INTRODUCTION GENERALE:
Toute personne a besoin de s'identifier et d'être
identifiée pour être distingué de ses pairs. Dans l'espace
francophone, notamment au Sénégal, cette identification
s'effectue généralement par un nom de famille, un prénom,
un domicile pour déterminer le lieu où on habite ou la
localisation géographique stable et permanente des sujets de droits. A
cela s'ajoute, la nationalité marquant l'appartenance à un Etat
déterminé et qui est un droit inhérent à toute
personne humaine. Retenons ici, le sujet soumis à notre réflexion
: la nationalité et les droits de l'Homme dans l'espace francophone : le
cas du Sénégal.
Lien politique d'allégeance à un Etat, la
nationalité est une institution essentiellement moderne dans les Etats
francophones notamment au Sénégal. En effet, on ne pouvait parler
de nationalité tant qu'il n'y avait pas d'Etat et dans l'espace
francophone, l'Etat ne date guère que du XIX éme siècle.
Quant aux Droits de l'Homme, il faut entendre ici, le droit à une vie
familiale normale, les droits inhérents aux enfants qui excluent toute
discrimination, toute inégalité entre les Hommes.
Si avant la colonisation et du fait de la subdivision du
territoire en royaumes ou collectivités, il est difficile d'affirmer que
le Sénégal connaissait la notion juridique moderne de la
nationalité, il n'en demeure pas moins que les groupements de personnes
qui peuplaient ces communautés avaient une histoire et des traditions
communes. Cette communauté d'histoires et de traditions qui font que le
Sénégal d'aujourd'hui peut se targuer d'ignorer les conflits
d'ordre social, ethnique ou tribal, a servi de creuset à la naissance
d'une nation.
Colonisés par la France, les sénégalais
ont été considérés pendant cette période
comme « nationaux français ». Les établissements
primitifs de Saint-Louis en 1641, de Gorée en 1677, s'étendirent
peu à peu jusqu'à englober tout le territoire du
Sénégal actuel. Une partie de la population
sénégalaise considérée comme «
indigènes », une autre comme citoyens des quatre communes (Dakar,
Gorée, Rufisque, St-Louis) ou d'origine européenne,
installés dans les zones d'administration directe ou dans les «
pays de protectorat », définitivement supprimés en 1920,
tous les ressortissants du Sénégal étaient de
nationalité française.
Cependant, le régime juridique différait en ce
sens que les " indigènes » étaient régis par les
principes généraux et les citoyens des quatre communes par la
législation qui réglementait les français de souche
métropolitaine. Et ceci jusqu'en 1953 où un décret les
régit tous deux (« indigènes » et citoyens des quatre
communes) sans différence de statut.
Après le référendum de 1958, le
Sénégal et le soudan constituèrent la
fédération du Mali qui adhéra à la
communauté en vertu de la loi fédérale n°59-2 du 04
Avril 1959. Les ressortissants de la fédération restaient de
nationalité française, laquelle était unique pour toute la
communauté, conformément à la décision du 09
Février 1959 du président de la communauté.
Ainsi que la loi constitutionnelle française du 04 Juin
1960 lui en donnait la faculté, la fédération du Mali
proclama son indépendance le 20 Juin 1960. Théoriquement donc,
à compter de ce jour, les sénégalais cessaient
d'être de nationalité française, la conséquence
nécessaire de l'indépendance étant une nationalité
nouvelle. Il y eut cependant une période de transition, car la
constitution fédérale disposait, dans son article 35, que " la
loi fédérale fixe les règles concernant la
nationalité ». Mais cette loi ne vit jamais le jour puisque que la
fédération indépendante dura tout juste trois mois.
D'autre part, dans leurs rapports avec la France, les sénégalais
ne devaient perdre la nationalité française que le jour où
une autre nationalité leur serait " conférée par
disposition générale », conformément à
l'article 152 du code de la nationalité française dans la
rédaction de la loi n°60-752 du 28 Juillet 1960. Or, la
jurisprudence française ne considère pas la seule proclamation de
l'indépendance comme cette " disposition générale ».
Il fallut donc attendre la loi n°61-10 du 07 Mars 1961 "
déterminant la nationalité sénégalaise ».
Le législateur sénégalais même s'il
voulait certainement définir ses nationaux en partant du néant,
sans se référer au régime antérieur,
c'est-à-dire aux textes qui déterminaient la nationalité
française, s'est pour des raisons techniques ou politiques,
inspiré du droit français. C'est ce qui justifie la comparaison
qui sera faite entre législation sénégalaise et
législation française tout au long de ce travail.
Notre étude privilégiant les rapports de
famille, nos recherches n'ont pu porter sur la nationalité des personnes
morales sénégalaises.
De ce sujet, découle un intérêt
théorique. Le code de la nationalité
sénégalaise pour sa part, estime qu'en cas de demande
d'acquisition de la nationalité par
mariage ou par filiation, un privilège doit être
accordé au seul mari ou au père en lui octroyant à lui
seul, le droit de transmission de nationalité par filiation
légitime dés la naissance et par mariage, alors que les
traités et accords internationaux relatifs aux droits de l'Homme
condamnent toute atteinte au principe d'égalité et toute
discrimination à l'égard des femmes.
C'est ainsi que se pose la question de la conformité de
la législation sénégalaise par rapport au droits de
l'Homme ? Si la législation est conforme avec les droits de l'Homme, la
pratique du droit de la nationalité révèle t-elle des
atteintes aux droits de l'Homme ?
Pour une étude plus approfondie, nous parlerons de la
conception coloniale et postcoloniale de la nationalité ainsi que des
conditions d'acquisition de la nationalité sénégalaise.
Compte tenu de la logique tracée dans ce qui
précède, nous étudierons en Titre I De l'attribution de la
nationalité et en Titre II De l'acquisition de la nationalité.
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