La finance islamique: évolution et perspectives( Télécharger le fichier original )par Rachid SOULEIMANI Université Hassan II Casablanca Maroc - Licence fondamentale en sciences économique et gestion 2010 |
CHAPITRE 3 : LE DEVELOPPEMENT DU STSYEME FINANCIER ISLAMIQUECe chapitre traite des différentes voies qui ont été adoptées et qui ont permis l'application de tous les principes et techniques financières développés ci-dessus, en réponse à diverses circonstances historiques et économiques de la seconde moitié du 20éme siècle tant dans le monde musulman que non-musulman. Nous commencerons par un aperçu rétrospectif du développement des différentes institutions financières répondant aux préceptes islamiques et de leur évolution depuis les années 70 dans le secteur privé à travers le monde musulman. Nous verrons également comment la restructuration de tout le système bancaire selon les normes islamiques s'est déroulée dans des pays comme le Pakistan, l'Iran et le Soudan. Nous parlerons également de la Malaisie, qui, malgré qu'elle n'ait pas islamisé tout son système, possède un état d'avancement assez remarquable dans le domaine. Nous examinerons ensuite l'intégration du système islamique et de ces principes dans les pays non-musulmans tels que la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, tant au niveau des banques qu'à travers d'autres instances comme les places financières. Par après, nous entamerons les différentes coopérations émergeant entre les deux systèmes. Enfin, nous terminerons par Ime évaluation de la situation actuelle, tant au niveau des problèmes que rencontrent les banques islamiques qu'à celui des opportunités qu'elles offrent et des perspectives pour le futur. 1. Histoire et développement du système financier musulman.
Ce n'est que depuis la Seconde Guerre mondiale et le début de l'indépendance des pays musulmans qu'on voit émerger une renaissance de la finance islamique. La fin du colonialisme et la recrudescence du sentiment de religiosité ont largement contribué à ce phénomène, mais ce sont véritablement les immenses revenus engendrés par les différents booms pétroliers qui ont alimenté et permis sa croissance. Cependant, pour retrouver l'origine de ce mouvement, il faut remonter bien plus en arrière, vers la moitié des années 30, époque à laquelle certains ulémas (savants musulmans) tentent une approche islamique des différents problèmes socio-économiques, problèmes qui les amenèrent à s'interroger sur la légitimité de l'application de l'intérêt dans leur économie. Ainsi, ils se distinguaient, dans leur réflexion, des économistes de l'époque puisque leur volonté ne résidait pas, comme ce fut le cas jusqu'alors, à modifier les injonctions islamiques pour les adapter aux pratiques financières occidentales. Ils désiraient, au contraire, réaffirmer les préceptes islamiques, sans accorder aucun compromis, et convaincre l'opinion publique de la nécessité d'un retour vers un système économique en conformité avec les normes de l'Islam. Certains banquiers et économistes musulmans répondirent à l'appel mais aucune des tentatives n'eut réellement un impact décisif. On retrouve plusieurs exemples remontant à cette époque en Malaisie dans le milieu des années 40 et dans le Pakistan des années 50, à travers l'apparition de coopératives rurales accordant des crédits sans intérêt. En 1962, le gouvernement malais mit à la disposition de sa population le «Pilgrim's Management Fund", qui permit aux fidèles d'épargner pour l'accomplissement du pèlerinage à la Mecque. Malgré que l'étendue de l'activité de ces différentes instances reste limitée, elles représentaient sans conteste l'ouverture à de plus larges aspirations et certains voient en cette première ébauche la première phase de l'islamisation du système économique et financier. L'émergence des discussions théoriques sur l'économie et la finance islamique n'a été concrétisée dans la réalité qu'en 1963 à Mit Ghamr en Egypte. Cette première banque jouait essentiellement le rôle d'une banque d'épargne basée sur le système du partage des profits et des pertes mais ne projetait cependant aucun dessein religieux, évitant de cette manière d'être perçue comme une manifestation du «fondamentalisme musulman» qui était alors un anathème aux yeux du régime politique en place à cette époque. Cette expérience se poursuivit jusqu'en 1967, temps auquel plus de neuf succursales s'étaient implantées à travers tout le pays, étant donné le succès grandissant qu'avait connu l'application d'un système en conformité avec la Chari'a. Peu de temps après la cessation de l'activité de cette première banque apparut, en 1971, la Nasser Social Bank, qui opérait également sans intérêt et dans les statuts de laquelle n'apparaissait aussi aucune référence à la Chari'a Le début des années 70 fut la scène d'un véritable changement politique et idéologique dans le paysage arabo-musulman. L'indépendance économique et politique face à la mainmise occidentale était de plus en plus marquée, et permit à la population de ces différents Etats d'exprimer et de pratiquer librement sa foi. Ce regain religieux se manifestait à tous les niveaux de la population et dans tous les domaines, en particulier dans celui de l'économie et de la finance. Ceci nous conduit à la deuxième phase dans laquelle les contours d'un système bancaire alternatif rejetant l'intérêt et conforme aux objectifs de la Chari'a furent dessinés pendant différents séminaires et conférences tenus à cette époque En 1975, un premier pas dans la concrétisation de ce système va être la constitution de la Banque Islamique du Développement, la BID, à jeddah. La BID, considérée comme le point de départ de l'essor des banques islamiques, est une banque intergouvernementale qui fournit les fonds nécessaires à des projets de développement dans ses 54 pays membres. La BIO fournit des services rémunérés par la couverture des frais qu'ils engendrent et une assistance financière à ses pays-membres basée sur le partage des profits. Les opérations de la 81D ne contiennent aucun taux d'intérêt et font, cette fois, explicitement référence aux principes de la Chari'a. Lors d'une interview à un programme télévisé pakistanais, le Dr Ahmad Muhammad Ali, Président de la BIO, tente de donner un aperçu des objectifs de l'institution: « ... les principaux objectifs derrière l'établissement de la Banque Islamique de Développement sont de promouvoir la solidarité et de renforcer les relations entre les pays-membres musulmans21(*)». II continue en expliquant comment la 81D a opéré jusqu'à aujourd'hui pour remplir son rôle: « ... la banque a financé un certain nombre de projets non seulement dans les pays membres mais également pour les musulmans vivant dans des pays non-membres ... la banque a mis en place divers programmes afin de promouvoir l'investissement direct entre les pays-membres au lieu d'utiliser des voies divergentes22(*)». De la même manière, plusieurs banques islamiques, tant dans la lettre que dans l'esprit, vont apparaître dans les années 70 au Moyen-Orient. Ainsi, on peut citer la Dubaï Islamic Bank (1975), la Faysal Islamic Bank du Soudan (1977), la Faysal Islamic Bank d·Egypte (1977), la Banque Islamique de Bahreïn (1979), pour ne mentionner que celles-ci. Les pays de l'Asie du Pacifique, bien que précurseurs du système financier islamique, étaient à cette époque moins enclins au changement, et il fallut attendre le début des années 80 pour voir s'établir en Malaisie la première banque islamique à part entière, la Bank Islam Malaysia Berhad (81MB). Le mouvement fut dès lors enclenché, et le nombre de banques islamiques ne cesse d'augmenter depuis cette époque. La plupart des banques islamiques sont d'initiative privée, dans lesquelles le gouvernement n'a pas de rôle ou seulement un rôle passif. Dans ce cas, les banques islamiques coexistent avec des banques opérant selon le système conventionnel, c'est-à-dire en pratiquant l'intérêt. Cependant, quelques pays musulmans, comme l'Iran, le Pakistan et le Soudan ont adopté une approche différente, celle de l'islamisation progressive de tout leur système économique et financier.
Nous entrons ici dans ce que nous appellerons la troisième phase de développement du système bancaire islamique, c'est-à-dire son intégration dans des régions où la population musulmane est minoritaire et dans des pays occidentaux.
Hormis le cas de la Grande-Bretagne, le mouvement d'intégration des banques islamiques en Europe est assez paradoxal. En effet, c'est dans les pays où la population musulmane est presque insignifiante qu'on retrouve les principales institutions implantées en Europe. Le mouvement d'intégration des banques islamiques en Europe Continentale ne connaît pas encore un réel succès, et celles qui ont été établies jusqu'à présent le sont essentiellement pour les avantages fiscaux et légaux qu'offre leur pays d'accueil. C'est en 1978 qu'apparaîtra la première institution islamique en Europe, plus exactement au Luxembourg. L'«Islamic Banking System», qui sera rebaptisé plus tard la «Islamic Finance House Universal Holdings», sera essentiellement consacrée à l'acquisition par achat, échange, souscription, ... de parts dans des sociétés tant en Europe que dans le reste du monde. Cette banque s'est également largement impliquée dans le financement de projets communautaires (petits supermarchés, boucheries, ...), principalement en Allemagne. IBS Luxembourg tentera d'élargir sa présence jusqu'au Danemark, où il installera une filiale en 1982. il sera ensuite racheté par la Dar al-Maal al Islami (DMI), avant de fermer définitivement ses portes en 1997. Beaucoup plus tard, en 1990, va s'établir la Faisal Finance à Genève en Suisse, filiale de la Dar al-Maal al Islamic (DMl). Cette institution remplira principalement le rôle d'une banque d'affaires avec toutes ses implications. Une autre filiale de la DMI ouvrira également ses portes au Luxembourg, mais cette fois en tant que holding de type Soparfi (société de participations financières), et non pas sous le statut d'une banque. Dans les pays d'Europe Continentale où la communauté musulmane représente une partie non-négligeable de la population, comme l'Allemagne, la France ou la Belgique, les banques islamiques sont jusqu'à présent non-existantes. Le principal argument avancé pour justifier cette carence est la présence de législations qui s'opposent à l'établissement de telles institutions. En Belgique, plusieurs règles légales viennent entraver le développement de cette initiative. Dans un premier temps, la législation bancaire belge prévoit que toutes «les succursales d'établissements de crédit ne relevant pas d'un Etat-membre de l'Union Européenne sont soumises aux mêmes règles que les établissements de crédit de droit belge ... La Commission Bancaire et Financière peut ... refuser un agrément à la succursale d'un pays ne faisant pas partie de l'UE si elle estime que la protection des épargnants ... requiert la création d'une société de dmit belge23(*))). Les banques islamiques établies à J'étranger, étant en général des succursales de groupes basés au Moyen-Orient, sont soumises à cette règle. L'une des règles les plus contraignantes est le système de garantie de dépôts géré par J'Institut de Réescompte et de Garantie des dépôts. Par ce système, tous les dépôts sont protégés des pertes réalisées ou de la faillite des banques par leur adhésion obligatoire à cette instance. Dans le système islamique, seuls les comptes courants garantissent le capital initial. Par contre, le capital investi sur les comptes d'investissement peut être sujet à une dépréciation, suite aux pertes possibles engendrées par le projet financé. La législation bancaire belge énumère24(*) toutes les activités que les banques sont autorisées à pratiquer. Parmi celles-ci, certaines dispositions communes aux deux systèmes se retrouvent, telles que la collecte des dépôts, le leasing, les opérations de paiement, ... Au demeurant, les opérations commerciales réalisées dans le cadre des contrats de Murabaha ne sont pas couvertes par la loi et ne peuvent donc être appliquées en Belgique. Enfin, J'une des dernières contraintes légales qu'il est encore important de citer est la limitation de détention de droits d'associés et de participations qu'une banque peut détenir. Un arrêté royal prévoit à cet effet que «chaque poste n'excède pas 15% des fonds propres de l'établissement de crédit et que le montant total n'excède pas 45% des fonds propres de l'établissement25(*)». Etant donné que J'activité principale d'une banque islamique est J'investissement des fonds déposés selon, entre autres, un contrat de Mudaraba qui peut prendre la forme de participation dans le capital d'une société pour le compte propre de la banque, il est évident que ces normes seront inévitablement dépassées. En Allemagne, la seule initiative connue jusqu'à nos jours est celle qui a été entreprise par l'IFH située au Luxembourg. Mis à part ce projet, l'Allemagne reste surtout le siège d'une certaine réflexion sur le système. Plusieurs personnalités ont révélé un véritable intérêt à J'égard du système bancaire islamique, bien que cet intérêt se soit jusqu'ici résumé au potentiel du système d'un point de vue global, plutôt qu'à une application spécifique à J'Allemagne
Un autre argument qui est souvent cité pour justifier J'absence de banques islamiques en Europe Continentale est le poids relatif de la communauté musulmane dans la partie la moins favorisée de la population. Cet argument reviendrait pourtant à dire que « ... le système bancaire islamique ne serait réservé qu'aux riches et aux hommes d'affaires musulmans, ce qui est .évidemment en contradiction avec les principes énoncés par le Coran... 26(*)».
La Grande-Bretagne est le seul pays d'Europe176 qui, jusqu'ici, a autorisé l'établissement d'une banque islamique sur son territoire. Malgré que J'expérience ne dura que jusque 1993, J'établissement de la Al-Baraka International Bank Lirnited (AlBL), filiale du groupe Al-Baraka, est considéré comme J'expérience pionnière du système bancaire islamique en Europe. La fermeture de la banque en 1993 est essentiellement due à son incapacité à répondre aux exigences de la Banque Centrale d'Angleterre. Dans une lettre adressée à J'Association des Banquiers Arabes en mars 1994, Eddie George, gouverneur de la Banque d'Angleterre à cette époque. L'interruption de J'activité de l'AlBL en Grande-Bretagne laissa un vide qui ne fut comble qu'en 1997, lorsque l'United Bank of Kuwait (UBK) basée à Londres proposa un nouveau plan de financement immobilier sans intérêt. L'Islamic Investment Banking Unit (lBU), comme est appelé ce projet, propose principalement des contrats de Murabaha et de Ijam pour permettre le financement de l'achat de biens immobiliers aux musulmans britanniques qui ne désirent pas contracter un emprunt à intérêt. Il est important de noter que l'UBK avait déjà lancé le même type de service en Irlande en 1994. L'IIBU Fund II PLC basé à Dublin permet l'investissement de fonds dans un assez large portefeuille d'équipement basé sur le principe de l'Ijara. D'autre part, l'UBK avait également déjà proposé le Healthcare Fund en décembre 1996, né de l'association de l'UBK et de la Kuwait Finance House, offrant la possibilité d'un financement immobilier par Ijara. D'autres tentatives ont été entreprises entre-temps, mais sans grand succès. Ce fut le cas, par exemple, pour l'El Medina Islamic Equity Fund lancé en 1994, qui sélectionnait une centaine de sociétés dans un panier de 500, dans lesquelles les investisseurs musulmans pouvaient investir. Ce fonds n'eut pas le succès attendu, à cause d'un manque de crédibilité et de la carence d'un plan de marketing adéquat, étant donné la nouveauté du produit. En dépit du peu de réussite engendré par la tentative d'implantation d'une institution islamique en Angleterre, Londres reste sans conteste la première place financière islamique et également la plaque tournante des réflexions et des discussions sur ce sujet et le lieu d'édition des différents ouvrages publiés en anglais dans le domaine. Par conséquent, la Grande-Bretagne est le pays d'Europe le plus avancé et le plus ouvert à une réelle implantation du système financier islamique. Ceci sera illustré lorsque nous aborderons les différentes coopérations qui existent entre les deux systèmes. Nous verrons, en effet, comment plusieurs banques britanniques se sont lancées dans l'offre de produits financiers islamiques.
Avec plus de 6 millions de musulmans de toute origine, les Etats-Unis dispose d'un réel marché pour le développement de services financiers en accord avec la loi islamique. En outre, contrairement à la situation des immigrés musulmans vivant en Europe, la communauté musulmane américaine n'est pas confinée dans ce qu'on pourrait appeler la classe précaire de la population En réponse à cette constatation, plusieurs initiatives ont été lancées sur le sol américain. Parmi celles-ci, on peut citer la LARIBA Bank de l'American Finance House, qui est autorisée à opérer dans plus de 13 Etats américains. Actuellement, la LARIBA Bank propose une diversité de services de financement parmi lesquels le Lease-to-Purchase pour les biens immobiliers, les voitures et les équipements médicaux. Elle offre également diverses opportunités de financement et d'investissement aux petites et moyennes entreprises. Une autre institution qui s'est également largement développée est l'Amana Mutual Fund basée à Washington. Ce fonds permet à des investisseurs de placer leur argent dans un portefeuille diversifié d'actions de compagnies dont l'activité est en accord avec les principes de la Chari'a. La liste des institutions offrant de pareils services est encore longue. Un dernier exemple pourrait être l'initiative lancée par Omar Clark Fisher, consultant chez OPIC converti à l'Islam en 1980. Il lança en 1992 la Première Société de Leasing Islamique, qui, après trois ans d'existence, atteignit un portefeuille d'investissement de plus de 6 millions d'USD.
2. Etat actuel du système financier islamique
La taille actuelle du marché financier musulman est assez difficile à mesurer. Le nombre d'institutions bancaires totalement islamiques était estimé à plus ou moins 200 unités en 1999 par le magazine spécialisé Private Banker, alors que le Président de l'Abu Dhabi Islamic Bank, Al Nassiri parlait déjà d'une augmentation de 34 en 1983 à 194 banques islamiques en 199727(*) D'après le Miraj International Investîmes, un fonds d'investissement islamique basé au Canada, les institutions financières islamiques disposent à l'heure actuelle d'investissements totalisant 140 milliards de dollars dans plus de 40 pays, un chiffre qui croît à un rythme annuel allant de 15% à 20%195, alors que Ibrahim Warde évalue le total des actifs des banques islamiques à plus de 230 milliards de dollars dans plus de 75 pays 196. Le dernier recensement officiel des institutions bancaires islamiques a été effectué en 1996 par l'Association Internationale des Banques Islamiques. Malgré que les chiffres de cette enquête ont inévitablement augmenté en six années de temps, les graphiques et tableaux qui en ressortent permettent d'obtenir une idée relativement claire da la taille et de la structure actuelles du marché. Le nombre de banques islamiques était alors estimé à environ 90, hormis les banques du Pakistan, de l'Iran et du Soudan où la totalité du système bancaire a été islamisée. En 1996, la valeur totale de l'actif qui était géré par ces banques s'élevait à 28 milliards d'USD alors qu'elle est évaluée en 1998 à plus ou moins 50 milliards d'USD. Les différents tableaux présentés ci-dessous sont directement repris des différentes enquêtes menées en 1996 par J'Association des Banques Islamiques basée à Jeddah en Arabie Saoudite.
Le tableau suivant nous donne la répartition des banques islamiques à travers le monde: Tableau 1: Institutions Financières Islamiques par Région
* Cette catégorie inclut la Turquie. Ces chiffres montrent que le plus grand nombre d'institutions financières islamiques se trouvent en Asie, suivi par les pays du Golfe et les autres pays du Moyen-Orient. Bien que ces chiffres nous offrent une première idée sur l'étendue et la répartition du marché financier islamique par région, ils ne nous permettent pas d'évaluer le poids de différentes régions sur le marché. Une répartition de la valeur des actifs gérés par région résout ce problème. Tableau 2: Valeur des fonds gérés par Région
Grâce à ce dernier tableau, il est facile de voir qu'une très grande partie de l'activité bancaire islamique est gérée au Moyen-Orient, dans les Pays du Golfe. Cette région compte, en effet, plus de 84% des totalités fonds qui sont gérés par les institutions bancaires et financières islamiques.
La taille est une variable importante pour pouvoir déterminer l'efficacité d'une banque. Tableau 3: Institutions Financières Islamiques par taille de l'actif
D'après les données de ce tableau, nous pouvons constater que la majorité des banques islamiques se trouvent en dessous du seuil d'efficacité fixé à 500 millions d'USD. Seules 10 banques sur les 80 dont les données sont disponibles publiquement atteignent ce seuil. La petite taille adoptée par la majorité des banques islamiques est souvent justifiée comme une manière de minimise!": le risque à travers une diversification de leur portefeuille d'actifs. Tableau 4: Institutions financières islamiques par taille du capital
Ce tableau nous permet de constater que seulement 8 institutions ont atteint ce niveau d'optimalité. Des résultats qui sont dégagés de ces différents tableaux, on peut conclure que seul un nombre restreint d'institutions financières islamiques a atteint les différents niveaux d'optimalité. Ces résultats peu encourageants sont, de manière générale, à imputer au très jeune âge de la plupart de ces institutions. Au demeurant, il est de notoriété publique qu'un haut niveau de capital facilite l'appel à de nouveaux fonds puisqu'il reflète l'intérêt que portent des actionnaires à la société.
A présent, il est intéressant de voir quels sont les modes de financement qui sont le plus usités par un échantillon de 10 banques islamiques. Les banques reprises dans cet échantillon par l'Association des Banques Islamiques ont été sélectionnées selon deux critères: premièrement, selon une taille minimum pour que les données puissent être statistiquement significatives; deuxièmement, selon la disponibilité des informations requises. Les dix banques reprises dans l'échantillon représentent ensemble environ 50% de l'actif total agrégé des banques islamiques en 1996; ce qui assure une certaine représentativité à l'échantillon. La banque islamique se procure ses ressources en utilisant un contrat de Mudaraba et va les utiliser par le biais des différents modes de financement qui ont également été étudiés dans le chapitre précédent. Ce graphique reprend l'utilisation des divers modes de financement par les moyennes des différentes banques. Cela indique la proportion de chaque mode de financement dans l'activité de la banque. On constate que la Murabaha représente plus de 70% et l'Ijara 5%. Donc, les instruments financiers basés sur la dette représentent plus de 75%, alors que les instruments basés sur le partage du profit représentent moins de 14% du total.
Ici encore, pour pouvoir examiner quelle était la position du financement par secteur en 1996, un échantillon d'une dizaine de banques a été sélectionné. Graphique1: La position du financement par secteur De ce graphique, il paraît évident que la majorité des banques investissent leurs fonds dans des activités commerciales avec 42% du total investi. Le second secteur dans lequel les banques investissent le plus est celui de l'immobilier, avec 13%. Le secteur industriel suit de très près avec 12% et l'agriculture arrive en dernier lieu avec à peine 2,4%.
Les résultats obtenus ici sont à imputer à ceux obtenus lors de la répartition des ressources par modes de financement. La Murabaha est, en effet, à l'origine un mode de financement commercial. Ces résultats peuvent également être expliqués par la répartition géographique des banques. La majorité des fonds gérés se situent dans la région du Golfe où l'agriculture est très peu développée. Après avoir étudié les différents résultats du secteur bancaire islamique en 1996, il nous est maintenant possible de ·les exploiter pour pouvoir envisager les différents problèmes et opportunités auxquels est confronté le système. 3. Problèmes rencontrés par le système financier musulman
A la lumière des données étudiées ci-dessus, un premier problème qui se pose aux banques islamiques est l'impopularité des instruments basés sur le partage du profit. L'ensemble des techniques financières se scinde, en effet, en deux parties: celles qui sont basées sur un revenu fixe du capital et celles basées sur le partage des pertes et des profits (Mudaraba et Musharakah). Alors que les premiers économistes musulmans préconisaient la Musharaka et la Mudaraba comme les principales méthodes de financement, elles ne représentent actuellement que 10 à 15% de l'activité bancaire. Pourtant, les théoriciens de la finance islamique ont bâti leurs espoirs sur de tels instruments et comparé leurs effets sur l'économie à ceux produits par l'investissement directe. Ils ont également développé toute une série d'arguments et de théories qui démontrent la supériorité du partage des profits sur l'octroi d'un revenu fixe20I. L'utilisation de ce type de transaction a été conseillée comme méthode de financement uniquement lorsque le partage des risques et des profits n'est pas applicable. Si ce n'est pas le cas, les juristes et économistes musulmans désapprouvent leur application, les banques préservant de cette manière le statique avec le système conventionnel, par l'insistance sur la solvabilité du client et le maintien de la relation créditeur/débiteur. Plusieurs approches doivent être adoptées pour comprendre les causes de cette impopularité. Partant de la perspective bancaire, le principal obstacle à leur développement semble se résumer aux risques et aux coûts transactionnels que ceux-ci engendrent. Il existe, en effet, une différence fondamentale entre la banque conventionnelle et la banque islamique. La sélection d'un projet nécessite des études de faisabilité et plusieurs évaluations techniques et financières, évaluations qui requièrent des analystes expérimentés. Les coûts afférents à ces transactions sont, par ailleurs, dans la majorité des cas bien plus élevés que ceux liés à l'autre type de fmancement204 La conclusion d'un contrat de Mudaraba nécessite, en outre, un suivi et un contrôle perpétuel de l'activité du Mudarib, pour ainsi détecter toute erreur de sa part, erreur qui pourrait être à l'origine d'une éventuelle perte. La banque préfère également les contrats de Murabaha ou d'Ijara aux contrats basés sur le partage des profits pour la perspective à court terme qu'ils offrent. Les banques favorisent le court terme étant donné qu'elles travaillent généralement sur des petites réserves; elles doivent donc pouvoir disposer rapidement de liquidités si le besoin s'en fait ressentir. Partant de la perspective du client, les contrats de Musharaka et de Mudaraba sont également peu sollicités. L'investissement dans un projet est souvent un investissement à long terme, et une première phase de croissance est requise avant de pouvoir entrevoir les premiers bénéfices significatifs. Cette optique à long terme implique également plus de risque, ce qui n'est généralement pas un argument en faveur de ces contrats. Par conséquent, il n'est pas surprenant que le financement par Murabaha et par Ijara représente plus de 75% de l'activité globale de financement des banques islamiques. Ce type de contrat, en plus d'être basé sur le court terme, offre un haut niveau de liquidité et peu de risque aux investisseurs. Ces avantages ont donc largement contribué à la forte popularité de ces techniques, mais cette utilisation abusive pose actuellement certains problèmes sur la scène financière islamique: le risque de défaut de paiement des clients et la difficulté de négociabilité de ces actifs. Le danger engendré par l'insolvabilité du client est illustré de la manière suivante: même s'il est permis d'imposer un prix plus élevé pour la vente à crédit comparé à la vente au comptant, une fois le contrat conclu, une dette fixe naît du côté de l'acheteur. Si celui-ci n'acquitte pas sa dette, les banques ne peuvent pas le pénaliser financièrement, cela étant assimilé à du Ribâ. Il faut néanmoins rester vigilant lorsque la question de la pénalisation du client est abordée. Les juristes musulmans s'accordent sur la légalité d'une sanction financière, mais la banque ne peut retirer aucun bénéfice de celle-ci. La question de savoir si la banque utilise cette astreinte pour réparer le dommage qu'elle a subi reste aujourd'hui une question non résolue. L'autre problème engendré par l'utilisation excessive de ces contrats basés sur la dette est leur difficulté à transformer ces modes financiers en instruments financiers négociables205. Une fois qu'une dette a été créée, elle ne peut, en effet, être transmise à une tierce personne, si ce n'est dans sa propre valeur. Vu le poids important de ces instruments sur le marché financier islamique, celui-ci devient très peu négociable, et représente par conséquent l'un des obstacles les plus importants à la mise sur pied d'un marché islamique secondaire.
Les taux de croissance spectaculaires le prouvent, les banques islamiques ont connu un succès considérable dans la mobilisation de fonds dans le passé. Cependant, les circonstances actuelles ne sont plus celles des années 70, et de nouveaux éléments menacent leur prospérité. Les taux de croissance continuent à évoluer mais de manière décroissante et de nouveaux efforts sont requis pour tenter de stabiliser ces taux. Un premier élément qui remet en question le futur des banques islamiques est que celles-ci, après de nombreuses armées de .monopole» dans leur domaine, doivent affronter aujourd'hui l'intérêt grandissant que portent les banques conventionnelles sur leur marché. Bien qu'il est difficile d'établir une liste complète des institutions qui pratiquent le système bancaire islamique parmi leurs nombreuses activités, il n'en reste pas moins que celles qui l'appliquent de notoriété publique sont des géants de la scène bancaire internationale. Leur concurrence introduit graduellement de nouvelles réalités auxquelles les banques islamiques ne sont pas préparées. Au demeurant, la concurrence semble, à première vue, ne pas être un élément totalement négatif. Elle est généralement supposée être un facteur de croissance, en promouvant l'innovation, la réduction des coûts et l'amélioration de la qualité des produits et services offerts aux consommateurs. Elle n'est pas recommandée dans un seul cas: lorsque les firmes se trouvent encore dans leur stade de développement, stade durant lequel elles doivent au contraire être protégées de la concurrence jusqu'à ce qu'elles atteignent l'expérience et les qualités nécessaires pour que ce phénomène ne leur 'soit plus défavorable. Les banques islamiques émergent à peine de cette période qu'elles doivent déjà affronter l'expérience et le savoir-faire des banques conventionnelles dans des domaines comme les techniques d'innovation, la stratégie marketing, la diversification de portefeuilles, ... Ainsi, la concurrence de grandes banques multinationales menace l'avenir des banques islamiques. Les banques islamiques se doivent donc de réagir rapidement et d'investir dans une diversification accrue des produits qu'elles offrent pour pouvoir répondre aux besoins croissants de leurs clients, eu égard à leurs exigences en matière de revenu, de délai et de risque. Jusqu'ici, les outils utilisés restent confinés dans des modes de financement classiques qui ont été développés il y a des siècles et qui répondaient aux exigences de cette époque. Malgré que ces outils gardent toute leur efficacité aujourd'hui, les circonstances et l'environnement obligent les banques islamiques à redoubler d'efforts et d'investissements dans le domaine de l'innovation. Cette innovation est d'autant plus nécessaire que c'est le manque de diversification dans les produits proposés qui a mené la banque islamique à agir comme un intermédiaire plutôt que comme un véritable investisseur. Les investissements en recherche et développement sont, par conséquent, indispensables. Cette idée pourrait paraître évidente, mais elle n'en est pas moins extrêmement difficile à appliquer, étant donné le filtre religieux par lequel tout nouveau produit doit passer. Une condition sine qua non pour que celui-ci soit attractif auprès des principaux clients de la banque, les musulmans, est son adéquation aux règles du droit islamique. Cependant, plusieurs techniques sont à la disposition des juristes musulmans, comme le qiyas, la maslaha ou encore l'istihsan . Ce fut le cas, par exemple, pour la procédure d'approbation du contrat de Salam. Rappelons qu'au départ, la vente d'un objet qui n'est pas en possession du vendeur est interdite. Cependant, dans le cas du contrat de Salam, le Prophète (sbsl) a autorisé une telle transaction pour les besoins des gens de son époque, pour autant que la protection des intérêts des deux parties soit assurée . Ici aussi, de nouveaux besoins sont apparus et la nécessité de l'innovation se fait nettement ressentir. Les marchés financiers conventionnels débordent de nouveaux produits tels que les options, les plans de pension, les cartes de crédit, ... Les institutions islamiques ne peuvent donc se permettre de rester à l'arrière-plan de la scène. C'est ainsi que de nombreux contrats classiques ont été améliorés, voire modifiés, pour répondre aux besoins contemporains. On peut citer comme exemple le modèle même de la structure bancaire islamique, la Mudaraba two-tiers. Ce modèle est basé sur une adaptation du principe de Mudarib udarib:qui donne le droit au Mudarib (la banque) de devenir elle-même Rabb al mâl vis-à-vis de ses clients. Ce principe est également usité pour l'application des sous-contrats pour d'autres techniques financières. Le processus d'innovation est donc en cours mais requiert d'importants investissements en Recherche et Développement. En vue d'optimiser leurs investissements dans ce domaine, les banques ont décidé de centraliser leurs efforts par la création, en 1992, du Bureau de Coordination et de Recherche Académique, qui est situé dans le Centre Saleh Kamel pour l'Economie Islamique, à l'Université Al Azhar au Caire, en Egypte.
L'une des plus grandes difficultés que rencontrent les Conseils de la Chari'a dans leur fonction est la diversité des opinions des savants musulmans. Bien qu'ils soient unanimes sur les principes fondamentaux, il existe souvent plus d'une interprétation pour un seul sujet. Le gouvernement malais a tenté de faire face à ce problème au début du développement de son industrie bancaire islamique. Sa Banque Centrale, la Banque Negara, dispose de son propre conseil religieux qui détermine les règles applicables pour l'ensemble des banques islamiques actives sur son territoire. Une tentative de centralisation des conseils de la Chari'a a été amorcée par les différentes initiatives de séminaires internationaux réunissant des juristes et des experts financiers musulmans, séminaires dont le plus célèbre est le OIC Fiqh Academy tenu régulièrement à Jeddah, en Arabie Saoudite. La situation est cependant loin d'être idéale. Les discussions entre juristes et financiers sont souvent vides de sens, ceux-ci utilisant des termes techniques qui varient non seulement d'une discipline à l'autre, mais également d'un pays ou d'un courant de pensée à l'autre. Le véritable problème qui se pose dès lors est « ... la carence en savants qui maîtrisent tant les enseignements coraniques qu'économiques et financiers. Dans une interview donnée à l'auteur, Muazzam Ali de la IIBI à Londres estimait qu'il n); avait pas plus de 20 savants à travers le monde qui répondent à ces conditions210)). Ce problème de concordance des avis émis mène souvent à des opinions contradictoires et à des conflits d'intérêts. De plus, la diversité des conseils de la Chari'a ralentit considérablement le développement du système financier islamique, sans lesquels il ne peut cependant pas fonctionner.
Chaque système possède ses exigences institutionnelles, et le système financier islamique n'est pas une exception. Comme tout système, il nécessite également la présence d'instances de contrôle et d'assistance qui lui permettent d'opérer dans l'environnement le plus favorable qui soit. Jusqu'ici, les institutions financières islamiques à travers le monde ont toujours essayé de bénéficier de la structure institutionnelle déjà établie pour le système conventionnel. Cependant, elles ne peuvent se contenter d'une structure reposant sur des principes différents et souvent contradictoires à son fonctionnement. La nécessité de l'établissement d'institutions orientées plus spécifiquement vers leurs besoins et leur nature se fait donc vivement ressentir.
Le manque d'instances de contrôle dans le paysage financier musulman est l'un des problèmes les plus urgents à résoudre, étant donné les carences qu'engendre ce manque. En effet, trois raisons expliquent cette urgence: la difficulté d'acquisition d'informations disponibles pour les investisseurs et le manque de transparence, le manque d'assurance quant à la faisabilité et au futur du système financier, et l'amélioration des politiques monétaires. L'information est un élément essentiel pour assurer la continuité d'un système financier, et dire que la transparence est une qualité du marché bancaire islamique serait un leurre. Il n'est pas rare, par exemple, que le procédé exact de calcul des pans de profits sur les différents dépôts soit gardé confidentiel. De la même manière, les détails quant à l'utilisation des fonds par les banques ne sont que rarement rendus publics. Cette attitude de la part de la majorité des banques islamiques enraye la fiabilité de leur activité. Une transparence plus accrue est donc requise et celle-ci pourrait être exigée par une instance de contrôle, qui obligerait les banques à révéler les informations cruciales aux investisseurs potentiels et ainsi augmenter l'efficacité des marchés financiers. L'industrie bancaire conventionnelle est l'un des secteurs les plus contrôlés et les plus régulés. Bien qu'une instance comme la Banque Centrale est présente dans tous les pays où il existe des institutions islamiques, la structure et le fonctionnement de celle-ci sont trop souvent calqués sur celle du système conventionnel. Ces dernières années, des efforts ont été entrepris dans certains pays; ainsi, en Egypte et en Jordanie, un Acte Bancaire Islamique a été édité, prévoyant des règles spécifiques aux institutions financières islamiques et les relations de celles-ci avec la Banque Centrale. D'autres pays comme la Malaisie ont édicté des règles, pour les opérations des banques islamiques parallèlement à celles déjà présentes pour les banques conventionnelles. Cependant, aucune de ces initiatives ne prévoit un système d'assistance conforme aux règles de la Chari'a. Ainsi, les dépôts des banques auprès de la Banque Centrale restent rémunérés par une charge d'intérêt, et il en est de même pour les prêts octroyés. Plusieurs solutions ont déjà été avancées, mais rares sont leurs applications. Ainsi, Chapra212 propose un dépôt commun par les banques islamiques sous le contrôle des Banques Centrales pour fournir une aide à une autre en cas de problème de liquidité, et ce sur une base coopérative. Enfin, une dernière institution qui devra être mise sur pied prochainement est un Conseil de la Chari'a commun à toutes les banques et qui fournirait des règles standardisées et communes à chacune.
Un système financier requiert qu'une bonne partie de ses activités soit basée sur du long terme. Dans le système conventionnel, ces activités sont assumées par l'émission de titres comme les obligations à long terme et les actions. Cette fonction est assurée par les marchés de titres et les institutions spécialisées. En plus du public, les plus importantes sources de ces investissements à long terme sont les banques d'investissement, les fonds communs, les compagnies d'assurance et les fonds de 'pension. Dans le système islamique, une émission d'obligations à long terme n'est pas possible puisqu'elle repose sur l'intérêt. Le besoin en marché des actions est, par conséquent, bien plus élevé. De plus, un manque latent de standardisation des produits empêche les banques islamiques de se développer. Cette standardisation permettrait aux banques de coopérer, tout comme les méthodes basées sur l'intérêt ont été uniformisées. Cette uniformisation favoriserait la syndication de beaucoup de transactions bancaires et la capacité de pouvoir titriser ces produits endiguerait le manque de négociabilité de ces produits, permettrait la croissance d'un marché secondaire spécifique et encouragerait les investissements à long terme213. Malheureusement, dans la plupart des pays musulmans, le marché des actions n'est pas vraiment développé. Parallèlement, le nombre d'institutions spécialisées est relativement négligeable. Des fonds communs et des fonds Mudaraba sont apparus mais leur nombre reste assez restreint et l'information sur leur performance presque inexistante. De la même manière, le nombre de compagnies d'assurance islamiques peut tenir sur les doigts d'une main. Ce retard pose plusieurs problèmes au système musulman: d'une part, il l'empêche d'assurer son avenir et sa longévité à cause du déséquilibre flagrant qui existe entre le court terme et le long terme. D'autre part, il augmente le décalage déjà existant avec le marché conventionnel où le nombre et les performances des institutions spécialisées sont relativement croissants
Alors que les banques conventionnelles disposent de règles comptables internationales qui leur sont communes et que leur Banque Centrale publie les comptes annuels consolidés des banques après supervision, le système financier islamique dispose d'une diversité de pratiques comptables, pratiques qui varient d'une institution à l'autre, entravant ainsi toute tentative de comparaison entre les documents comptables. De plus, les concepts utilisés pour l'élaboration du bilan et du compte de résultat ne sont que rarement définis d'une manière rigoureuse. Cependant, ces dernières armées, plusieurs initiatives ont été prises pour neutraliser ce problème et pour tenter une standardisation des pratiques comptables. Etant donné l'ampleur et la nouveauté de cette initiative, un simple paragraphe ne nous permettrait de l'aborder d'une manière adéquate * 21 _ Discours de Ahmad Muhammad Ali, Président de la BID, reprises dans Interest-Free Banking absolutely workable System, Islamabad, 19 septembre 1999, www.brecorder.com. * 22 _ Discours d'Ahmad Muhammad Ali, o.c. Il continue en évoquant J'exemple du Soudan. liCe pays était CJccoutumé à acheter de la marchandise au Bangladesh en passant par la Grande-Bretagne jusqu'à ce que la banque intervienne et maintenant, la transaction se/ait directement.» Il continue par la présentation des résultats obtenus: Il ... le commerce entre les différents pays membres ne s'élevait qu'à 4 ou 5% lorsque la banque a commencé ses/onctions, taux qui atteint aujourd'hui J(JO/o ... la banque vise à atteindre les 15% ... ». * 23 _ Association Belge des Banques, a.c., p. 27. * 24 _ Art 3, § 2, alinéa 1er à 14, loi du 22 mars 1993. * 25 _Art 1 er de l'Arrêté Royal du 17 juin 1996. * 26 _ The Institute of Islamic Banking and Insurance" European Perceptions an Islamic Banking, Londres, 1996, p. 134-135. * 27 _ « yahoo », Actualités Economique, 14 Novembre 1999 |
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