La protection juridique des populations civiles dans les conflits armés internes( Télécharger le fichier original )par Jean Paul Malick Faye Université Gaston Berger de Saint- Louis - Maitrise 2009 |
SommaireAbréviations Introduction 1e partie : Les garanties de protection des populations civiles dans les conflits armés internes Chapitre I : Les garanties générales Section 1 : les garanties fondamentales Paragraphe 1 : Les garanties d'un traitement humain Paragraphe 2 : Les garanties en faveur des personnes privées de liberté Section 2 : les garanties en fonction de la conduite des hostilités Paragraphe 1 : Le principe de la distinction Paragraphe 2 : La limitation des méthodes et moyens de combat Chapitre II : La protection des personnes vulnérables
Section 1 : La protection de l'enfant Paragraphe 1 : La protection de l'enfant contre les effets des hostilités Paragraphe 2 : L'exigence d'une protection particulière Section 2 : La protection de la femme Paragraphe 1 : La protection contre les abus de pouvoir Paragraphe 2 : La protection en tant que mère ou future mère 2e partie : la mise en oeuvre des garanties de protection dans les conflits armés internes Chapitre I : La mise en oeuvre au niveau national Section 1 : L'action préventive Paragraphe 1 : Le rôle des Etats Paragraphe 2 : Le rôle du CICR
Section 2 : La répression nationale des violations du DIH Paragraphe 1 : La compétence classique des juridictions nationales Paragraphe 2 : La compétence universelle des juridictions nationales
Chapitre II : La mise en oeuvre au niveau international Section 1 : Le contrôle du respect des garanties de protection Paragraphe 1 : L'enquête institutionnelle de la CIHEF Paragraphe 2 : Les procédures développées en dehors du droit humanitaire
Section 2 : La répression internationale des violations graves du DIH Paragraphe 1 : Le cadre de répression des violations graves du DIH Paragraphe 2 : Les obstacles dans la répression internationale des violations du DIH Conclusion Abréviations- CICR : Comité international de la Croix Rouge - CIHEF : Commission Internationale Humanitaire d'Etablissement des Faits - CIJ : Cour internationale de justice - CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale - CPI : Cour Pénale Internationale - DIDH : Droit International des Droits de l'Homme - DIH : Droit International Humanitaire - GM : Guerre Mondiale - OEA : Organisation des Etats d'Amérique - OMS : Organisation Mondiale de la Santé - ONG : Organisation Non Gouvernementale - ONU : Organisation des Nations Unies - P.1 : Protocole additionnel aux conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux - P.2 : Protocole additionnel aux Convention de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux - RDC : République Démocratique du Congo - RICR : Revue International de la Croix-Rouge - TPI : Tribunal Pénal International - TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda - TPIY : Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie - TSSL : Tribunal Spécial pour la Sierra Leone - UA : Union Africaine Ces deux dernières décennies ont été marqué par une multiplication des conflits armés internes à travers le monde, tandis que les guerres entre Etats ont presque disparues, partiellement sous l'effet d'un équilibre durable entre « super grands » naguère encore qualifié d'équilibre de la terreur. C'est ainsi que l'on recense péniblement une demi-douzaine de conflits de ce type, alors que plus de trente conflits de pouvoir, de territoire, de minorités, de religions ensanglantent la planète. Les conflits internes ne sont plus de nos jours ce qu'ils étaient au temps d'Henry Dunant. Apres les conflits internes politiques, après les conflits internes « périphériques », plus ou moins idéologiques, voici venus les conflits armés internes de la troisième génération, largement endogènes et qui déstructurent des Etats. Dans ce contexte, les victimes les plus nombreuses sont justement les civils. En effet, ces derniers ne sont pas épargnés par la violence des combats, que ce soit en raison de la dispersion des armes, d'erreurs dans l'identification des objectifs, d'attaques indiscriminées les frappant aussi bien que des objectifs militaires ou encore d'attaques dirigées délibérément contre eux, dans le but de les terroriser ou par mesures de représailles. En interrompant les communications, en dispersant les familles et précipitant des populations affolées sur le chemin de l'exile, la guerre va également frapper les populations civiles à travers la rupture des liens affectifs et la destruction du tissu familial. Pourchassées pour leurs appartenance ethnique, elles peuvent aussi être simplement visées parce qu'elles représentent un enjeu. Face à une telle situation, le droit international et en particulier le DIH., ne pouvaient rester indifférents quand au sort des populations civiles dans les conflits armés internes. Il existait un besoin clair, de règles internationales, qui limitent les conséquences de la guerre pour les populations et leurs biens, et qui protègent certains groupes de personnes particulièrement vulnérables. Dés le début du XXe siècle, il existait déjà des règles sur le traitement des civils en période de guerre: le règlement de La Haye de 1907 contenait des dispositions sur la conduite des puissances occupantes. Les conventions de la Haye de 1899 et 1907 comprenaient également des dispositions, qui accordaient une certaine protection aux civils. Le 12 août 1949, quatre conventions furent adoptées à Genève, qui sont devenues aujourd'hui le fondement du DIH1(*). Néanmoins, les gouvernants ont fait obstacle à l'application des règles du droit de la guerre aux conflits armés internes. Lorsqu'ils s'y sont résolus, ce fut dans les limites très étroites de l'article 3, commun aux quatre conventions de Genève précédemment cité. La modestie de la protection accordèe par l'article 3 commun, était cependant la contrepartie nécessaire à l'extension du DIH, dans un domaine jusque là jalousement conservé à la souveraineté des Etats et à l'application des dispositions du droit interne. Plutôt qu'un aboutissement, ce pouvait être aussi le point de départ d'une extension progressive des règles du droit de la guerre aux conflits armés internes. Réunie à Genève entre 1974 et 1977, la conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du DIH applicable dans les conflits armés, à consacré ce point de vue le 8 juin 1977, en adoptant un protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes dans les conflits armés non internationaux, et par là des populations civiles. Mais qu'entend-on par protection juridique ? Cette dernière peut avoir plusieurs sens en droit, allant de la protection civile à la protection judiciaire ou sociale. En ce qui nous concerne la protection juridique signifie ici l'ensemble des mesures, des dispositions juridiques qui visent à préserver les populations civiles des effets de la guerre. Le DIH., dont l'objectif est de maintenir un minimum d'humanité dans la guerre, en mettant à la charge des belligérants des obligations très précises, a prévu un système de protection des populations civiles dans les conflits armés internes. Il s'avère toutefois difficile, de faire la distinction dans de tels conflits, entre la population civile normale et ceux qui combattent. Dans une guerre où des civils ont pris les armes contre d'autres civils, sans que les combattants caractérisés - groupes armés organisés - ne soient hors du jeu, comment déterminer qui, de la population, participe ou non au conflit ? Le droit en vigueur ne contient aucune disposition, précisant sans ambiguïté, qui peut être considéré comme combattant au cours de tels conflits. L'article 3 et son protocole, n'établissent pas un statut spécifique du combattant dans les conflits internes. Il ne prévoit pas d'avantage, qu'une institution ait compétence pour le faire, qui soit extérieure au conflit et libre de tout lien avec l'une des parties aux prises. Sans doute, l'article 3 fait il directement allusion à la distinction entre combattants et population civile, lorsqu'il se réfère « aux personnes qui ne participent pas directement aux hostilités ». L'équivoque sur la signification de cette expression, pèse sur le sort des populations civiles, dont la situation est particulière en période de guerre. Car, bien que la 2e G.M. ait prouvée que la participation de celle-ci n'était pas propre aux seuls conflits internes, il convient d'admettre, que par la force des choses, elle y est d'avantage active. Le caractère direct de la participation aux hostilités, a fait l'objet de diverses interprétations, qui se rattachent à deux conceptions générales. L'une est très restrictive, elle vise uniquement les membres de la population civile, qui participent physiquement à des combats, sans pour autant appartenir aux forces armées. L'engagement physique dans les combats est le seul critère de la participation directe aux hostilités. Il permet de déterminer, ceux qui au sein de la population civile, perdent le bénéfice de la protection qui s'attache à l'appartenance à celle-ci, du fait de leur acte et prennent le risque de se voir infliger des sanctions identiques à celles que les parties réservent aux membres des forces armés, ou des groupes armés organisés qu'elles capturent.
Cette conception ne tient toutefois pas compte des conditions dans lesquelles se déroulent ces types de conflits. L'extension de la guérilla sous sa forme urbaine rend inévitable l'existence de relations étroites, et souvent continues entre la population et les combattants, puisque sa stratégie et son intérêt comme méthode de lutte, se fondent sur l'appui que la population peut fournir aux guérilleros. Cela implique que certaines attitudes ou actions, autres que l'engagement physique dans les combats, peuvent mener à la victoire ou à la défaite de l'une ou l'autre des parties. L'adversaire n'est donc plus seulement celui qui participe physiquement à des combats. La conception extensive favorise l'application de la notion de participation directe, à un nombre de civils beaucoup plus important. Deux idées se sont dégagées. Selon la première, la participation directe suppose une attitude active, par rapport à une attitude passive. Selon la deuxième, la notion d'aide est décisive, puisqu'elle est le prolongement naturel d'un engagement physique dans les combats. Cette conception extensive, favorise le concept de guerre totale et constitue la justification des actes de terrorisme, qui réduisent à néant la distinction opérée entre les membres des forces armées et groupes armés organisés et la population civile. Le fait que les délégations à la conférence diplomatique, aient maintenu l'expression « participation directe », incite à croire qu'elles se sont rendues compte, du danger que la notion de « participation active » ou « d'aide », faisait planer sur l'application du DIH. Dans la pratique, certains membres de la population civile peuvent être considérés comme combattants, en raison de la nature de leurs activités. C'est le cas de ceux- la, qui sont liés à l'effort militaire et économique2(*). Ces activités sont les plus propres à déterminer ceux qui participent directement aux hostilités. Sans que cela soit excessif à première vue, elle semble favoriser celles-ci, en permettant qu'elles se développent ou à tout le moins qu'elles se poursuivent. Il est nécessaire cependant de déterminer le degré réel de l'intention qui les motive. L'expression effort militaire et économique, invite à limiter les activités économiques, susceptibles d'être retenues à raison de leur rapport avec le potentiel militaire, en prenant celui-ci dans son sens le plus étroit, c'est-à-dire la production d'armements. Mais si les activités liées à l'armement attisent les hostilités, encore faut-il que ce soit le véritable mobile de ceux qui les exercent. A moins qu'elles affirment ouvertement leur intention de contribuer au succès de l'une des parties, les personnes qui travaillent dans des fabriques d'armes, sans avoir d'influence sur la direction et les choix de celles-ci, doivent être considérées comme non combattantes. Les membres de la population civile exerçant des fonctions politiques ou administratives, peuvent également être considérés comme participant directement aux hostilités. En effet les parties en conflit considèrent comme ennemis, ceux qui reconnaissent avoir des responsabilités dans le camp adverse, ou qui prennent publiquement position en sa faveur. Mais il arrive fréquemment, que les parties ne s'embarrassent pas de savoir si des civils ont adopté une position aussi nette. Des responsabilités dans le fonctionnement des institutions suffisent à faire passer, ceux d'entre eux qui les exercent, pour des sympathisants de l'ennemi. Cela vaut pour les personnes investies de mandat politique, mais cela touche également le personnel des services administratifs. L'appartenance à ceux-ci, constitue souvent le prétexte pour la partie rebelle, d'étendre sensiblement le nombre des civils qui participent directement aux hostilités. Tenant compte de ce que les parties peuvent admettre dans la réalité d'un conflit armé, et des exigences du DIH., seuls quelques hauts fonctionnaires et hommes politiques devraient être considérés comme tels. Ce sont ceux qui se trouvent dans l'entourage immédiat du chef de l'Etat et du chef du gouvernement, et ceux qui constituent l'équipe, dont s'entourent les ministres en prise directe avec le conflit c'est-à-dire le ministre des forces armées et le ministre de l'intérieur. Les parties en conflit, ne limitent pourtant pas toujours la participation directe à ces deux catégories de civils. Elles considèrent qu'il n'est pas nécessaire d'exercer une activité liée à l'effort militaire et économique ou au fonctionnement des institutions, pour perdre le bénéfice de la protection qui s'attache, à ceux qui restent en dehors du conflit. Elles étendent ainsi la participation directe au conflit, à la population civile sous contrôle de l'une des parties. Pour chaque partie, la population civile sous le contrôle de l'adversaire, constitue un complice présumé de celui-ci. L'exemple de certains conflits, interdit d'écarter comme académique, les observations relatives à cette catégorie. Le massacre de dizaine milliers de civils par les « khmers rouges » dans le conflit cambodgien qui s'est déroulé de 1970 à 1975, en est une illustration. En Afrique, fréquemment des civils sont l'objet d'exaction, voire même de génocide pour leur appartenance à un groupe ethnique donné (le massacre des massalit, des zaghwa, et des four par les milices janjaweeds au Soudan, le Rwanda en 1994), ou sans fournir aux combattants une aide directement liée à l'armement, ils entrent en contact avec ceux-ci, en leur donnant le gîte, la nourriture... Pareilles relations, ne nous semble pas pouvoir justifier que ces civils soient considérés comme participants directement aux hostilités. Même intentionnelles, leurs attitudes peuvent ne pas avoir pour effet d'attiser les hostilités et de favoriser les combattants d'une des parties au détriment des autres. Ils agissent le plus souvent sous la contrainte et la menace. Ce ne sont ni des actes guerriers, ni des manifestations de convictions politiques. L'examen des diverses interprétations de la notion de participation directe aux hostilités, montre la difficulté qu'il y a d'en établir une signification suffisamment réaliste, pour être respectée en cas de conflits. En fait, la participation doit être considérée comme un simple élément d'approche, pour la recherche de la définition la plus acceptable possible, de la participation directe aux hostilités, sans pour autant lui être substituée. Dans cette perspective, nous pensons que les personnes civiles, auxquelles l'expression contenue dans l'article 3 est applicable, sont celles qui, sans appartenir à des forces armées ou à des groupes armés organisés, ne s'engagent pas physiquement dans les combats et celles qui aident les forces armées, mais dont l'intention n'est pas d'attiser les hostilités en raison de leurs activités. A ce stade de notre étude, il convient de préciser le concept de conflit armé interne, qui détermine l'applicabilité de l'article 3 et de son protocole, contrairement aux conflits armés internationaux. Sans doute, est-il parfois difficile de ranger avec certitude un conflit armé dans l'une de ces deux catégories juridiques, autour desquelles s'ordonne l'application très différenciée des règles du droit de la guerre. Aucune définition du conflit armé interne, n'a d'ailleurs été unanimement acceptée. Au sein de la doctrine, on lui préfère encore l'expression « guerre civile »3(*). Mais le désaccord le plus profond, porte sur la qualification juridique de certains conflits, présentés par les uns comme internationaux, mais considérés comme non internationaux par les autres. Le statut des guerres de libération nationale a été au centre des débats. Le succès du concept de guerre de libération nationale, a en effet altéré la portée du critère de l'Etat jusque là déterminant, puisque la distinction entre les conflits armés internes et les conflits armés internationaux, s'identifiait communément à l'opposition entre les conflits armés interétatiques et les conflits armés non interétatiques. La doctrine s'est-elle d'ailleurs proposée de les distinguer de façon plus précise. Elle a multiplié les termes susceptibles de mieux faire ressortir la variété des situations. Ainsi les auteurs parlent-ils des conflits armés internationalisés, des conflits armés internationaux mais non interétatiques, des conflits armés strictement internes, des conflits armés réputés internationaux, des conflits mixtes, des conflits composés, des conflits armés entre quasi Etats... Cette multiplication d'appellation, tendant à mieux distinguer les conflits armés en fonction de leurs divers aspects, peut déboucher sur un outil méthodologique intéressant. Nous n'aborderons cependant pas l'étude de la typologique des conflits armés. La reconnaissance de la nature internationale des guerres de libération nationale, revêt en effet un caractère exceptionnel, et peut être provisoire parce qu'elle est liée à une situation historique, et à des considérations politiques particulières. Mais ce débat n'a pas manqué de porter aussi, sur le problème que pose l'intervention des forces extérieures sur le territoire d'un Etat, en proie à un conflit armé. Les années récentes ont confirmé cette tendance en l'amplifiant : soit que des Etats tiers, interviennent directement ou indirectement aux cotés des parties aux prises, soit que les conflits armés internes, revêtent une importance telle qu'ils ont inévitablement, des répercussions hors des frontières des Etats qui en sont la proie, et par là même intéressent la communauté internationale. Signalons que la participation d'un Etat tiers à un conflit armé interne, à l'invitation du gouvernement, est licite sur le plan du droit international. En revanche, l'intervention aux côtés des insurgés constitue une ingérence illicite dans les affaires intérieures de l'Etat concerné ; elle est donc contraire au droit international. La situation se présente comme suit, par rapport au droit applicable : · Entre gouvernement et insurgés, l'article 3 et le P.2 deviennent applicables. · Entre un gouvernement, et un Etat qui intervient au côté des insurgés, c'est le droit des conflits armés internationaux qui s'applique. · Entre un Etat, qui intervient aux côtés du gouvernement, et les insurgés, l'article 3 et le P.2 deviennent applicables. · Entre les Etats qui interviennent des deux côtés, le droit des conflits armés internationaux est valable. Mais la conférence diplomatique a montré que la distinction classique entre les conflits armés internes et les conflits armés internationaux, demeurait fondamentale pour les Etats. Les conflits armés internes peuvent donc être définis, comme des affrontements armés qui se déroulent dans les limites de la juridiction d'un Etat, c'est-à-dire sur le territoire d'un seul Etat, et ce entre le gouvernement, d'une part, et des groupements armés insurgés, d'autre part ou entre des groupes armés organisés. Exception faites des conflits armés dans lesquels; « les peuples luttent contre la domination coloniale, l'occupation étrangère et les régimes raciste, dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, consacré dans la charte des Nations Unies et dans la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la charte des Nations Unies »4(*). L'article 1 du P.2, stipule à cet effet que : « Le présent Protocole... s'applique à tous les conflits armés qui ne sont pas couverts par l'article premier du protocole additionnel aux conventions Genève, du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (P.I), et qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'ils leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole ». Cet article limite ainsi l'applicabilité du P.2, aux conflits armés internes, dont le déroulement sera similaire à celui des conflits armés interétatiques traditionnels. Ainsi, y'aura-t-il dorénavant deux types de conflits internes au sens du DIH. Le droit applicable distinguera, entre les conflits couverts non seulement par l'article 3, mais encore par l'ensemble des dispositions du P 2, et les conflits qui resteront couverts par le seul article 3, parce qu'ils ne satisfont pas aux conditions matérielles d'application du P.2. Les conflits internes, doivent également être distingués des situations de troubles et de tensions intérieures, auxquelles le droit de la guerre ne s'applique pas. Cette distinction n'est pas toujours aisée à faire. En effet la plupart de ces conflits, résultent de troubles intérieurs graves qui dégénèrent, sans qu'il soit toujours possible d'établir avec certitude, le moment où ils se transforment en conflit. Bien que ces situations ne soient pas formellement couvertes par le droit des conflits armés, le CICR a tenté d'en donner une définition : « les situations de troubles intérieurs, sont des situations ou, sans qu'il y ait à proprement parlé de conflits armés, il existe cependant sur le plan interne, un affrontement qui présente un certain caractère de gravité ou de durée, et comporte des actes de violence. Ces dernières peuvent revêtir des formes variables, allant de la génération spontanée d'actes de révolte, à la lutte entre des groupes plus ou moins organisés, et les autorités au pouvoir. Dans ces situations qui ne dégénèrent pas souvent en lutte ouverte, les autorités au pouvoir font appel à de vastes forces de police, voire même aux forces armées pour rétablir l'ordre intérieur ». Quand aux situations de tensions intérieures, il s'agit notamment : · des situations de tensions graves (politiques, raciales, religieuses...) · des séquelles d'un conflit armé ou de troubles intérieurs. La protection des populations civiles dans les conflits armés internes, revêt aujourd'hui une importance capitale. Devant la multiplication de ces conflits et face à l'ampleur des destructions, des massacres et des atrocités effroyables que subissent ces populations, il importe plus que jamais de se pencher sur la question. Comme le montre ces propos de Kofi Annan, ex-secrétaire général des Nations Unies : « les victimes des conflits actuels sont non seulement anonymes, mais littéralement innombrables ... La terrible réalité est que, de nos jours, les civils ne sont pas simplement « pris entre deux feux ». Ils ne sont pas non plus des victimes accidentelles ou des« dommages collatéraux », selon l'euphémisme en cours. Bien trop souvent, ils sont délibérément visés ». Tous les droits des populations civiles sont en effet piétinés dans ces sanglantes guerres. Prises en tenaille par les combats, elles sont la proie de malheurs et de souffrances effroyables. Ces conflits se sont par ailleurs développés en beaucoup plus grand nombre que les conflits internationaux, depuis une trentaine d'année, et ce sont les pays africains, marqués par une instabilité institutionnelle permanente et par une extrême violence sociale, qui sont les plus touchés. Actuellement en Somalie, au Soudan, en R.D.C... on dénombre quotidiennement des actes de torture, d'internements arbitraires, de transferts forcés, de prises d'otages, de pillages des biens de personnes sans défense, de viol sous toutes ses formes (prostitution forcée, exploitation sexuelle, fécondation forcée). La violation des règles humanitaires acquiert souvent, dans les conflits internes, le rôle d'arme de choix, dans la stratégie des combattants. Les atrocités humanitaires apparaissent comme l'un des moyens les plus efficaces pour aboutir au résultat souhaité ; « le nettoyage ethnique » d'un territoire donné par exemple. Un tel sujet se justifie également par le fait que d'une part, ces atrocités sont commises dans l'impunité la plus totale. En effet les règles du DIH., à l'instar de toutes les règles du droit international, souffrent de l'absence d'un pouvoir central suffisamment fort, pour obliger les Etats à respecter les règles qui les lient. Le système international ne dispose pas d'institutions comparables aux organes exécutifs et judiciaires des ordres internes. Malgré quelques progrès réalisés en la matière, la contrainte institutionnelle reste embryonnaire en DIH. D'autre part, pour une proportion importante des conflits armés d'aujourd'hui - c'est à dire les conflits internes -, le DIH conventionnel n'est pas assez détaillé, en ce qui concerne la protection des populations civiles. Les règles conventionnelles qui s'appliquent à elles sont en effet beaucoup moins nombreuses que pour les conflits internationaux. Au vue de tout ce qui précède, on peut dés lors se poser la question de savoir, comment le droit international, et en particulier le DIH, protége t'il les populations civiles dans les conflits armés internes? En d'autres termes, quelles sont les garanties juridiques accordées aux populations civiles dans de tels conflits ? Au coeur de la problématique de la protection des populations civiles, se trouve également la question de l'application des règles garantissant cette protection. Quelles sont les mesures de mise en oeuvre de ces garanties, et à qui incombent-elles ? En effet le DIH a mis en place des vagues successives de codification, qui ont engendré un appareil normatif qui vise à protéger ces dernières des effets des hostilités. Mais si le DIH constitue un régime juridique spécialement conçu pour le cas d'affrontements armés durables et organisés, il n'abolit pas pour autant les autres régimes institués par le droit international pour protéger la personne humaine. Dans les situations de conflits armés, le DIDH s'applique donc concurremment au DIH. La complémentarité entre DIH et DIDH a été affirmée par la CIJ. Dans un avis consultatif daté de juillet 2004, elle a déclaré qu'en aucun cas le DIH et les droits de l'homme ne s'excluaient mutuellement. D'après la Cour : « certains droits peuvent relever exclusivement du DIH ; d'autres relever exclusivement des droits de l'homme ; d'autres enfin peuvent relever de ces deux branches du droit international ». Le nombre et l'importance des conflits internes, les conditions de leur déroulement notamment pour les civils, invite donc à s'intéresser avant tout sur les garanties de protection des populations civiles (Première partie). En effet on ne peut protéger juridiquement une personne sans lui concéder des droits. Seulement il ne suffit pas d'accorder des garanties. Celles-ci doivent être mise en oeuvre (Deuxième partie). Les garanties sont un ensemble de principes juridiques qui ont pour but de préserver les prérogatives inhérentes à tout individu. Elles ont pour principales sources le DIH conventionnel et coutumier, mais aussi les instruments juridiques relatifs aux droits de l'Homme, dont certaines règles sont inderogeables même en cas de conflit interne. Pour ce qui est des normes conventionnelles du DIH, il convient de souligner l'importance de l'article 3 commun dont-on a dit qu'il est une « convention en miniature ». En effet il énonce en quoi consiste un minimum de traitement humain et donne une base légale à l'action du CICR ou de tout autre organisme humanitaire impartial, action qui, dans le passé, avait trop souvent été entravée comme constituant une ingérence dans les affaires internes d'un Etat. Le P.2 développe et complète, quant à lui, les garanties consacrées par l'article 3 commun. Pour ce qui est des autres conventions il s'agit entre autres de la convention sur certaines armes classiques, telle qu'amendée, de la convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel... En outre il convient de citer les conventions des droits de l'homme qui accordent elles aussi des garanties de protection aux populations civiles. En effet les droits de l'homme s'appliquent en tout temps, même si certains traités autorisent des dérogations en cas d'état d'urgence, il existe un « noyau dur » dont-on ne peut déroger. Le recours aux droits de l'homme, comme système juridique complémentaire au droit humanitaire, est expressément reconnu par le P.2. Le 2e considérant du préambule établit un lien entre le protocole et les droits de l'homme, en rappelant que : « ... les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, offrent à la personne humaine une protection fondamentale». Toutefois, en cas doute sur le droit applicable, c'est à la lex specialis à savoir le droit applicable dans les conflits armés, conçu pour régir la conduite des hostilités qui prime. En vertu de la lex specialis, nous aborderons l'analyse des garanties de protection des populations civiles en utilisant la terminologie du DIH. En effet ce dernier distingue les garanties qui sont générales, dans la mesure où elles visent à protéger toute la population civile (Chapitre I), de celles qui sont spécifiques à certaines catégories de personnes (Chapitre II). * 1 Convention (I) pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne ; Convention (II) pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés dans les forces armées sur mer ; Convention (III) relative au traitement des prisonniers de guerre ; convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. * 2 L'expression membres de la population civile liés à l'effort militaire et économique, est quelque fois remplacée par celle de quasi-combattants. * 3 .Zorgbibe, C. La guerre civile : Paris, P.U.F, 1975. * 4 Article 1, parag. 4, Protocole additionnel aux Conventions Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, 8 juin 1977. |
|