La protection juridique des populations civiles dans les conflits armés internes( Télécharger le fichier original )par Jean Paul Malick Faye Université Gaston Berger de Saint- Louis - Maitrise 2009 |
Chapitre I : Les garanties généralesLes garanties générales s'appliquent à toutes les personnes civiles. Elles concernent les garanties fondamentales, qui définissent les conditions générales de traitement des civils (Section 1), et les garanties relatives à la conduite des hostilités (Section 2).
Section 1 : les garanties fondamentales
Les garanties fondamentales s'appliquent sans distinction de caractère défavorable. Ce principe est consacré par l'article 4 du P.2. Qui stipule que : «Toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités, qu'elles soient ou non privées de liberté, ont droit au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs convictions et de leurs pratiques religieuses. Elles seront en toutes circonstances traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable ». La notion de «distinction de caractère défavorable» signifie que si la discrimination entre les personnes est interdite, il est néanmoins possible d'établir des distinctions pour accorder la priorité aux personnes dont les besoins de soins sont les plus urgents. Son équivalent dans le domaine des droits de l'homme est le principe de non discrimination consacré dans les grands traités des droits l'homme5(*). Ce sont d'une part les garanties d'un traitement humain (Paragraphe1) et les garanties en faveur des personnes privées (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les garanties d'un traitement humainL'exigence de traiter les civils avec humanité est une notion primordiale dans les conflits armés internes. Même si la notion « traitement humain » n'est pas explicitée, il est généralement admis que les règles inscrites dans l'article 3 commun et dans le P.2, ainsi que dans les traités des droits de l'homme, lui donnent un contenu, qui s'articule autour de l'interdiction de porter atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle (A), et l'interdiction de porter atteinte à la dignité de la personne (B).
A/ L'interdiction de porter atteinte à la vie et à l'intégrité corporelleL'article 3 commun interdit «les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitement cruels, tortures ou supplices ». L'interdiction de porter atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle, est également reconnue comme garantie fondamentale par le P.2. Ainsi aux termes de l'article 4 par. 2 al. a : « ...sont et demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu... les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ». Le meurtre constitue un crime de guerre en vertu du Statut de la CPI, dans les conflits armés non internationaux, ainsi que selon les Statuts du TPIY et du TPIR et du TSSL6(*). Le meurtre des civils est aussi interdit par le DIDH bien qu'en des termes différents. Citons comme exemple la charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui dispose en son article 4 que : « la personne humaine est inviolable. Tout être humain à droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être arbitrairement privé de liberté ». En outre ces traités n'autorisent aucune dérogation à cette interdiction qui est donc applicable en tout temps. La charte africaine n'autorise aucune dérogation même en cas d'état d'urgence, et l'article 15 de la convention européenne des droits de l'homme (1950) dispose que le droit à la vie ne peut faire l'objet d'aucune dérogation sauf pour « des actes licites de guerre » dans une situation équivalant à un conflit armé. Cependant, l'interdiction de la « privation arbitraire du droit à la vie » au regard du droit des droits de l'homme, recouvre aussi le fait de tuer des civils, sans que cela soit justifié par les règles relatives à la conduite des hostilités. Dans l'avis consultatif qu'elle a rendu dans l'affaire des Armes nucléaires, la CIJ a déclaré que «c'est toutefois, en pareil cas, à la lex specialis applicable, à savoir le droit applicable dans les conflits armés, conçu pour régir la conduite des hostilités, qu'il appartient de déterminer ce qui constitue une privation arbitraire de la vie». Les atteintes à l'intégrité corporelle englobent ici, la torture, les traitements cruels ou inhumains et les peines corporelles. Ces atteintes constituent des crimes de guerre dans les conflits armés non internationaux en vertu des Statuts de la CPI, du TPIR et du TSSL7(*). L'interdiction de la torture et des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants est inscrite dans les traités généraux des droits de l'homme8(*), ainsi que dans des traités spécifiques ayant pour objet de prévenir et de sanctionner ces pratiques9(*). Selon ces instruments, cette interdiction ne peut faire l'objet d'aucune dérogation. La torture est définie par les éléments des crimes du Statut de la CPI (2000) comme consistant à infliger «une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales», afin par exemple «d'obtenir des renseignements ou des aveux, de punir, d'intimider ou de contraindre; ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination, quelle qu'elle soit». Contrairement au droit des droits de l'homme - par exemple l'article premier de la Convention contre la torture -, les éléments des crimes n'exigent pas que cette douleur ou ces souffrances soient infligées «par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite». L'expression «traitement inhumain» est définie par les éléments des crimes du Statut de la CPI comme le fait d'infliger «une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales». L'élément qui distingue le traitement inhumain
de la torture est l'absence du critère stipulant que le traitement doit
être infligé avec une finalité précise. Le TPIY a
utilisé une définition plus large, considérant que le
traitement inhumain est un traitement qui «cause de grandes souffrances ou
douleurs physiques ou mentales ou qui constitue une atteinte grave à la
dignité humaine»10(*). L'élément «atteinte grave
à la dignité humaine» n'a pas été inclus dans
la définition du traitement inhumain dans les éléments des
crimes du Statut de la CPI parce que ces atteintes sont couvertes par le crime
de guerre d'«atteintes à la dignité de la
personne». Dans son Observation générale sur l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des Nations Unies pour les droits de l'homme a déclaré que l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant «doit s'étendre aux peines corporelles, y compris les châtiments excessifs infligés à titre de sanction pénale ou de mesure éducative ou disciplinaire»11(*). Est également considérée comme garantie fondamentale d'un traitement humain, l'interdiction de porter atteinte à la dignité (B) * 5 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), art. 2, par. 1 ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), art. 2, par. 2 et 3 ; Convention européenne des droits de l'homme (1950), art. 14 ; Convention américaine relative aux droits de l'homme (1969), art. premier, par. 1; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981), art. 2 ; Convention sur l'élimination de la discrimination raciale (1965), art. 2 ; Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (1979), art. 2 ; Convention relative aux droits de l'enfant (1989), art. 2, par. 1. * 6 Statut de la CPI (1998), art. 8, par. 2, al. c) i) ; Statut du TPIY (1993), art. 2, al. 1 a) ; Statut du TPIR (1994), art. 4, al. 1 a); Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (2002), art. 3, al. 1 a) * 7 Statut de la CPI (1998), art. 8, par. 2, al. c), lettres i) et ii) ; Statut du TPIR (1994), art. 4, al. 1, lettres a) et e); Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (2002), art. 3, al. 1, lettres a) et e). * 8 Voir Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 7 ; Convention européenne des droits de l'homme, art. 3 ; Convention américaine relative aux droits de l'homme, art. 5, par. 2; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 5 ; Convention relative aux droits de l'enfant, art. 37, al. 1 a) * 9 Voir Convention contre la torture (1984) ; Convention interaméricaine contre la torture (1985) et Convention européenne pour la prévention de la torture (1987). * 10Voir TPIY, affaires Le Procureur c. Zejnil Delaliæ et consorts, jugement et Le Procureur c. Dario Kordiæ et Mario Cerkez, jugement. * 11 Comité des Nations Unies pour les droits de l'homme, Observation générale n° 20 (art. 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). |
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