ou
idéologiques ne satisfont pas les nouveaux sociologues français
qui, comme Galland (2011), proposent de définir la jeunesse autrement.
En effet, la jeunesse est souvent abordée selon des tranches d'âge
(Le garrec, 2002). Ainsi, d'après la psychologie, les sciences de
l'éducation et les enquêtes de santé publique, la jeunesse
peut être plus ou moins découpée en trois âges, selon
trois critères : préadolescence (vers 11 ans, capacités
à raisonner ), adolescence (vers 15 ans, évolutions
physiologiques) et post-adolescence (vers 25 ans, indépendance
assumée). Pour Galland (2011), la jeunesse serait un passage entre un
âge et un autre, comme un « temps » dans le cycle de vie.
Percevoir la jeunesse comme ce moment de transition entre la période
d'identification aux parents (l'enfance) et celle où
les individus ont construit leur propre identité et
leurs propres normes (l'adulte), implique pour la sociologie de la jeunesse
d'en faire un « processus de socialisation » et non
plus une simple « catégorie ». Cette approche est
critiquée par les tenants d'une approche « identitaire » de la
jeunesse, tel De Singly (2000).
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