2. L'ÉLABORATION D'UNE PROBLÉMATIQUE EN
LIEN AVEC DES CONCEPTS ET THÉORIES DU CHAMP DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE DE
LA SANTÉ.
2.1. L'alimentation, un objet de la psychologie de la
santé
Selon Fischer et Tarquinio, 2006, la psychologie de la
santé peut être définie comme l'étude de la
santé et de la maladie centrée sur l'importance et le rôle
de l'interdépendance des facteurs psychologiques, sociaux et biologiques
dans le maintien de la santé ou le déclenchement et
l'évolution des maladies.
Selon l'OMS, la santé est : « un état de
complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas
seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. »
Or, on mange, à la fois, pour rester en vie, en bonne
santé, mais aussi pour éviter la maladie, pour partager avec les
autres et pour avoir du plaisir. L'alimentation et la santé sont donc
fortement reliées : On peut définir le fait de manger comme un
comportement de santé (Kasl et Cobb, 1966)
2.2. Alimentation et représentations sociales
Comme nous l'avons vu plus haut, l'alimentation n'est pas
seulement un besoin physiologique. Comme le dit Lahlou S, 1998 « C'est
aussi une activité sociale, culturelle, symbolique et
cognitive ». En effet, là où les sciences exactes
(physiologie, nutrition...) voyaient du « comportement alimentaire »,
on perçoit finalement des pratiques sociales et là où on
parlait de « superstitions », d'ignorance, ce serait plutôt en
réalité, des croyances et des représentations. Cette
notion de représentations sociales est née de la
notion de représentation collective (Durkeim 1895,
1898) et a été conceptualisée par Moscovici à
l'occasion de son étude princeps sur la psychanalyse. (Moscovici 1961).
Mais pour Moscovici, les représentations seraient des données
relevant de l'activité cognitive des groupes et des individus dans des
contextes particuliers et non pas des données collectives mentales qui
s'imposeraient aux personnes, comme pour Durkeim.
En effet, les représentations sociales désignent
« l'élaboration d'un objet social par une communauté avec
l'objectif d'agir et de communiquer » (Moscovici, 1963). Selon Jodelet,
1989, elles sont reliées à des systèmes de pensée
plus larges (idéologiques ou culturels), à un état des
connaissances scientifiques, comme à la condition sociale et à la
sphère de l'expérience privée et affective des individus.
Ce ne sont donc pas les caractéristiques objectives des objets qui font
de ceux-ci des objets sociaux, mais la relation que les
personnes entretiennent avec ceux-ci. Selon Lalhou, 2002, la
représentation sociale peut être définie comme «
l'ensemble organisé des connaissances, des croyances, des opinions,
des images et des attitudes partagées par un groupe à
l'égard d'un objet social donné. »
Les représentations auraient plusieurs fonctions :
- Savoir : Elles permettent de comprendre et
d'expliquer la réalité.
- Orientation des conduites et des comportements
: le comportement des individus serait déterminé par
quatre composantes de leur représentation de la situation :
représentation de soi, du contexte, de la tâche et des autres. Ces
composantes agissent sur la signification de la situation pour les sujets et
induisent donc les comportements (Doise 1969). L'individu se servirait donc des
représentations comme d'un mode d'emploi du monde, en
les appliquant localement, tel un guide pour l'action. Par
exemple, le porc est vu comme comestible pour les chrétiens et non pour
les musulmans, un musulman ne mangera donc pas de porc. Selon Moliner (1993),
les objets qui apparaissent sous différentes formes dans notre
société, sont ceux qui sont le plus susceptibles de produire une
activité représentationnelle dans les groupes.
- Constitution et renforcement de l'identité :
Elles définissent l'identité et permettent la sauvegarde
de la spécificité des groupes. La représentation est
générée collectivement et partagée par les
individus de ce groupe. Lorsque l'objet de la représentation est en
relation directe avec des pratiques importantes pour le groupe, la
représentation joue un rôle essentiel dans la constitution d'une
identité sociale et la réduction d'éventuels conflits
identitaires.
- Justification des comportements et des prises de
décisions : la représentation peut par exemple permettre
au groupe de se donner bonne conscience : la représentation
négative de l'autre groupe justifie l'hostilité du comportement
adopté à l'égard de celui-ci. (Doise 1969)
Abric, (1976) et Flament, (1987), ont proposé
d'enrichir la théorie de Moscovici. Ils sont partis de son idée
du « schéma figuratif » (image concentrée qui capte
l'essentiel du concept, théorie ou idée qu'il s'agit
d'objectiver) pour aboutir au concept de « noyau central ». En effet,
la représentation sociale serait composée de deux systèmes
: le système central et le système périphérique qui
sont complémentaires et qui permettent de comprendre le fonctionnement
interne des représentations sociales.
Le système central est stable,
collectivement partagé, résistant au changement et peu sensible
au contexte. Il est l'élément fondamental de la
représentation, car c'est lui qui détermine à la fois la
signification et l'organisation de la représentation.
Il posséde deux fonctions essentielles :
- fonction génératrice : il est ce par quoi les
autres éléments constitutifs prennent un sens.
- Fonction organisatrice : il détermine la nature des
liens qui unissent entre eux les éléments de la
représentation.
Le repérage de ce noyau central permet donc de comparer
des représentations entre elles.
Le système périphérique
est souple, supporte l'hétérogénéité du
groupe, est lié aux histoires individuelles, est évolutif et
sensible au contexte. Il est composé de différents
éléments hiérarchisés (plus ou moins proches du
noyau central). Les plus proches jouent un rôle important dans la
signification de la représentation et les plus éloignés
explicitent, illustrent, justifient cette représentation. Ainsi, les
éléments périphériques répondent à
trois fonctions :
- fonction concrétisation : ils intègrent les
éléments de la situation dans laquelle se produit la
représentation.
- Fonction régulation : adaptation de la
représentation aux évolutions du contexte.
- Fonction défense : modification des
éléments périphériques afin d'éviter la
modification du noyau central.
Les représentations sociales servent de guide pour les
pratiques sociales et celles-ci sont un facteur de transformation des
représentations sociales. En ce sens, connaître les
représentations sociales permet donc de mieux comprendre les pratiques
des gens et éventuellement de les modifier.
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